Gaza, les manuels scolaires de l’AP toujours empreints d’incitation à la haine et au martyre
Malgré les promesses de réforme, les manuels glorifient le martyre et véhiculent une rhétorique antisémite dans toutes les matières, selon un rapport d’IMPACT-se
Nurit Yohanan est la correspondante du Times of Israel pour le monde arabe et palestinien.

Pendant près d’un an après que la guerre a éclaté à Gaza, déclenchée par l’invasion et le pogrom du 7 octobre 2023 perpétrés dans le sud d’Israël par le groupe terroriste palestinien du Hamas, quelque 625 000 enfants en âge scolaire vivant dans la bande de Gaza n’ont reçu pratiquement aucune éducation formelle.
Pour pallier l’absence de scolarisation, le ministère de l’Éducation de l’Autorité palestinienne a lancé, le 15 septembre 2024, une série de manuels scolaires en ligne destinés aux élèves de Gaza, composés en grande partie de versions condensées des supports pédagogiques auparavant utilisés dans la bande.
Selon l’AP, dont les manuels sont utilisés par la plupart des écoles de Gaza, y compris celles gérées par l’UNRWA (l’Office controversé de secours et de travaux des Nations unies (ONU) pour les réfugiés palestiniens au Proche-Orient). Le matériel est axé sur « des sujets essentiels et des concepts fondamentaux ».
Mais un nouveau rapport élaboré et publié par un groupe de surveillance basé en Israël et au Royaume-Uni, spécialisé dans l’analyse des contenus éducatifs à caractère extrémiste, a constaté que ces nouveaux manuels contiennent également des propos antisémites, glorifient le jihad et le martyre, et incluent des éléments déshumanisant les Israéliens. Ces éléments seraient présents dans toutes les matières, de la littérature aux mathématiques.
« Les salles de classe palestiniennes restent un terreau fertile pour l’extrémisme, et ces nouveaux supports pédagogiques ne font que renforcer les mêmes discours dangereux », a déclaré Marcus Sheff, directeur de l’Institut pour la surveillance de la paix et de la tolérance culturelle dans l’enseignement scolaire, connu sous l’acronyme IMPACT-se.
En février, l’AP annonçait que 290 000 élèves de Gaza s’étaient connectés au système d’enseignement à distance au cours des mois précédents, via un identifiant personnel unique.

Ce même mois, à la faveur d’un cessez-le-feu entre Israël et le groupe terroriste Hamas, l’enseignement en présentiel a partiellement repris, notamment dans les établissements ayant survécu aux combats, dans des camps de déplacés ou dans de nouvelles écoles financées par des pays arabes. Le ministère de l’Éducation de l’AP a demandé que les manuels numériques soient désormais utilisés sous forme imprimée dans ces établissements.
L’utilisation continue de textes jugés problématiques soulève des interrogations sur les engagements qui auraient été pris par l’AP en matière de réforme de son programme scolaire, malgré les plaintes répétées de plusieurs pays donateurs européens concernant le contenu des manuels et autres supports pédagogiques, dont beaucoup avaient déjà été signalés par IMPACT-se par le passé.
En juillet, l’Union européenne (UE) a annoncé qu’elle fournirait à l’AP 400 millions d’euros sous forme de subventions et de prêts pour l’aider à à combler ses déficits budgétaires, « sous réserve de progrès dans la mise en œuvre du programme de réformes de l’AP ».
Parmi les réformes mentionnées dans une lettre d’intention signée par des représentants de l’UE et de l’AP figurait la « modernisation des programmes scolaires ». Pourtant, aucune réforme de ce type n’a été constatée à ce jour, selon IMPACT-se.
« C’était un moment de vérité pour l’AP. Elle avait signé un accord avec l’UE, s’engageant à réformer son programme scolaire. Et pourtant, nous constatons une fois de plus qu’elle continue à diffuser des messages de haine et de violence dans ses manuels », a déclaré Marcus Sheff, directeur d’IMPACT-se.
En septembre, Abdul Hakim Abu Jamous, haut responsable de l’Éducation au sein de l’AP, a affirmé au quotidien palestinien Al-Quds que Ramallah n’avait jamais accepté les exigences de l’UE en matière de révision des contenus scolaires. « Le ministère de l’Éducation de l’AP s’engage pleinement à préserver l’indépendance du programme palestinien et agit selon des critères qui garantissent la réponse aux besoins des élèves, sans subir de pression extérieure », a-t-il assuré.
En novembre, l’UE a annoncé avoir déjà versé 389 millions d’euros dans le cadre de ce programme d’aide. Dubravka Šuica, commissaire européenne chargée de la Méditerranée, a récemment indiqué qu’un dialogue de haut niveau entre l’UE et l’AP sur « les résultats des réformes » était prévu à Bruxelles en avril.
Une source officielle européenne a confirmé cette semaine au Times of Israel que « l’AP s’est engagée à entreprendre des réformes substantielles et crédibles, notamment sur les contenus éducatifs. La réforme des programmes d’enseignement est incluse dans le plan d’action élaboré par l’AP et sera abordée dans le cadre du programme pluriannuel de coopération avec l’UE. L’AP s’est engagée à une révision complète des contenus scolaires afin de garantir leur pleine conformité avec les normes de l’UNESCO en matière de paix, de tolérance, de coexistence et de non-violence ».
La formation au martyre jusque dans les cours de mathématiques
Parmi les extraits signalés par IMPACT-se figure un manuel d’histoire de Première affirmant que les sionistes « ont utilisé des revendications mensongères pour justifier leur lien avec la terre, tout en établissant une implantation sioniste en Palestine ».
Ces « revendications mensongères » incluent notamment « l’idée que les Juifs, bien qu’appartenant à des pays et sociétés différents, constituent un groupe national unique, défini par des caractéristiques ethniques sémitiques… et qu’il n’existe pas d’autre solution au problème juif que la création d’un État juif sur la Terre promise (Palestine) ».
Le manuel qualifie également l’implantation juive de « colonialisme sioniste […] en Palestine ».

Le matériel pédagogique destiné aux élèves de terminale, dans le cadre de l’enseignement de l’islam, comprend un texte interprétatif du Coran qui décrit les Juifs comme des menteurs et des trompeurs. Une question proposée au débat interroge les élèves sur le sens d’un avertissement relatif à la résistance face à la « tentation des ennemis » et demande s’il s’applique uniquement aux Juifs.
Selon IMPACT-se, les manuels glorifient également le martyre et la violence. Par exemple, un exercice de lecture en classe de CP utilise le mot shahid (martyr) pour enseigner une lettre de l’alphabet. Un manuel d’arabe de CE1 présente un poème racontant l’histoire d’un garçon et d’une fille s’engageant à « porter la flamme de la révolution » de Haïfa à Jaffa jusqu’à la mosquée Al-Aqsa, à Jérusalem.
Un exercice de lecture en 11e année comprend le poème Les martyrs de l’Intifada de la poétesse palestinienne Fadwa Tuqan, qui fait l’éloge des lanceurs de pierres lors de la première Intifada. Un manuel d’histoire de la même classe qualifie le nombre élevé de morts palestiniens pendant cette période de « carburant ayant alimenté le soulèvement ».
« Le sang de chaque martyr a donné à l’Intifada la force de continuer », peut-on lire dans le manuel.

La glorification du jihad et du martyre s’étend même aux cours de mathématiques. IMPACT-se signale que des manuels de 4e et de 3e années comprennent des problèmes demandant aux élèves de calculer le nombre de martyrs tués sur une période donnée.
Par ailleurs, au moins trois cartes figurant dans les manuels ne mentionnent pas Israël et désignent toute la zone entre le fleuve et la mer comme la Palestine. Une carte de 11e année indique que la Palestine a été fondée en 1988, en référence à la déclaration d’indépendance de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), sans valeur juridique.
La glorification de la guerre sur le tableau noir
Au-delà des manuels numériques, le rapport d’IMPACT-se affirme avoir identifié des images et vidéos provenant d’écoles rouvertes depuis février, dans lesquelles les élèves sont exposés à des documents et contenus incitant à la violence contre les Juifs ou contre Israël.
Selon Mahmoud Matar, représentant du ministère de l’Éducation de l’AP à Gaza, 93 % des écoles de la bande ont été détruites durant les combats déclenchés par l’invasion meurtrière du sud d’Israël par le Hamas le 7 octobre 2023.
Mais en février, dans le contexte d’un cessez-le-feu, l’AP a annoncé l’ouverture de 680 centres d’apprentissage dans la bande de Gaza. Pour répondre à la forte demande, les élèves y suivent des cours en rotation, quelques jours par semaine, pour un nombre d’heures limité.
À Khan Younès, des élèves ont célébré l’ouverture d’un nouvel établissement peu après l’entrée en vigueur du cessez-le-feu, en dansant sur une chanson à la gloire de la résistance palestinienne, accompagnée de gestes mimant des égorgements et des jets de pierres, selon une vidéo partagée en ligne.

Des élèves dansent à l’école Al-Safa wal-Marwa de Khan Younès, en croisant les mains – un symbole commun de la résistance (à gauche) et en tranchant la gorge (image de droite) avec leurs mains, décembre 2024, Instagram (Crédit : Capture d’écran ; utilisé conformément à la clause 27a de la loi sur le droit d’auteur).
À l’école primaire al-Nasr de Gaza City, une photo montre un poème inscrit au tableau noir glorifiant la persévérance des Palestiniens en temps de guerre. On peut y lire : « Vous êtes le déluge », une référence explicite au « Déluge d’Al-Aqsa », nom donné par le Hamas au pogrom du 7 octobre2023. Ce jour-là, des milliers de terroristes dirigés par le groupe ont attaqué les communautés du sud d’Israël, assassinant plus de 1 200 personnes, majoritairement des civils, et kidnappant 251 autres pour les emmener en otage dans la bande de Gaza. Ces massacres ont été accompagnés d’exactions d’une extrême brutalité, notamment des viols, des actes de torture et d’autres atrocités.
Les images analysées par IMPACT-se montrent également que de nombreuses écoles continuent d’utiliser les anciens manuels scolaires, qui contiennent eux aussi des incitations à la violence et au terrorisme. Ces livres sont également employés dans 130 centres d’apprentissage temporaires, ouverts par l’UNRWA début mars pour environ 50 000 élèves.
Dans une vidéo, on voit des lycéens étudier à partir d’un manuel contenant un passage dans lequel un père enjoint à son fils de retourner à Haïfa, même en recourant à la violence.
Sur une autre image, des élèves de 11e année tiennent un manuel d’histoire décrivant les attentats du 11 septembre 2001 comme « un prétexte utilisé par les États-Unis pour se soustraire à leurs engagements et imposer leurs priorités au monde, se transformant ainsi en gendarme planétaire ».

L’UNRWA, qui utilisait déjà depuis longtemps les manuels de l’AP et assurait l’éducation d’environ la moitié des élèves de Gaza avant la guerre, n’a pas répondu aux demandes de commentaires.
« Les salles de classe palestiniennes restent un terreau propice à l’extrémisme, et les nouveaux supports pédagogiques ne font que renforcer les mêmes récits dangereux et anciens », a conclu Sheff.