Israël tente de trouver des alternatives au blé et aux œufs ukrainiens
Juste avant Pessah, les industriels anticipent une pénurie d’œufs et des prix du blé vertigineux, des changements imputables à la guerre en Ukraine

Il y a deux ans, une pénurie d’œufs provoquée par la pandémie avait frappé Israël au moment-même où la fête de Pessah, très consommatrice en œufs, approchait.
En 2020, à l’approche des fêtes donc, beaucoup s’étaient lancés dans une véritable chasse aux œufs, s’échangeant des tuyaux sur les magasins prochainement achalandés ou sur des vendeurs au marché noir, attendant fébrilement l’arrivée des chargements de cet aliment si fragile.
Dans une scène d’anthologie, El Al avait même diffusé des images et vidéos d’avions remplis à ras bord de cartons d’œufs, jusqu’aux sièges passager.
Une fois de plus, le gouvernement tente de déjouer les pronostics d’une pénurie d’œufs, de blé et d’autres céréales, au moment-même où les fêtes s’annoncent. Cette fois, c’est à cause de la guerre en Ukraine.
Les Israéliens mangent en moyenne 240 œufs par an, soit 20 par mois, légèrement plus que la moyenne mondiale. Au moment de Pessah, de nombreux aliments sont proscrits par la religion et par décret de l’État et la consommation d’œufs augmente de 10 % à 22 œufs par personne.
Entre le Seder et toutes les recettes qui utilisent les œufs comme agent levant, sans parler du Matzo Brei aux œufs, il n’est pas rare que les familles consomment plusieurs dizaines d’œufs à l’occasion de Pessah.
Enfin, sous réserve d’en trouver.
L’Ukraine compte normalement pour quelque 30 % des 100 millions d’œufs importés en Israël chaque année. Le ministère de l’Agriculture, qui s’est engagé à éviter une pénurie, étudie de possibles importations en provenance de Pologne et de Bulgarie pour compenser.
Même avant que la Russie n’envahisse l’Ukraine le 24 février dernier, l’année s’annonçait difficile pour les importateurs d’œufs, a éclairci Yehuda Ohana de Har Meron Eggs, une station de tri d’œufs dans le nord du pays, qui fournit environ quatre millions d’œufs chaque mois aux supermarchés.

« Nous avions déjà enregistré des tensions au moment de la grippe aviaire en novembre », a ajouté Ohana. Une épidémie dans le nord d’Israël avait alors affecté une vingtaine de poulaillers et un million de poules.
À l’époque, il avait commencé à travailler avec des marchands d’œufs ukrainiens.
« Les prix étaient assez intéressants et les œufs, de bonne qualité », a précisé Ohana, dont la station de tri se trouve à l’intérieur de Kfar Hoshen, également connu sous le nom de Safsufa, un moshav dans le nord d’Israël.
Puis la Russie a envahi l’Ukraine et « les importations ont complètement cessé », a-t-il regretté. « J’essaie de combler le manque depuis, mais je suis assez démuni. »

D’autres importateurs se sont tournés vers l’Espagne et l’Italie, a glissé Ohana, mais les prix sont beaucoup plus élevés. Pour l’instant, il fournit donc moins d’œufs à ses clients.
« Les importateurs vont commencer à ressentir ces prix plus élevés très bientôt », a-t-il averti.
Il est logique d’encourager l’émergence de nouveaux producteurs d’œufs en Israël et c’est précisément ce que le ministère de l’Agriculture tente de faire pour renforcer la sécurité alimentaire du pays, mais ce n’est facile à faire, a regretté Ohana.
« Si tout cela avait été un peu mieux organisé par le gouvernement, il y aurait eu assez d’œufs en Israël sans avoir à en importer », a-t-il conclu, ajoutant que les coûts de production des œufs « étaient énormes », compte tenu du prix des aliments pour animaux, de l’électricité et de l’eau.
Pénurie de céréales en Ukraine
Le problème ne concerne pas seulement les œufs.
Les minoteries israéliennes, qui importent depuis longtemps des céréales de Russie et d’Ukraine, sont également sous le choc de l’interruption brutale des importations en provenance d’Ukraine, déchirée par la guerre.
« C’est bel et bien terminé », s’est lamenté Shalom Hatuka de Shintraco, importateur israélien de céréales pour la consommation humaine et animale, à hauteur de 600 000 tonnes chaque année.
« Nous ne recevrons plus de céréales d’Ukraine : le pays est détruit, les ports et les terres sont en ruine. Le port de Marioupol n’est plus opérationnel : toutes les infrastructures portuaires ont été détruites. »

Avec une part de marché de 10 % en 2021, l’Ukraine était, selon les Nations Unies, le sixième exportateur mondial de blé avec 20 millions de tonnes de blé et de méteil (un mélange de blé et de seigle) et l’un des principaux exportateurs d’orge et de tournesol.
Les négociants en céréales d’Israël achètent à la Russie et à l’Ukraine depuis 40 ans, et ils se sont approvisionnés pour février et mars alors que la guerre semblait inévitable, a précisé Hatuka.
Hatuka a averti que les alternatives n’allaient pas de soi, car la Hongrie et la Moldavie avaient tendance à conserver leur production, et les céréales en provenance des États-Unis et du Canada étaient beaucoup plus chères.
Pour l’instant, la Roumanie permet de compenser une partie de la pénurie, mais les prix sont en hausse de 150 %, à près de 150 dollars la tonne, en moyenne.
« Nous commencerons à le ressentir en avril », a averti Hatuka.
Le ministre des Finances, Avigdor Lieberman, avait anticipé les conséquences sur la farine dès fin février, au moment où la Russie envahissait l’Ukraine, notant que les importations de blé seraient inévitablement affectées et les prix, à la hausse.
Il avait indiqué que les mesures prises par le gouvernement pour éviter la crise seraient insuffisantes, similaires aux tentatives d’arrêter un tsunami avec un parapluie.
Israël importe 60 % à 70 % de son blé de Russie et d’Ukraine, le reste de Hongrie et de Roumanie avec un petit pourcentage des États-Unis et du Canada, a détaillé Kobi Polturak, PDG d’Israeli Flour Mills, qui fournit environ 15 % de la farine moulue d’Israël.

« Nous avons réussi à importer de la farine du Canada et d’Estonie, mais ce n’est pas simple », a indiqué Polturak, qui travaille avec des courtiers pour s’approvisionner en blé. « Tout le monde s’efforce de trouver du blé en ce moment. C’est compliqué. »
Polturak a confié qu’il ne pensait pas qu’il y aurait une pénurie, mais que les prix allaient augmenter. Alors que la tonne coûtait 380 dollars avant l’invasion russe, aujourd’hui, elle s’établit aujourd’hui aux alentours de 550/600 dollars la tonne.
D’autres effets se feront sentir au niveau du prix des huiles de cuisson, a ajouté Hatuka de Shintraco, car l’Ukraine est l’un des plus grands producteurs mondiaux d’huile de tournesol.

Traditionnellement, les minoteries israéliennes importent des céréales bien à l’avance afin de les traiter et laisser le temps nécessaire à la certification de casheroute, a précisé Polturak.
Pour sa part, il achète déjà du grain à des prix plus élevés, principalement au Canada, où la qualité est sensiblement la même que celle du blé ukrainien.
« Le blé canadien est aussi bon que le blé russe ou ukrainien, peut-être même un peu meilleur », a-t-il déclaré. « Il est juste beaucoup plus cher. »
Après une série de mois difficiles du fait de la pandémie, qui a renchéri les prix du transport maritime et de l’énergie, il a estimé avoir assez de farine pour couvrir les besoins jusqu’en juin.
« Je n’ai aucune idée de ce qui se passera ensuite », a-t-il conclu. « J’espère simplement que je pourrai obtenir les céréales dont j’ai besoin. »
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