Iran : le ministre de la Défense promet une riposte après la mort de Fakhrizadeh
Lors des funérailles du scientifique, Hatami a dit que "l'ennemi a fait une erreur" en se livrant à cet assassinat et juré que le programme nucléaire continuera

S’exprimant lors des funérailles d’un éminent scientifique et physicien nucléaire qui a été assassiné lors d’une opération dont la responsabilité a largement été attribuée à Israël, le ministre iranien de la Défense a averti, lundi, que Téhéran ne laisserait pas ce meurtre impuni.
« Si nos ennemis n’avaient pas commis ce crime ignoble et versé le sang de notre cher martyr, il aurait pu rester inconnu », a déclaré le ministre de la Défense, le général Amir Hatami, incapable de contenir ses larmes au côté de la dépouille du physicien nucléaire.
« Mais aujourd’hui, celui qui n’était jusque-là qu’une idole pour ses étudiants et collègues est révélé au monde entier », et c’est une « première défaite » pour « les ennemis », a-t-il ajouté.
« L’ennemi sait très bien qu’il ne peut pas commettre un crime sans qu’une riposte ne provienne des Iraniens. Le sang du martyr restera toujours dans nos esprits et l’ennemi a fait une erreur en se livrant à cet assassinat », a-t-il continué, selon des informations parues dans la presse israélienne, après avoir embrassé le cercueil de Mohsen Fakhrizadeh et y avoir appuyé son front.
« L’assassinat du scientifique ne mettra pas un terme aux progrès réalisés par l’Iran dans son programme nucléaire et il ne fera que l’accélérer. Et la riposte va advenir, c’est certain », a ajouté le ministre.
Il a estimé que la mort du scientifique avait rendu les Iraniens « plus unis, plus déterminés ».

« Pour continuer dans notre voie, nous devrons continuer plus rapidement et avec plus de puissance », a-t-il indiqué lors de la cérémonie d’inhumation qui a eu lieu au sein du ministère de la Défense, dans un endroit en plein air, dans la capitale de Téhéran.
Hatami a aussi critiqué les pays qui n’ont pas condamné le meurtre de Fakhrizadeh, disant que « cela vous rattrapera, un jour ou l’autre ».
Parmi les pays qui ont dénoncé l’assassinat figurent les Émirats arabes unis, qui ont récemment établi des relations diplomatiques avec Israël dans un accord qui aurait été précipité par l’animosité partagée par les deux pays à l’égard de la République islamique.
Les funérailles ont eu lieu en présence d’un chanteur religieux qui a fait l’éloge de Fakhrizadeh et qui a fait allusion au martyr de l’Imam Hussein, figure du 7e siècle sacrée et vénérée par les musulmans chiites.
Une photo de l’expert nucléaire, placée à côté de celle du guide suprême iranien, l’Ayatollah Ali Khamenei, et d’une autre du général Qassem Soleimani, tué dans une frappe aérienne américaine au mois de janvier à Bagdad, avaient été installées sur un large panneau.
La cérémonie s’est tenue à huis-clos de manière à respecter les protocoles sanitaires induits par la pandémie de coronavirus, selon le ministère de la Défense.

En plus de Hatami, les funérailles ont aussi en lieu en présence de Hossein Salami, le chef des Gardiens de la révolution, et du leader des forces al-Qods des Gardiens, le général Esmail Ghaani. Le responsable du programme civil nucléaire, Ali Akbar Sahei et le ministre des Renseignements, Mamoud Alavi, ont aussi assisté à la cérémonie.
Les forces al-Qods sont l’unité chargée des opérations à l’étranger des Gardiens de la révolution – elles portent le nom arabe de Jérusalem – et elles soutiennent les forces alliées à la République islamique dans toute la région, comme le régime du président syrien Bashar al-Assad et le groupe terroriste libanais du Hezbollah. Des informations transmises samedi ont fait savoir que l’Etat juif avait élevé son état d’alerte dans ses ambassades du monde entier suite à l’assassinat et que les communautés juives prenaient également des précautions particulières.
La dépouille de Mohsen Fakhrizadeh a été honorée samedi et dimanche dans deux des principaux lieux saints chiites d’Iran (Machhad et Qom), avant un hommage au mausolée de l’imam Khomeiny à Téhéran comme l’avait été en janvier celle du général Qassem Soleimani.
« Budget doublé »
Le portrait du général « martyr » était présent près du cercueil à côté de celui du scientifique.
Ce n’est qu’après la mort de Fakhrizadeh que le général Hatami a révélé que ce savant atomiste était l’un de ses vice-ministres et chef de l’Organisation de la recherche et de l’innovation en matière de défense (Sépand selon l’acronyme en persan). Il a souligné qu’il avait accompli un « travail considérable » dans le domaine de « la défense antiatomique ».
Le gouvernement a « doublé le budget de Sépand » afin de poursuivre « vigoureusement » sur la voie tracée par le « docteur martyr », a annoncé le général Hatami aux obsèques, niant une fois de plus que Fakhrizadeh ait participé à un quelconque programme nucléaire militaire comme l’en a accusé le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu.
La prière mortuaire a été dirigée par Ziaoddine Aqajanpour, représentant du guide suprême Ali Khamenei, au ministère de la Défense.
Parlant au nom du numéro un iranien, M. Aqajanpour a déclaré : « Nous ferons preuve de patience face à ces désastres, nous résisterons, mais notre nation exige d’une seule voix un châtiment décisif » contre les responsables de la mort de Mohsen Fakhrizadeh.
Vers 11H30 locales, le cercueil du scientifique a été porté en terre à l’Imamzadeh-Saleh, important sanctuaire chiite dans le nord de Téhéran où reposent deux autres scientifiques assassinés en 2010 et 2011. L’Iran a pointé du doigt Israël dans ces meurtres.
Accusant l’Etat hébreu de vouloir semer le « chaos », le président iranien Hassan Rohani a promis samedi une riposte « en temps et en heure » à la mort de Mohsen Fakhrizadeh.
Nombre d’ultraconservateurs appellent à bannir d’Iran les inspecteurs de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) chargés d’inspecter les activités iraniennes sensibles conformément à l’accord international sur le nucléaire conclu en 2015.
Depuis l’annonce de la victoire de Joe Biden à la présidentielle américaine, M. Rohani a multiplié les signes d’ouverture montrant sa volonté de sauver ce qui peut l’être de cet accord.
Ce pacte offre à Téhéran un allègement des sanctions internationales en échange de garanties, vérifiées par l’AIEA, destinées à attester de la nature exclusivement pacifique de son programme nucléaire.
Mais il menace de voler en éclats depuis que le président Donald Trump en a sorti unilatéralement les États-Unis en 2018, avant de poursuivre une politique de « pression maximale » contre Téhéran avec des sanctions économiques punitives.
Biden a dit lui vouloir faire revenir Washington dans l’accord de Vienne.

Fakhrizadeh, le scientifique qui, selon Israël et les États-Unis, était à la tête du programme d’armement nucléaire de l’Iran, a été tué lors d’une embuscade de type militaire aux abords de Téhéran dans la journée de vendredi, au cours de laquelle un camion a d’abord explosé avant que des tireurs n’ouvrent le feu sur le scientifique.