La décision de la CPI pourrait entraîner des embargos d’armes vers Israël – analystes
La relance d'un procès exigeant la fin des ventes d'armes à Israël révèle les possibles effets des mandats d’arrêt émis contre Benjamin Netanyahu et Yoav Gallant
Des militants anti-Israël ont déclaré vendredi à un tribunal néerlandais que les Pays-Bas violaient le droit international en vendant des armes à Israël. Ils ont ainsi démontré la possibilité d’un embargo sur les armes à destination d’Israël en raison de la décision de la Cour pénale internationale (CPI) d’émettre des mandats d’arrêt contre le Premier ministre Benjamin Netanyahu et l’ancien ministre de la Défense Yoav Gallant.
Si le tribunal de district de La Haye soutient la plainte des militants, il sera interdit aux Pays-Bas d’envoyer des armes ou des composants d’armes à Israël. Le tribunal se prononcera le 13 décembre. Les Pays-Bas ont déjà interrompu l’exportation de pièces détachées d’avions de chasse F-35 vers Israël à la suite d’une affaire similaire au début de l’année.
La plainte met en évidence les avertissements des analystes selon lesquels Israël pourrait faire l’objet d’embargos sur les armes en raison de la décision rendue jeudi par la CPI, qui a déclaré qu’il y avait des raisons de croire qu’Israël avait pris pour cible des civils et utilisé la famine comme arme de guerre.
Citant le juriste Eran Shamir-Borer – ancien membre de l’équipe juridique internationale de l’armée israélienne – l’analyste militaire de Haaretz Amos Harel a déclaré que la décision de la CPI pourrait conduire à des embargos sur les armes de la part de « pays occidentaux qui se sont jusqu’à présent contentés de mesures plus indulgentes à l’égard d’Israël ».
Bien que la décision concerne Netanyahu et Gallant en tant qu’individus plutôt qu’Israël en tant qu’État, elle pourrait néanmoins soutenir les contestations demandant un embargo sur les armes contre Israël, car de nombreux États ont des dispositions contre la vente d’armes à des nations qui pourraient les utiliser d’une manière qui viole le droit humanitaire international.
Les Pays-Bas, qui accueillent la CPI et sont signataires de sa charte fondatrice, le Statut de Rome, ont été l’un des pays européens à déclarer qu’ils seraient obligés d’arrêter Netanyahu et Gallant s’ils y mettaient les pieds.
Les États-Unis, qui sont à l’origine d’un peu moins de 70 % des importations d’armes d’Israël, ont eux « catégoriquement » rejeté la décision de la Cour. Comme Israël, les États-Unis ne sont pas membres de la CPI ; à la veille de la décision de la Cour, le Sénat américain a voté avec force contre un projet de loi appelant à mettre fin à la vente d’armes offensives à Israël, bien qu’un tiers des sénateurs démocrates aient soutenu la motion.
Membre de la CPI, l’Allemagne a indiqué qu’elle respecterait les décisions de la Cour, mais ne s’est pas engagée à mettre fin à son important commerce d’armes avec Israël. L’Allemagne est en effet à l’origine de quelque 30 % des importations d’armes d’Israël, ce qui en fait le deuxième fournisseur d’armes d’Israël après les États-Unis.
Assaf Uni, correspondant à Berlin du quotidien israélien Globes, a cité des médias allemands selon lesquels Jérusalem s’était engagée par écrit auprès de Berlin à ce que les armes allemandes ne soient pas utilisées d’une manière contraire au droit international, ce qui donnerait vraisemblablement au gouvernement allemand une couverture juridique en cas de contestation de son commerce d’armes avec Israël.
« La CPI affaiblira le dossier du gouvernement allemand si des organisations pro-palestiniennes [anti-Israël] saisissent la Cour à ce sujet, comme elles l’ont fait par le passé », a écrit Uni, notant que les craintes d’une utilisation illégale des armes allemandes « ont maintenant reçu une validation juridique de haut niveau ».
Neve Gordon, professeur de droit international à l’Université Queen Mary de Londres, a été cité par Al Jazeera comme ayant déclaré que la décision de la CPI avait « posé une certaine exigence aux pays occidentaux » concernant « le type d’accords commerciaux qu’ils ont avec Israël, notamment en ce qui concerne le commerce des armes ».
« Si les dirigeants d’Israël sont accusés de crimes contre l’humanité, cela signifie que les armes fournies par les pays occidentaux sont utilisées pour commettre des crimes contre l’humanité », a déclaré Gordon.
Il a expliqué à Al Jazeera que la plupart des contrats d’armement comprennent un mémorandum qui énonce les conditions de l’accord, en particulier qu’ils « ne peuvent pas envoyer d’armes à une entité qui utilise ces armes pour commettre de graves violations du droit humanitaire international ».
« Je suppose que les ONG de ces pays déposeront des pétitions devant les tribunaux nationaux pour remettre en question la légalité de la poursuite de l’envoi d’armes à Israël », a ajouté Gordon.
Avant même la décision de la CPI, le spectre d’un embargo sur les armes planait sur Israël, plus de 50 pays – dont la Russie et la Chine – s’étant joints à la lettre adressée par le ministre turc des Affaires étrangères, Hakan Fidan, aux Nations unies au début du mois pour demander qu’un embargo soit décrété à l’encontre d’Israël.
Ce sentiment n’est pas non plus l’apanage des adversaires d’Israël. Le président français Emmanuel Macron a affirmé le mois dernier qu’un embargo sur les armes était le seul moyen de mettre fin à la guerre à Gaza. En septembre, le Premier ministre britannique Keir Starmer a interrompu la livraison de certaines armes, craignant qu’elles ne soient utilisées pour commettre des crimes de guerre, mais n’a pas appelé à un embargo total. La ministre canadienne des Affaires étrangères, Mélanie Joly, a également annoncé en septembre qu’elle suspendait une trentaine de permis de livraison d’armes à Israël, déclarant qu’Ottawa ne voulait pas que « des armes ou des parties d’armes soient envoyées à Gaza ».
Après la décision de la CPI jeudi, la France et la Grande-Bretagne ont indiqué qu’elles respecteraient les décisions de la Cour, tandis que le Canada a déclaré explicitement qu’il se conformerait aux mandats d’arrêt. Ces trois pays sont signataires du Statut de Rome.
Parallèlement, aux Pays-Bas, les dix groupes militants qui réclament la fin des ventes d’armes à Israël ont attiré l’attention sur la procédure judiciaire distincte engagée contre Jérusalem devant la plus haute juridiction de l’ONU, la Cour internationale de justice (CIJ).
La CIJ, saisie par l’Afrique du Sud, accuse Israël de « génocide » et, en janvier, la Cour a estimé que les Palestiniens avaient des raisons plausibles de demander à être protégés contre ce crime. Étant donné que la CIJ examine les décisions d’autres tribunaux, la décision de la CPI pourrait l’amener à prendre une position plus défavorable à Israël.
Les groupes militants ont affirmé que l’avis de la CIJ confirmait que les Pays-Bas étaient obligés de cesser de vendre des armes à Israël.
« Le gouvernement utilise l’argent de mes impôts, que je paie, pour tuer ma propre famille. J’ai perdu 18 membres de ma famille », a déclaré Ahmed Abofoul, conseiller juridique de l’organisation anti-Israël Al-Haq, devant une salle d’audience comble.
« C’est le résultat de la complicité des gouvernements depuis des décennies », a-t-il déclaré aux journalistes après l’audience.
L’État néerlandais a nié avoir violé la Convention des Nations unies sur le génocide – émise après l’extermination de 6 millions de Juifs pendant la Seconde Guerre mondiale -, qui exige des signataires qu’ils fassent tout ce qui est en leur pouvoir pour prévenir et punir les génocides, et a fait valoir que la Cour ne devait pas jouer le rôle de l’État dans la définition de la politique étrangère.
Jérusalem a fermement rejeté l’accusation de génocide, affirmant qu’elle s’engageait dans une légitime défense après que quelque 6 000 Gazaouis dont 3 800 terroristes dirigés par le Hamas ont pris d’assaut le sud d’Israël le 7 octobre 2023, tué plus de 1 200 personnes, principalement des civils, enlevé 251 otages de tous âges – commettant de nombreuses atrocités et perpétrant des violences sexuelles à grande échelle.
En réponse à ce pogrom, le plus meurtrier de l’histoire du pays et le pire mené contre des Juifs depuis la Shoah, Israël, qui a juré d’anéantir le Hamas et de libérer les otages, a lancé une opération aérienne suivie d’une incursion terrestre dans la bande de Gaza, qui a commencé le 27 octobre 2023.
Plus de 44 000 personnes seraient mortes à Gaza depuis le début de la guerre, selon le ministère de la Santé du Hamas. Les chiffres publiés par le groupe terroriste sont invérifiables, et ils incluraient ses propres terroristes, tués en Israël et à Gaza, et les civils tués par les centaines de roquettes tirées par les groupes terroristes qui retombent à l’intérieur de la bande de Gaza.
Israël dit avoir tué 18 000 terroristes au combat. Tsahal affirme également avoir tué un millier de terroristes à l’intérieur du pays le 7 octobre.
Israël affirme prendre « de nombreuses mesures » pour minimiser les atteintes aux civils et souligne que le groupe terroriste viole systématiquement le droit international et exploite brutalement les institutions civiles et la population comme bouclier humain pour ses activités de terrorisme, en combattant depuis des zones civiles, notamment des maisons, des hôpitaux, des écoles et des mosquées.
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