Les motions du Sénat contre les ventes d’armes à Israël échouent malgré un soutien croissant
Les résolutions de Bernie Sanders sont rejetées, mais l'opposition à la gestion de la guerre de Gaza par Israël révèle des divisions croissantes chez les démocrates depuis janvier
Jacob Magid est le correspondant du Times of Israël aux États-Unis, basé à New York.
WASHINGTON – Près d’un tiers des sénateurs démocrates ont voté en faveur de trois tentatives infructueuses visant à bloquer la vente d’armes offensives à Israël. Ces mesures ont mis à l’épreuve la force de l’aile progressiste du parti, qui souhaite l’adoption d’une ligne plus dure à l’égard de l’État juif dans la guerre qu’il a menée contre le Hamas dans la bande de Gaza.
Dix-huit démocrates ont voté en faveur du blocage du transfert de la vente de 774 dollars de munitions de chars, 19 démocrates ont cherché à bloquer la vente de 61 millions de dollars de munitions de mortier et 17 démocrates ont essayé d’arrêter la vente de 262 dollars de munitions d’attaque directe conjointes (JDAM).
Tous les sénateurs républicains présents et la majorité des 51 membres du groupe démocrate ont rejeté les trois résolutions communes de désapprobation présentées par le sénateur progressiste Bernie Sanders, qui étaient d’emblée vouées à l’échec en raison du soutien bipartisan apporté à l’offensive israélienne contre le Hamas.
Ce vote a toutefois mis en évidence le malaise croissant au sein des démocrates face à la campagne militaire israélienne dans la bande de Gaza et à la dissension qu’elle a provoquée au sein du parti.
En janvier, une résolution soutenue par Sanders et visant à geler l’aide américaine à Israël si le département d’État ne produisait pas un rapport dans les 30 jours sur les violations présumées des droits de l’homme par Israël dans la bande de Gaza n’avait recueilli que 10 voix démocrates. Il est possible que que certains sénateurs aient voté en prenant en considération les élections de novembre.
Les votes de mercredi soir ne satisferont probablement pas les deux parties du débat au sein du Parti démocrate, car les membres traditionnellement pro-israéliens ont conservé leur majorité, bien que les progressistes aient ajouté plusieurs membres à leurs rangs.
Le sénateur Jon Ossoff de Géorgie, qui a noué des relations avec plusieurs législateurs israéliens au cours de son premier mandat avant d’être de plus en plus désillusionné par la crise humanitaire à Gaza, a voté pour bloquer les ventes de munitions de chars et de mortiers. Le numéro 2 des démocrates au Sénat, Dick Durbin, et la nouvelle présidente de la commission des Affaires étrangères du Sénat, Jeanne Shaheen, ont voté contre les trois contrats d’armement.
Les autres Démocrates qui ont voté en faveur d’une ou plusieurs résolutions sont les sénateurs Martin Heinrich, George Helmy, Mazie Hirono, Tim Kaine, Angus King, Ben Ray Lujan, Ed Markey, Jeff Merkley, Chris Murphy, Brian Schatz, Tina Smith, Chris Van Hollen, Raphael Warnock, Elizabeth Warren et Peter Welch.
Une démocrate, la sénatrice du Wisconsin Tammy Baldwin, a voté en faveur des trois votes.
Le quotidien Haaretz a rapporté que les partisans des résolutions cherchaient à obtenir 25 voix, tandis que les opposants espéraient maintenir le camp progressiste à 10 ou 15 voix.
Lors d’un discours passionné dans l’hémicycle du Sénat américain, Sanders a évoqué les « millions de personnes extrêmement pauvres à Gaza, chassées de leurs maisons » et les « milliers d’enfants souffrant aujourd’hui de famine et de malnutrition ».
« Les Etats-Unis sont complices de toutes ces atrocités. Nous finançons ces atrocités et cette complicité doit cesser », a-t-il exhorté.
Il a cité des témoignages de l’ONU et d’organisations humanitaires affirmant qu’Israël empêche l’aide humanitaire d’atteindre les civils. Israël affirme qu’il prend des mesures pour éviter de blesser les civils, alors que le Hamas se bat parmi eux, et a rejeté les affirmations selon lesquelles il bloque l’aide aux Palestiniens.
Durant son discours de mercredi, Sanders a pris certains de ses collègues directement à partie.
« Nombre d’entre vous viennent parler ici des droits humains et de ce qui se passe dans le monde, mais je veux vous dire que plus personne ne vous prendra au sérieux », a-t-il affirmé.
« On vous dira ‘vous vous inquiétez de la Chine, de la Russie et de l’Iran. Et bien pourquoi financez-vous la famine des enfants à Gaza ?' ».
Des responsables américains ont révélé mardi au Times of Israel que l’administration Biden avait exercé des pressions sur les Démocrates pour qu’ils ne soutiennent pas la mesure, arguant qu’un refus de fournir des armes à Israël pourrait encourager ses adversaires, ne pas résoudre la crise humanitaire et priver Israël de ressources cruciales pour sa défense.
Dans une note de 11 points envoyée aux sénateurs démocrates, l’administration expliquait que la fourniture d’équipements militaires à Israël représentait un investissement dans sa sécurité à long-terme face aux menaces iraniennes et autres. La note soulignait également que l’administration Biden « œuvre sans relâche » pour améliorer les conditions dans la bande de Gaza.
« Nous comprenons que de nombreux démocrates soient bouleversés par l’ampleur du carnage à Gaza et frustrés par les efforts d’Israël pour limiter la crise humanitaire. Cependant, ces résolutions n’auraient pas réglé ces problèmes — en réalité, elles auraient pu les aggraver indirectement », a déclaré un responsable de l’administration au Times of Israel avant le vote.
La majeure partie des 2,3 millions d’habitants de Gaza a été déplacée et les États-Unis ont lancé des avertissements sur le risque de famine après plus d’un an de combats déclenchés par le pogrom perpétré par le Hamas le 7 octobre, au cours duquel les terroristes du groupe ont assassiné plus de
1 200 personnes en Israël et pris en otage 251 autres.
Selon les responsables de la santé du Hamas, plus de 43 000 Palestiniens auraient été tués lors de l’offensive israélienne. Ce chiffre ne peut être vérifié, et ne distingue pas entre civils et terroristes, dont la proportion serait de deux pour un, selon Israël.
Sanders a affirmé que l’aide militaire à Israël violait la loi américaine interdisant les ventes d’armes aux auteurs de violations des droits de l’homme. Il a souligné les morts d’enfants et de personnes âgées parmi les Palestiniens et accusé Israël de bloquer les livraisons d’aide humanitaire. L’administration Biden a rejeté cette accusation la semaine dernière, en annonçant qu’elle ne suspendrait pas les livraisons d’armes à Israël pour l’instant.
L’administration a accordé à Jérusalem un délai de 30 jours pour mettre en œuvre des mesures visant à atténuer la crise humanitaire, sous peine d’être considérée comme non conforme à la législation américaine. Bien qu’Israël n’ait pas satisfait à toutes les exigences, les autorités américaines ont estimé que le pays avait réalisé suffisamment de progrès pour répondre à la plupart d’entre elles.
Les diverses mesures prises par Israël pour tenter d’améliorer la situation n’ont pas encore eu d’impact majeur, en raison des pillages massifs par le Hamas et d’autres groupes et des restrictions imposées par Tsahal. Ces mesures ont empêché une grande partie de l’aide de parvenir à ceux qui en ont besoin, tandis que les frappes aériennes meurtrières se poursuivent à travers une bande de Gaza dévastée.
Sanders a averti que d’autres gouvernements pourraient reprocher aux États-Unis de ne pas « donner de conseils ou critiquer alors que vous avez soutenu, avec l’argent de vos contribuables, une famine massive touchant des enfants. »
Les opposants à la mesure ont soutenu que son adoption aurait été inopportune, alors qu’Israël fait face à des menaces de groupes terroristes tels que le Hamas et le Hezbollah, ainsi que de son ennemi juré, l’Iran.
« Israël est entouré d’ennemis déterminés à l’anéantir », a déclaré Chuck Schumer, chef de la majorité démocrate au Sénat, lors d’un discours avant le vote.
Le sénateur républicain Lindsey Graham a également plaidé contre ces résolutions. « Ce signal sera perçu par les ennemis d’Israël et de la paix comme une victoire s’ils persistent dans leur hostilité. »