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La flotte vieillissante d’Israël, les ventes à l’Azerbaïdjan et les F-35

Dans une conférence de presse, le directeur du ministère de la Défense a évoqué les déboires budgétaires, les ventes d'armes et le maintien de l'avantage qualitatif militaire

Judah Ari Gross est le correspondant du Times of Israël pour les sujets religieux et les affaires de la Diaspora.

Un hélicoptère de transport lourd israélien Yasur au-dessus de la base aérienne Hatzerim, dans le sud d'Israël, le 24 juin 2015. (Crédit : Oren Rozen/Wikimedia/CC BY-SA 3.0)
Un hélicoptère de transport lourd israélien Yasur au-dessus de la base aérienne Hatzerim, dans le sud d'Israël, le 24 juin 2015. (Crédit : Oren Rozen/Wikimedia/CC BY-SA 3.0)

Avant qu’Israël ne se pose la question de l’impact sur l’avantage militaire israélien qu’aura la vente des avions de chasse F-35 par les États-Unis aux Émirats arabes unis, le pays doit d’abord trouver un moyen de financer le remplacement de la flotte aérienne vieillissante de l’armée et des armes inadaptées, a averti le directeur du ministère de la Défense, Amir Eshel.

L’armée de l’air israélienne opère actuellement avec des hélicoptères de transport cinquantenaires et des avions de ravitaillement du même âge, et a besoin d’avions de chasse supplémentaires pour remplacer ceux qui sont obsolètes.

« Aucune autre armée au monde ne fait voler des avions aussi vieux », a-t-il dit aux journalistes aux quartiers généraux de l’armée à Tel Aviv.

« Piloter des hélicoptères vieux de 50 ans avec 50 personnes à bord en temps de guerre et 30 personnes à bord en temps de paix – ce n’est pas un gage de sécurité, » a dit Eshel.

Il a averti qu’en cas de conflit à grande échelle, Israël pourrait se retrouver privé des avions dont il a besoin pour gagner la guerre.

« S’il y a un conflit à grande échelle, ces plateformes, qui sont cruciales et doivent être disponibles et à jour, ne seront pas disponibles en quantité et au niveau nécessaire », a-t-il dit.

L’ancien chef de l’armée de l’air Amir Eshel lors de la conférence annuelle à l’Institute for National Security Studies (INSS) à Tel Aviv, le 28 janvier 2018. (Crédit :INSS)

Actuellement, l’armée attend un feu vert pour acheter une nouvelle flotte d’hélicoptères afin de remplacer ses hélicoptères de transport Sikorsky CH-53, vieux de 51 ans aussi appelés « Yasur » ; une flotte d’avions de ravitaillement Boeing, des nouveaux F-135 et F-15 et d’autres équipements militaires jugés cruciaux, notamment des missiles d’interception et des munitions pour les avions.

Cependant, le ministère de la Défense n’a pas encore défini la façon dont le financement se fera en raison des désaccords entre le ministère des Finances et l’absence de budget d’État, attribué aux divergences entre le ministre de la Défense Benny Gantz et le Premier ministre Benjamin Netanyahu.

Dans son discours, Eshel a également évoqué l’administration entrante de Joe Biden, avec laquelle il espère avoir de bonnes relations.

Le président désigné des États-Unis, Joe Biden, salue à sa sortie du Queen Theater, à Wilmington, Delaware, le 10 novembre 2020. (Carolyn Kaster/AP)

« Ils nous connaissent, et nous les connaissons », a-t-il commenté, en référence au fait que de nombreuses personnes qui devraient intégrer l’équipe de défense de Biden ont déjà servi sous Obama.

Eshel a reconnu que si, sur le plan diplomatique, et notamment sur l’accord sur le nucléaire iranien, Obama et Netanyahu n’étaient pas sur la même longueur d’onde, la coopération militaire entre Israël et les États-Unis était restée « sans précédent ».

Paiement comptant ou achat à crédit

L’achat d’avions et des équipements que l’armée juge nécessaire coûterait approximativement 8 milliards de shekels, une coquette somme quoi qu’il en soit, mais d’autant plus dans le contexte actuel de la crise économique qui a été déclenchée par la pandémie de coronavirus, a dit Eshel.

Par conséquence, le ministère de la Défense a demandé un délai de paiement, de 10 ans, même si ce crédit aura un coût : 800 millions de shekels supplémentaires, soit 10 % du pris initial, et jusqu’à 1,5 milliard de shekels d’intérêts.

« Mais nous pouvons digérer cela », a assuré Eshel.

Cependant, le ministère des Finances s’oppose à cette démarche, qu’il juge inutilement coûteuse.

La proposition du ministère de la Défense repose sur l’aide militaire que les États-Unis avaient historiquement accordée à Israël. Avant de quitter la Maison Blanche, Obama a signé un protocole d’accord qui prévoit une aide de 3,8 milliards de dollars pendant 10 ans, de 2018 à 2028, la plus grosse enveloppe d’aide militaire de l’histoire.

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu, (à gauche), et le président américain Barack Obama à New York, le 21 septembre 2016. (Crédit : Kobi Gideon/GPO)

Étant donné que l’aide financière prévue par le protocole d’accord actuel est liée à d’autres accords, le ministère de la Défense fonde sa proposition sur l’hypothèse que les États-Unis signeront un autre programme d’aide avec Israël avant l’expiration du programme actuel en 2028. Les 8 milliards de shekels et les intérêts qui découleraient d’un retard de paiement seraient couverts par les fonds de ce futur protocole.

« En fin de compte, il s’agit soit de payer 8 milliards de shekels maintenant ou de payer 800 millions de shekels dans dix ans, que le ministère de la Défense payera avec les fonds de l’enveloppe d’aide », a expliqué Eshel.

Il a souligné que ce ne sera pas la première fois que le ministère de la Défense recoure à ce système : l’actuelle flotte israélienne d’avions de chasse F-35 et la centaine de f-15 ont été achetés de cette façon.

« Cela ne me semble pas logique que l’État d’Israël – en plein déficit budgétaire – prenne 8 milliards de shekels et les mette en Amérique. Il y a d’autres moyens de résoudre cela », a dit Eshel.

Choisir l’avion

Tandis que ce qui empêche principalement Israël d’acheter des avions de chasse, des hélicoptères de transport et autres est l’absence d’approbation d’un budget, le ministère de la Défense n’a pas non plus pris de décisions finales sur le type d’appareils qu’il souhaite acquérir.

Israël réfléchit actuellement à plusieurs options pour remplacer sa flotte d’hélicoptères de transport lourd CH-53. L’une serait d’acheter une nouvelle flotte du plus récent modèle fabriqué par Sikorsky, le CH-53K, qui serait à première vue plus cher lors de son acquisition mais finalement moins cher à entretenir. Une autre serait d’acheter de nouveaux hélicoptères Boeing CH-47 Chinook, qui seraient probablement moins onéreux à l’achat mais plus chers en termes de maintenance.

Un Osprey V-22 américain participe à un entraînement dans le cadre de l’exercice militaire conjoint Juniper Cobra au centre de Tzéélim, dans le sud d’Israël, le 12 mars 2018. (Crédit : Jack Guez/AFP)

De plus, Israël réfléchit encore à acheter le V-22 Osprey, un aéronef à rotors basculants – une sorte de croisement entre un avion et un hélicoptère – qui permettrait aux militaires de réaliser des missions de transport rapides qu’ils ne sont pas en mesure d’effectuer jusqu’à présent. Israël avait d’abord prévu d’acheter le V-22 Osprey en 2014, mais avait finalement abandonné cette idée suite à la guerre de Gaza coûteuse qui avait éclaté pendant l’été, cette année-là.

Gantz qui, en tant que chef d’état-major de l’armée, avait soutenu le plan d’achat du V-22, a ordonné au ministère de la Défense et à Tsahal de réexaminer cette possibilité lorsqu’il est devenu ministre de la Défense, au début de l’année.

Selon Eshel, le ministère de la Défense est en train de terminer ces évaluations et il pourrait recommander l’acquisition de l’appareil pour compléter une flotte quelque peu moindre d’hélicoptères de type CH-53K ou de type CH-47.

Le haut responsable a fait savoir qu’une décision finale devra être prise d’ici la fin de l’année ou le tout début de l’année prochaine.

Exportations d’armes

La pandémie de coronavirus devrait entraîner la baisse des dépenses d’ordre militaire l’année prochaine, les pays se trouvant dans l’obligation d’investir plus lourdement dans les systèmes de soins et dans les services sociaux.

Pour Israël, dont l’industrie de fabrication d’armement est robuste, cette perspective est particulièrement inquiétante, a pointé Eshel.

Un drone d’Aeronautics Ltd. (Autorisation)

« Nous devons renforcer nos exportations en termes de défense, renforcer également l’avantage qualitatif militaire israélien et consolider le marché », a-t-il expliqué.

Selon lui, cela signifie qu’il faut simplifier les procédures de vente à l’étranger des équipements militaires fabriqués par les entreprises israéliennes du secteur de la défense.

« Nous devons permettre des exportations dans des quantités plus importantes et plus vite », a-t-il préconisé.

En même temps, le gouvernement doit garantir que ces ventes ne se feront pas au détriment du secret de la fabrication des matériels militaires israéliens, a continué Eshel.

Il a balayé, railleur, une question sur les ventes d’armes réalisées auprès de pays accusés de violations des droits humains. Au fil des années, l’État juif a été mis en cause pour ses ventes d’armements à de tels pays, et plus récemment à la Birmanie qui a été accusée de nettoyage ethnique à l’encontre de sa population Rohingya, ou au Sud-Soudan pendant la guerre civile brutale qui a eu lieu sur le territoire.

Eshel a brièvement commenté le rôle tenu par Israël, cette année, pendant la guerre qui a opposé l’Azerbaïdjan et l’Arménie, un conflit dans lequel les armes israéliennes ont été largement utilisées par Bakou.

Un soldat arménien lance une pièce d’artillerie pendant des combats contre les forces de l’Azerbaïdjan dans la république auto-proclamée de Nagorno-Karabakh, en Azerbaïdjan, le 4 octobre 2020. (Crédit : ministère arménien de la Défense PAN Photo via AP)

Il a nié les informations affirmant que le pays aurait passé de nouveaux accords de défense avec l’Azerbaïdjan pendant le conflit et il a défendu, de manière plus générale, les ventes d’armements à ce pays d’Asie centrale, limitrophe de l’Iran et avec lequel l’État juif entretient des liens étroits et chaleureux.

« Ce que nous avons livré à l’Azerbaïdjan repose sur nos accords précédents. Aucun entrepôt de l’armée israélienne n’a été ouvert et rien de nouveau n’a été mis en place. Nous avons une politique d’exportation supervisée et contrôlée. Nous ne vendons pas tous nos équipements militaires à ce pays. Mais si on peut lui vendre des armes et renforcer l’industrie de la défense et l’économie, alors que faire de mieux ? », interroge-t-il.

Et la supériorité militaire d’Israël ?

La révélation selon laquelle Washington prévoirait de vendre aux Émirats arabes unis des F-35 suite à l’accord de normalisation conclu entre Abou Dhabi et Jérusalem avait entraîné une onde de choc au sein du ministère israélien de la Défense, qui avait été exclu des négociations.

L’acquisition de cet avion de cinquième génération serait une avancée majeure pour l’armée émiratie et menacerait l’avantage qualitatif militaire de l’État juif – sa supériorité militaire dans la région – que les États-Unis doivent maintenir, une obligation qui est inscrite dans la loi américaine, et ce, quelles que soient les ventes d’armes réalisées dans la région.

Après la révélation de la proposition de la vente de F-35 aux EAU, Gantz avait immédiatement commencé à travailler avec son homologue américain — Mark Esper, qui a depuis été renvoyé par le président américain Donald Trump – pour négocier un arrangement qui garantirait que l’avantage qualitatif militaire d’Israël soit conservé.

Le ministre de la Défense Benny Gantz, (à droite), et le secrétaire d’Etat américain à la Défense, Mark Esper, lors d’une conférence de presse conjointe au Pentagone, le 22 octobre 2020. (Crédit : Shmulik Almani/ministère de la Défense)

Et Gantz avait finalement signé un tel accord avec Esper à la fin du mois dernier, juste avant les élections américaines. Son contenu détaillé n’a pas été rendu public et seuls quelques initiés, à Jérusalem et Washington, en ont connaissance, révèle Eshel.

Ce dernier, qui a négocié d’importantes parties de l’arrangement, a estimé qu’il « garantira le maintien de l’avantage qualitatif militaire pour les décennies à venir ».

Interrogé sur les conséquences potentielles du limogeage d’Esper et de la défaite électorale de Trump sur cet accord, le haut fonctionnaire a affirmé que cela ne devrait pas entraîner de problèmes.

« Je vous le dis : ce qui a été signé sera transmis et honoré par les administrations à venir », a-t-il insisté.

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