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La libération de terroristes, une « plaie ouverte » pour les familles des victimes

Si beaucoup soutiennent tout effort visant à ramener des otages vivants, certains membres de familles endeuillées réclament la peine de mort pour les terroristes afin de mettre un terme au cycle des libérations d'otages

Des ambulanciers et des policiers sur les lieux de l'attentat-suicide palestinien qui a fait 19 morts et 74 blessés dans un bus à Jérusalem, le 18 juin 2002. (Flash90/File)
Des ambulanciers et des policiers sur les lieux de l'attentat-suicide palestinien qui a fait 19 morts et 74 blessés dans un bus à Jérusalem, le 18 juin 2002. (Flash90/File)

Dans la soirée du vendredi 27 décembre 2002, au plus fort de la seconde Intifada, deux terroristes du Jihad islamique palestinien s’étaient introduits dans la yeshiva d’Otniel, dans le sud de la Cisjordanie.

Déguisés en soldats israéliens, ils avaient ouvert le feu dans la cuisine, tuant deux étudiants et deux soldats de Tsahal en permission qui s’apprêtaient à servir le repas de shabbat. Les deux terroristes avaient été tués le soir-même, l’un au cours de la fusillade qui avait suivi et l’autre au terme d’une brève chasse à l’homme. Les organisateurs de l’attentat avaient été arrêtés et condamnés pour terrorisme.

L’un d’entre eux avait été libéré dans le cadre de l’accord qui avait permis le retour de l’otage Gilad Shalit en 2011 – et l’autre devrait être relâché dans le cadre de la première phase de l’accord de cessez-le-feu et d’échange d’otages israéliens contre des prisonniers palestiniens qui a été conclu entre Israël et le Hamas et qui est entré en vigueur dimanche.

« Au moins, cette fois-ci, il a été en prison pendant 22 ans », déclare Elaine Hoter, la mère de Gavriel Hoter, l’un des étudiants tués à Otniel en 2002. Il avait 17 ans à l’époque.

L’accord de libération des otages qui a été finalisé entre Israël et le Hamas comprend, dans sa première phase, la libération progressive de 33 otages israéliens détenus dans la bande de Gaza, en échange de près de 2 000 prisonniers palestiniens.

La majorité des Palestiniens qui seront libérés au cours de la première phase sont des Gazaouis qui ont été arrêtés pendant l’offensive terrestre de Tsahal à Gaza et qui n’ont pas participé à l’invasion et au pogrom du 7 octobre 2023 dans le sud d’Israël, sous l’égide du Hamas.

La police israélienne se tient près de la jonction d’Otniel dans le sud de la Cisjordanie, le 13 novembre 2015. (Yonatan SIndel/Flash90)

Toutefois, parmi les Palestiniens qui devraient être libérés au cours de la première phase de 42 jours de l’accord figurent 737 prisonniers de sécurité, dont certains sont membres du Hamas, du Jihad islamique palestinien ou du Fatah, des détenus qui purgent des peines de prison à vie pour des meurtres et des attentats terroristes.

La libération imminente d’un grand nombre de terroristes condamnés en échange d’un nombre beaucoup plus restreint d’otages israéliens a suscité beaucoup d’interrogations dans la société israélienne, en particulier parmi les familles endeuillées qui ont perdu des êtres chers aux mains de ceux qui vont maintenant être libérés de prison.

Gilad Shalit salue le Premier ministre Benjamin Netanyahu après son atterrissage sur une base aérienne du centre Israël le jour de sa libération des geôles du Hamas, le 18 octobre 2011. (Crédit : Armée israélienne)

L’accord Gilad Shalit, qui occupe une place importante dans les discussions sur l’accord actuel, avait été salué à l’époque comme une grande victoire par le Hamas. Pour garantir la libération du soldat de Tsahal qui avait été enlevé, Israël avait libéré 1 027 prisonniers, dont le défunt chef du Hamas Yahya Sinwar, qui était par la suite devenu le cerveau du pogrom du 7 octobre 2023. Certains des prisonniers qui seront libérés dans le cadre de l’accord de cessez-le-feu actuel font partie de ceux qui avaient été relâchés dans le cadre de cet accord, il y a 13 ans, et qui avaient été arrêtés à nouveau pour des activités terroristes.

Samedi soir, les autorités ont informé les familles endeuillées des terroristes qui ont tué leurs proches et qui doivent être libérés.

Gavriel Hoter, sur une photo non datée. (Autorisation de la famille Hoter)

« Je suis ravi que certains otages puissent revenir, même si nous ne connaissons pas leurs conditions mentales et physiques », a déclaré Elaine Hoter au Times of Israel dans la journée de dimanche.

L’anniversaire, selon le calendrier hébraïque, de l’attaque d’Otniel est jeudi, « donc tout cela arrive en même temps, la même semaine de commémoration », a ajouté Hoter.

Hoter, une universitaire qui, après l’assassinat de son fils, a fondé le Centre TEC, une organisation qui se consacre à combler les divisions culturelles dans la société israélienne par le biais de l’éducation technologique, a souligné que « la haine ne résout rien » et elle a déclaré que la plupart des Arabes sont « des gens normaux et bons qui veulent un monde meilleur pour eux-mêmes et leurs enfants… nous ne devrions pas laisser les gens horribles gagner ».

Appels renouvelés en faveur de la peine de mort

L’homme d’affaires et militant antiterroriste Micah Avni a exhorté Israël dimanche à instaurer la peine de mort pour les terroristes, afin de dissuader la conclusion de nouveaux accords de libérations d’otages.

L’accord actuel est signé et ira de l’avant, de sorte que « peu importe ce que je pense ou ce qu’on peut en penser de manière plus générale, c’est fait. D’un point de vue personnel, je comprends tout à fait que l’on fasse n’importe quoi pour récupérer quelqu’un, mais d’un point de vue national, ce n’est pas un bon accord. Il est très clair que la majorité des terroristes libérés recommenceront à faire régner la terreur », a-t-il déclaré.

Avni, dont le père avait été tué par des agents du Hamas lors d’un attentat terroriste à Jérusalem en 2015, avait ensuite mené une campagne à succès pour que les principales plateformes de médias sociaux interdisent les activités des organisations terroristes désignées.

La vraie question est maintenant « de savoir comment empêcher que tout cela ne se reproduise », a-t-il déclaré.

« La chose la plus claire qui en découle, et que j’ai défendue, c’est la peine de mort pour les terroristes », a estimé Avni. Les messages qu’il a récemment publiés sur les réseaux sociaux à ce sujet ont été vus des centaines de milliers de fois et ils ont fait l’objet de milliers de commentaires de la part de tous les partis politiques, qui les ont soutenus dans leur grande majorité, selon lui.

Dès qu’Israël instituera la peine de mort pour les actes de terrorisme, « il y aura moins de tentations de kidnapper des Israéliens » et au lieu de dépenser de l’argent pour garder les « meurtriers du Hamas incarcérés dans de bonnes conditions, nous pourrons le consacrer à aider les familles des victimes ou à améliorer le système d’éducation », a déclaré Avni.

Micah Avni (Autorisation)

Dans l’état actuel des choses, « le meurtrier de mon père… n’a montré aucun remords, il était fier de ce qu’il avait fait. Il va probablement retomber dans la terreur » maintenant qu’il va être libéré, a-t-il ajouté.

Dimanche, certaines familles se sont tournées vers les réseaux sociaux pour exprimer leur soutien à cette idée.

« La libération de nos otages est évidemment une priorité majeure, mais en relâchant des meurtriers palestiniens, ne les encourageons-nous pas à prendre d’autres otages à l’avenir ? », a demandé Shimon Palmer, un utilisateur de Facebook, dans un message largement partagé.

Le frère et le neveu de Palmer avaient été tués en 2011 lorsque leur véhicule avait eu un accident après avoir été attaqué par des Palestiniens qui jetaient des pierres sur une route près de Kiryat Arba, en Cisjordanie.

« Je pense que la politique consistant à garder des terroristes condamnés dans nos prisons, à nos frais, parfois pendant des décennies, puis à les libérer lorsque nos ennemis ont la chance de prendre des otages, est profondément erronée », a déclaré Palmer, qui réclame la peine de mort pour les terroristes condamnés.

Adolf Eichmann debout dans sa cage de verre, entouré de gardes, dans la salle d’audience de Jérusalem lors de son procès en 1961 pour crimes de guerre commis pendant la Seconde Guerre mondiale. (AP Photo/File)

Israël n’a prononcé la peine de mort qu’à deux reprises, la plus célèbre étant celle qui avait été prononcée en 1962 à l’encontre du nazi Adolf Eichmann, accusé de génocide et de crimes contre l’Humanité. En 1988, l’ancien garde nazi John Demjanjuk avait été condamné par Israël à la peine de mort pour crimes de guerre et crimes contre l’Humanité, mais la sentence avait été annulée quelques années plus tard en appel.

La loi israélienne actuelle, en vigueur depuis les années 1950, n’autorise pas la peine de mort pour les crimes de meurtre et de terrorisme, mais seulement pour les crimes contre l’Humanité et la trahison.

Les victimes de la seconde Intifada traumatisées

Pour Sarri Singer, survivante d’un attentat à la bombe qui vit actuellement à New York, le nouvel accord de libération des terroristes palestiniens ravive de vieux et difficiles souvenirs, bien qu’elle soutienne l’accord.

« Je pense que cet accord doit avoir lieu et que tous les otages doivent rentrer chez eux le plus rapidement possible, quelle que soit la manière dont cela doit se faire », a-t-elle déclaré au Times of Israel.

Une jeune fille blessée est évacuée après qu’un kamikaze s’est fait exploser dans le bus numéro 14 de la rue Jaffa, dans le centre de Jérusalem, le mercredi 11 juin 2003. Le kamikaze a tué au moins 13 passants, dont lui-même, et en a blessé au moins 40. (Flash90)

Singer avait vécu un attentat à la bombe qui avait pris pour cible un bus à Jérusalem, le 11 juin 2003, un attentat qui avait fait 13 morts et 40 blessés. Trois des organisateurs de l’attaque doivent à présent être libérés, mais son principal auteur, « un jeune de 18 ans radicalisé par le Hamas », s’était tué lors de l’attentat-suicide, a-t-elle rappelé.

« La chose la plus importante est de voir les familles réunies avec leurs proches », a-t-elle indiqué.

En 2012,  Singer a fondé une association à but non lucratif, Strength to Strength, qui vise à fournir « un soutien à long terme en matière de santé mentale et d’entraide » aux victimes du terrorisme et aux familles endeuillées, et qui opère dans 16 pays. Singer a déclaré qu’une discussion dimanche matin sur un groupe WhatsApp avec des victimes du terrorisme dans le monde entier avait été « incroyable ».

« Nous avons des victimes d’Irlande du Nord, du Royaume-Uni, d’Espagne, de France, d’Argentine, d’Ouganda, du 11 septembre et de l’attentat d’Oklahoma City… Ces personnes prennent de nos nouvelles et nous comprennent. C’est très réconfortant », a-t-elle déclaré.

Des Israéliens assistent à la libération de trois otages du Hamas dans le cadre d’un accord entre Israël et le Hamas, sur la place des otages à Tel Aviv, le 19 janvier 2025. (Tomer Neuberg/Flash90)

L’accord sur le cessez-le-feu et l’échange de prisonniers et d’otages concerne des milliers de familles qui ont été touchées par la seconde Intifada, et pas seulement les victimes du 7 octobre, a-t-elle souligné.

« Il affecte tous ceux d’entre nous qui avons subi des traumatismes et des manipulations à long terme de la part du Hamas. C’est une autre couche de traumatisme qui vient s’ajouter… Cela a un impact sur beaucoup de gens », a déclaré Elaine Singer.

Aller de l’avant

L’accord de cessez-le-feu est « un territoire inconnu, il n’y a pas de guide sur ce qu’une famille est censée ressentir », a expliqué pour sa part Hillel Fuld, un éminent blogueur, au Times of Israel dimanche. Le frère de Fuld, Ari, avait été tué lors d’une attaque terroriste à l’arme blanche en 2018 en Cisjordanie.

La libération du meurtrier de son frère « ravive [la douleur]… c’est définitivement une plaie ouverte », a déclaré Fuld.

Le fils d’Ari Fuld pose les mains sur la dépouille de son père à ses funérailles à Kfar Etzion le 17 septembre 2018. (Gershon Elinson/FLASH90)

Lorsqu’on lui a demandé s’il soutenait l’accord, Fuld a répondu : « Ce n’est pas noir ou blanc comme les gens aiment à le dépeindre. Je suis heureux de ne pas être un politicien et de ne pas avoir à prendre cette décision. Les prisonniers libérés sont des monstres, c’est donc un mélange d’émotions… peut-être n’avons-nous pas le choix à ce stade ».

Cependant, son défunt frère « aurait été fortement opposé à cet accord, cela ne fait aucun doute », a déclaré Fuld. « Il ne croyait pas aux négociations avec le Hamas. »

L’équipe du Times of Israel a contribué à cet article.

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