La marche triomphaliste des mâles orthodoxes nationalistes dans le quartier musulman
Pour un grand nombre - mais certainement pas pour tous les participants - des décennies de célébrations de Yom Yeroushalayim se sont transformées en quelque chose de plus sombre
David est le fondateur et le rédacteur en chef du Times of Israel. Il était auparavant rédacteur en chef du Jerusalem Post et du Jerusalem Report. Il est l’auteur de « Un peu trop près de Dieu : les frissons et la panique d’une vie en Israël » (2000) et « Nature morte avec les poseurs de bombes : Israël à l’ère du terrorisme » (2004).
A la veille de Yom Yeroushalayim, qui avait lieu dimanche, la ministre de l’Intérieur Ayelet Shaked, numéro deux de la formation du Premier ministre Naftali Bennett, Yamina, a publié une photo sur sa page Facebook montrant le mur Occidental, peu après la fin de la guerre des Six jours.
L’unification par Israël de sa capitale historique, la victoire remportée à cet endroit même que les Juifs en exil appelaient dans leurs prières depuis des milliers d’années, a été et reste un moment de réjouissance nationale privilégié, a-t-elle écrit. Mais ces dernières années, a-t-elle déploré, certains ont tenté de rendre plus obscure la signification nationale de cette Journée de Jérusalem et de la dépeindre comme une sorte d’anniversaire sectaire ou religieux, les Israéliens brandissant le drapeau bleu et blanc étant qualifiées « d’extrémistes » et ceux qui défilent dans le capitale en l’exhibant étant dorénavant considérés comme des « provocateurs ».
Et un grand nombre parmi les dizaines de milliers de Juifs israéliens et de soutiens d’Israël qui ont défilé dimanche à Jérusalem ont salué, en effet, la victoire militaire extraordinaire de 1967 et en particulier l’exploit qui avait été annoncé par le commandant des parachutistes, Motta Gur, en date du 7 juin 1967 : « Le mont du Temple est entre nos mains ».
Mais un grand nombre aussi de ceux qui ont défilé sur la colline, jusqu’à la porte de Damas, avant de traverser le quartier musulman jusqu’au mur Occidental lors de « la Marche des drapeaux » de dimanche, ont certes pris part à une fête, mais également à un acte de triomphalisme – et ils ne s’en sont pas cachés.
Certains brandissaient le drapeau israélien et portaient des tee-shirts avec des messages festifs ; par exemple : « 55 ans : Honneur à l’unification de Jérusalem », ou un simple mot : « Sioniste ».
D’autres, néanmoins, portaient des tee-shirts montrant une mitrailleuse encastrée dans une étoile de David – une réponse aux tee-shirts populaires parmi les Palestiniens qui montrent un M-16 et une Palestine débarrassée d’Israël. Certains brandissaient le drapeau du groupe suprématiste Lehava et d’autres ont placé des autocollants racistes sur les volets en métal des commerces du quartier musulman – fermés pour l’après-midi et pour la soirée pour minimiser le risque de frictions entre Juifs et Arabes. Certains ont entonné des slogans appelant les Arabes à mourir et à incendier les villages de ces derniers.
J’ai vu un groupe de jeunes interpeller un groupe de Palestiniens qui les regardait d’en haut – avec quelques femmes – en les traitant de « p*tains ». J’ai vu un adolescent faire un doigt d’honneur à un autre groupe de Palestiniens remarqué dans une ruelle. J’ai vu un gamin portant des lunettes, qui n’avait peut-être pas encore dix ans, cogner de manière répétée le volet en métal d’un petit commerce palestinien, heureux de ce tapage, avant de cracher dessus pour faire bonne mesure. Tout cela en quelques minutes seulement.
Une minorité de tous ceux qui ont paradé le long de la rue Hagai, se rendant au mur Occidental à partir de la porte de Damas, étaient des ultra-orthodoxes ou des laïcs. L’écrasante majorité des personnes présentes étaient des jeunes orthodoxes modernes et des hommes arborant une kippa plus ou moins large (les femmes ont emprunté un itinéraire moins controversé, par la porte de Jaffa, pour aller au mur Occidental – ce qui a été une bien mauvaise idée, je présume, pour influer sur l’état d’esprit et sur le comportement de ces marcheurs 100 % mâles).
Certains arboraient des autocollants circulaires sur leur tee-shirt affirmant : « Le rabbin Kahane avait raison » et ils ont distribué des autocollants saluant Itamar Ben Gvir, disciple du rabbin défunt, qui siège dorénavant à la Knesset sous l’étiquette du parti Sionisme religieux. De jeunes participants ont soupiré d’aise quand ils ont croisé des membres de La Familia, un groupe de partisans de l’équipe de football du Betar Jerusalem, des anti-Arabes virulents.
Un sondage qui a été réalisé ce week-end a montré que le parti Yamina de Bennett, qui a établi un partenariat avec des formations de tout le spectre politique israélien dans le cadre d’un gouvernement d’unité, ne remporterait que cinq sièges si des élections devaient avoir lieu aujourd’hui tandis que ses adversaires du parti Sionisme religieux, Bezalel Smotrich et Ben Gvir, de fervents opposants à un gouvernement qui s’appuie sur la faction arabe Raam, en rafleraient huit. Et en observant ces marcheurs, dimanche, dans la Vieille Ville – bien plus nombreux que la police n’avait pu l’anticiper – ces chiffres laissent surtout penser à la sous-estimation d’une tendance.
L’ex-Premier ministre Benjamin Netanyahu a fait une apparition aux célébrations organisées au mur Occidental ; Bennett, pour sa part, est resté à l’écart. Cela a été la démonstration de force d’une section jeune et à la croissance rapide de l’électorat israélien qui considère que Bennett est un traître, que Netanyahu est un froussard qui a tenté, en vain, d’apaiser les terroristes du Hamas en changeant l’itinéraire de ce défilé avant de l’annuler, il y a un an, et que Ben Gvir (qui, ironie de l’histoire, est entré à la Knesset grâce à un arrangement négocié par Netanyahu) est dorénavant le seul Israélien à prendre au sérieux.
Pour la vaste majorité des Israéliens, et comme Ayelet Shaked l’a écrit sur sa page Facebook dans la soirée de samedi, la capture de la Vieille Ville des mains de la Jordanie, en 1967, est un motif de réjouissance. Et les danses de la fin de la journée, au mur Occidental, étaient festives.
Toutefois, le défilé qui a traversé le quartier musulman portait en lui cette tonalité bien plus sombre que Shaked s’est efforcée de nier. Et il a affiché de l’indifférence, dans le meilleur des cas, et du mépris, au pire, pour les responsabilités souveraines d’Israël à l’égard de tous ceux qui résident dans la capitale.
Quelques jours après l’annonce faite par Motta Gur, le ministre de la Défense, Moshe Dayan, avait rendu visite aux membres du Waqf, instance jordanienne chargée de l’administration des mosquées sur le mont du Temple, et il leur avait dit que si Israël était dorénavant la puissance souveraine sur le mont disputé, c’est le Waqf qui continuerait à gérer les lieux de culte.
Les Juifs pourraient se rendre sur le mont du Temple pour le visiter mais il leur serait interdit d’y prier, et ils se rassembleraient plutôt pour la prière au mur Occidental, en-dessous.
Dayan avait cherché à éviter une collision frontale avec le monde musulman et il avait utilisé l’interdiction halakhique, pour les Juifs orthodoxes, de poser le pied sur le mont du Temple (par crainte qu’il ne profanent ce lieu où se dressaient les anciens Temples bibliques, le saint des saints) pour atteindre son objectif.
Et dimanche, 55 ans plus tard, 2 600 Juifs – un nombre sans précédent – se sont rendus sur le mont pour Yom Yeroushalayim, un grand nombre d’entre eux apparemment orthodoxe mais visiblement indifférents à l’injonction halakhique qui, de toute évidence, a perdu son caractère consensuel, et certains d’entre eux priant résolument.
Le gouvernement de Bennett, comme ceux de Netanyahu avant lui, insiste sur le fait que le statu quo, né de la politique mise en place par Dayan en 1967, est maintenu, mais les prières et le nombre croissant des visites des Juifs sur le mont du Temple racontent de leur côté une histoire très différente.
Pour ce nombre croissant de visiteurs Juifs et pour un grand-nombre qui ont défilé à travers le quartier musulman dans la journée de dimanche, la semi-reddition de Dayan concernant le mont du Temple, ce berceau de la foi juive, est incompréhensible, indéfendable et elle ne saurait plus être tolérée dorénavant. Certains marcheurs n’ont d’ailleurs pas dissimulé leur préférence avec des étendards où étaient imprimés les mots « Troisième Temple », et avec des bandes horizontales dorées qui remplaçaient les bandes bleues du drapeau israélien.
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David Horovitz, rédacteur en chef et fondateur du Times of Israel