Le sauvetage des drapeaux permet à Beeri de commencer l’année scolaire dans les règles
Avec l'aide d'une équipe hétéroclite de bénévoles, le kibboutz évacué a poursuivi le traditionnel défilé des CP avec les drapeaux portés depuis 1952, lors d'une cérémonie à la mer Morte
Récemment, par un lundi, à Yeruham, une petite ville du sud d’Israël, des machines à coudre ronronnaient tranquillement dans un grand hall surplombant les plis couleur crème du désert du Néguev, tandis qu’une équipe hétéroclite de bénévoles s’acquittait d’une tâche inhabituelle.
Jmia Ihwemel, une Bédouine voilée, mère de sept enfants et experte en broderie du village voisin de Rahma, était assise à une machine. Derrière elle se trouvait Tal Nachmias, un passionné de broderie et de textile qui gagne sa vie en se faisant appeler Moïse, le « barbier ambulant » de Jérusalem. Les cheveux, explique-t-il, « ne sont qu’une autre sorte de fil ».
Un peu plus loin, Gil Shavit, marié et père de deux enfants, est un ancien comptable du nord d’Israël qui travaille désormais dans le textile. Il arborait une casquette rose, un pêle-mêle de colliers et des chaussures Mary Jane, populaires dans les cours de récréation des années 1950.
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Ces volontaires et d’autres s’étaient rassemblés pour aider à rénover 71 drapeaux.
Il ne s’agit pas de drapeaux ordinaires, mais d’étendards scolaires sauvés d’une réserve du kibboutz Beeri qui a été détruite – heureusement pas brûlée – le 7 octobre lorsque le groupe terroriste palestinien du Hamas a envahi la zone frontalière de Gaza.
Ce jour-là, ils ont assassiné près de 1 200 personnes, principalement des civils de la région, et en ont enlevé 251 autres pour les emporter de force dans la bande de Gaza. Sur les 1 000 personnes vivant à Beeri (dont 550 membres du kibboutz), les terroristes du Hamas en ont tué 101, dont 90 membres du kibboutz.
Chaque drapeau de Beeri porte le nom et l’image d’un fruit, d’une plante ou d’un oiseau, et a été amoureusement brodé, peint ou décoré avec des motifs pour la cérémonie traditionnelle de début d’année scolaire du kibboutz.
Depuis 1952, les enfants de Beeri qui entrent en CP se voient attribuer un symbole et portent leur nouveau drapeau lors de ces cérémonies, tandis que les membres du kibboutz des années précédentes portent le leur.
Qui aurait pu imaginer, après le pogrom perpétré par le Hamas à Beeri, que la cérémonie du drapeau aurait lieu ?
La plupart des habitants de Beeri sont encore logés dans des hôtels, principalement au bord de la mer Morte, car les logements temporaires prévus pour le kibboutz Hatzerim ne sont pas tous prêts.
Mais vendredi, une petite cérémonie privée de remise des drapeaux a eu lieu dans l’un des hôtels de la mer Morte. Les enfants entrant en CP ont reçu leur nouveau drapeau et leurs tee-shirts – tous décorés d’un litchi – accompagnés des étendards sauvés de sous les décombres de leur maison du kibboutz, et réparés.
Des objets récupérés dans les décombres pour documenter les horreurs du 7 octobre
Depuis la mi-novembre, une équipe dirigée par Dr. Nirit Shalev-Khalifa se déplace d’une communauté ravagée à la frontière de Gaza à l’autre, à la recherche d’objets pouvant témoigner de ce qui s’est passé.
Shalev-Khalifa dirige le département d’histoire visuelle de Yad Ben-Zvi, l’institution publique de recherche, de culture et d’éducation basée à Jérusalem. Elle travaille avec d’éminents spécialistes de la documentation et de la préservation des artefacts.
Elle collecte des objets dont les matériaux, la forme ou la fonction ont été altérés par des événements tels que le feu, la fumée et les balles.
Elle n’a appris l’existence des drapeaux de Beeri qu’en décembre, grâce à Tamar Ben Zvi, une orthophoniste à la retraite, qui gère les archives du kibboutz.
Tamar et son époux Uri Ben Zvi ont perdu leur maison le 7 octobre. Ils se sont cachés dans le grenier alors que des terroristes circulaient au rez-de-chaussée. Après 12 heures et de violents échanges de tirs entre les terroristes et l’armée israélienne, ils ont été sauvés.
Mais leur maison, comme celle d’à côté, où Pessi Cohen a vécu et est mort, a finalement été détruite par des tirs de chars de Tsahal dans le but de tuer les dizaines de terroristes qui s’y étaient retranchés. Pessi et 12 des 13 autres otages qui l’accompagnaient ont été tués, soit par des tirs d’armes à feu, soit par des tirs de chars.
Il a fallu du temps à Tamar, mère de cinq enfants et grand-mère de sept (tous ont survécu), pour retourner au kibboutz. Elle y a photographié les maternelles de ses petits-enfants.
« Après quelques jours, je me suis souvenue que j’avais participé à l’organisation de la cérémonie de rentrée des classes un mois auparavant et que les drapeaux avaient été entreposés », a-t-elle déclaré au Times of Israel.
Craignant que les bulldozers n’emportent les drapeaux, elle a rapidement donné l’alerte.
Danny Meizner, membre du kibboutz, ainsi que la chercheuse Shalev-Khalifa et son équipe se sont rendus dans la réserve effondrée et ont suivi les instructions de Tamar.
Ils ont récupéré les drapeaux malgré l’effondrement du toit, qui avait percé les sacs dans lesquels ils étaient stockés, provoquant des déchirures dans le tissu des drapeaux.
L’eau, la moisissure et le métal avaient laissé des taches et les mâts en bois étaient cassés.
Shalev-Khalifa a fait appel à Shoshana Mandel, ancienne conservatrice des textiles au Musée d’Israël de Jérusalem, qui a géré l’aspect technique des réparations, en consultant Dalit Yitshaki, dont l’atelier de couture au kibboutz Beeri a été détruit le 7 octobre.
« C’est le travail de nombreux bénévoles », a -t-elle déclaré avec modestie, en citant Ihwemel (qui a refusé d’être photographiée) pour ses compétences, son dévouement et son travail rapide, en partie à la maison.
Des fils de connexion
L’année dernière, Shalev-Khalifa et d’autres membres de Yad Ben-Zvi ont assisté à une conférence sur les arts et l’artisanat traditionnels à Kulna, à Yeruham, qui explore le patrimoine et la culture des pays islamiques et orientaux.
C’est ainsi que Kulna a ouvert ses locaux au projet des drapeaux, en faisant appel à d’anciens élèves comme Nachmias, et en recrutant Ihwemel, avec qui ils entretiennent une longue relation et qui enseigne la broderie à l’école. Elle a fourni les machines à coudre, a brodé et cousu les sacs spéciaux dans lesquels les drapeaux sont préservés.
Shalev-Khalifa a découvert que le kibboutz Beeri avait soutenu le village d’Ihwemel dans le cadre du programme « Future in the Desert » de Yeruham, qui relie les communautés du désert.
Pazit Hen Hirschfeld, 66 ans, couturière amateur chevronnée du nord d’Israël, faisait partie des volontaires présents lundi.
Ses parents sont morts lorsqu’elle avait 27 ans. Son frère Raz, alors âgé de 15 ans, a été adopté par Danny et Vered Fuchs du kibboutz Beeri.
« J’ai écrit à Danny à propos du projet des drapeaux, et il m’a dit : ‘Viens travailler sur le drapeau egoz [noix] du groupe d’élèves de Raz », a expliqué Hen Hirschfeld. « Par chance, c’est celui que l’on m’a donné à réparer en premier. »
Shavit a rencontré Shalev-Khalifa par hasard à New York. Il a déclaré qu’il était heureux d’avoir l’occasion « de contribuer, de faire partie de ce qui s’est passé le 7 octobre, et de ne pas se sentir impuissant ».
Il a réparé le drapeau Irit (ciboulette) et cousu une petite poche pour y fixer ce qui ressemble à une partie d’une balle ou d’un éclat d’obus du 7 octobre.
Shalev-Khalifa a déclaré qu’après avoir vu tant de maisons incendiées et de sites de meurtres, les drapeaux étaient « la première chose que nous avons trouvée qui pouvait être réparée et relevée, qui pouvait revenir à la vie ».
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