Les conseillers juridiques ministériels en ligne de mire du projet de réforme judiciaire
Les débats sont ouverts, à la Knesset, sur ce projet de réforme que le ministre de la Justice Yariv Levin se dit « déterminé » à faire passer malgré les « menaces »
Carrie Keller-Lynn est la correspondante politique et juridique du Times of Israël.

Ont eu lieu, aujourd’hui mercredi, les premiers débats de la Knesset concernant la réforme judiciaire promise par le gouvernement, avec l’examen d’une première proposition visant à encadrer l’indépendance des conseillers juridiques du gouvernement.
En préambule à la première réunion de la Commission de la Constitution, du Droit et de la Justice de la Knesset consacrée à la réforme du système judiciaire, son président, le député Simcha Rothman (HaTzionout HaDatit) a déclaré qu’à partir de dimanche, la commission examinerait le projet visant à permettre « au gouvernement et aux ministres d’établir librement leur position juridique », sans être lié par l’avis du procureur général.
La semaine passée, le ministre de la Justice Yariv Levin a présenté ce qu’il a qualifié de quatre premières étapes du projet de réforme du gouvernement.
Non content de laisser les ministres choisir leurs conseillers juridiques plutôt que de les subordonner au ministère de la Justice, Levin a déclaré que le gouvernement limiterait la capacité de la Cour Suprême à annuler les lois et décisions gouvernementales, en exigeant un panel élargi de juges de la cour et une « majorité spéciale » pour ce faire, et en ajoutant une « clause dérogatoire » permettant à la Knesset de légiférer à nouveau avec une simple majorité de 61 parlementaires sur ces lois à moins que les 15 juges ne décident à l’unanimité de les annuler.
Parmi les autres projets figurent la refonte du processus de sélection des juges afin de donner au gouvernement le contrôle effectif sur le comité de sélection et l’introduction d’une disposition visant à empêcher la Cour d’employer la règle du « caractère raisonnable » pour juger les lois et décisions gouvernementales. Ce critère a été récemment utilisé pour débattre du bien-fondé de la nomination d’Aryeh Deri comme ministre au regard de ses multiples condamnations criminelles.
Les projets de loi correspondants n’ont pas encore été présentés à la Knesset.
Assis à côté de Rothman lors de ce comité, Levin s’est dit « déterminé à adopter cette réforme que j’ai initiée et dont nulle menace ne me détournera ».
Néanmoins, Levin et Rothman – qui s’est engagé à tenir les audiences de son comité cinq jours par semaine pour faire adopter au plus vite les réformes – ont sollicité la participation de l’opposition au débat, mais pas à la rédaction du projet de loi.

La semaine dernière, le député Benny Gantz, figure clé de l’opposition, a lancé un appel public à Levin et au chef du Likud, le Premier ministre Benjamin Netanyahu, pour que l’opposition soit invitée à prendre part au processus de réforme judiciaire. Sans succès.
« Tous seront entendus, avec calme et attention », a déclaré Rothman à propos des députés de l’opposition, des responsables du ministère de la Justice et des experts.
« Lorsque nous jugerons le moment venu d’aller vers des formulations et des solutions, nous le ferons, mais seulement à l’issue des débats. »
« Le plus important », a ajouté Levin à l’attention des députés de l’opposition qui se joignent aux débats du comité, « c’est d’écouter. »
Gantz, le chef de l’opposition Yair Lapid et la procureure générale Gali Baharav-Miara ont mis en garde contre le projet de réforme judiciaire, qui, selon eux, nuira grandement à la démocratie et aux libertés civiles.
Donnant sans doute le la des futures audiences de la commission sur la réforme judiciaire, les députés de l’opposition ont perturbé la réunion, affirmant que la réforme aboutirait à la « destruction du système judiciaire », éclatant de rire lorsque Levin a assuré, au contraire, que cela améliorerait le système démocratique.

Netanyahu a assuré que les élections de novembre, qui l’ont ramené au pouvoir, ont donné à son gouvernement le « mandat » pour mettre en oeuvre cette reforme judiciaire.
Des sondages révèlent toutefois que, même parmi les électeurs du Likud, les opinions sont partagées sur l’opportunité de modifier les pouvoirs, la composition et la surveillance de la Cour Suprême sur la Knesset.
Aux ex-juges de la Cour suprême et hauts responsables juridiques qui se sont prononcés sur la question, se sont ajoutés quelque 10 000 Israéliens, descendus dans la rue samedi dernier pour manifester contre ce projet.
Emmenée par des manifestants essentiellement centristes et de gauche, une nouvelle manifestation devrait avoir lieu à Tel Aviv samedi prochain.
Mardi, le député d’extrême droite Zvika Fogel (Otzma Yehudit) a appelé à l’arrestation des « traîtres » Lapid et Gantz qui ont soutenu ces manifestations contre le projet de réforme judiciaire et mis en garde contre les profondes divisions qu’il creuse au sein de la société israélienne .
Gantz a déclaré lundi, tout comme Lapid, que le projet de réforme du gouvernement mettait Israël sur la voie de la « guerre civile » et a appelé les citoyens « à faire trembler le pays ».