Les start-ups présentent leurs protéines alternatives au salon de la FoodTech
À Tel Aviv, des entreprises locales exposent leurs produits écolos – du faux thon fait de larves riches en vitamines et un substitut d'œuf à base de plantes pour la pâtisserie

On dirait du thon en boîte, mais ce n’est pas le cas. Il s’agit en fait de larves transformées de mouches des fruits et il est gorgé de protéines et de minéraux.
La startup israélienne Flying SpArk cultive les larves, les transforme en une poudre protéique naturellement enrichie en minéraux, calcium et magnésium, et sépare l’huile. La poudre est ensuite utilisée pour créer la texture et la saveur de la viande, de la volaille et du poisson.
Flying SpArk a présenté certains de ses produits de substitution de la viande à base de protéines uniques en leur genre, dont la NOTuna en conserve, le mois dernier à Tel Aviv à FoodTechIL, un événement rassemblant investisseurs et entrepreneurs qui voulaient voir ce que la Startup Nation faisait dans le secteur des technologies alimentaires.
Plus de 1 200 participants ont assisté à l’événement, dont des cadres supérieurs de grandes entreprises mondiales d’alimentation et de boissons telles que PepsiCo, Danone, Mondelez et Givaudan, un fabricant suisse de parfums et arômes.
Il n’y avait pas de dégustation de NOTuna [« Ce n’est pas du thon »] à l’événement, bien qu’on ait assuré à l’auteur de ces lignes que cela avait le même goût et la même odeur que le vrai produit.

Les larves sont faciles et bon marché à cultiver ; elles n’utilisent qu’une infime quantité d’eau et de terre dans le processus de production, et elles ne génèrent pas de gaz à effet de serre polluants. Et elles sont casher, a expliqué un représentant de l’entreprise.
Flying SpArk, co-fondé en 2015 par le PDG Eran Gronich, a attiré l’attention de l’un des plus grands transformateurs et exportateurs de conserves de thon au monde, Thai Union Group, qui a accepté d’investir un demi-million de dollars avec des fonds supplémentaires si certains objectifs sont atteints, pour un investissement total de 3 millions de dollars.
Alors que la population mondiale devrait atteindre 9,7 milliards d’habitants d’ici 2050, selon les Nations Unies, les gouvernements, les entrepreneurs et les investisseurs sont à la recherche de solutions qui permettront de nourrir le monde de manière durable.
« Un équilibre doit être trouvé entre la création d’aliments, la préservation de l’environnement et le réchauffement climatique », a déclaré Giora Bardea, PDG du groupe Strauss, dans une interview accordée lors de l’événement, ajoutant que ce n’était pas une tâche facile.

Les clients recherchent des aliments naturels, sains et sans produits chimiques, a déclaré l’Autorité israélienne de l’innovation dans un rapport sur le potentiel de l’industrie des technologies alimentaires. Ils exigent également la transparence sur les ingrédients et la responsabilité sociale, ce qui entraîne une responsabilisation accrue et une demande pour des aliments de meilleure qualité. En outre, la prise de conscience accrue dans les pays développés des dommages causés par l’agriculture est un catalyseur pour la recherche de sources alternatives de protéines.
Les entreprises comme Strauss doivent adapter leurs produits à l’évolution des besoins des consommateurs, qui recherchent souvent des produits sans gluten ou sans lactose.
« La nourriture se personnalise », dit Bardea. « L’industrie doit s’adapter à cette tendance, à la demande de produits plus personnels et plus diversifiés. C’est un énorme défi pour l’industrie. »
Pour relever le défi, les entreprises et les gouvernements se tournent vers la technologie, utilisant les innovations numériques et les gigantesques bases de données pour diverses fonctions, notamment la surveillance des processus alimentaires, la prévention des déchets et la recherche de sources de protéines alternatives aux viandes et volailles. L’industrie alimentaire, qui connaît actuellement une révolution technologique, est considérée comme l’une des industries les plus importantes au monde, avec une valeur monétaire de quelque 8 700 milliards de dollars en 2018, selon Plunkett Research.
En Israël, déjà connu pour ses prouesses technologiques et ses innovations dans le domaine de l’agriculture, le secteur de la FoodTech (technologie alimentaire) s’est développé au cours des dernières années.
Selon les données compilées par Start-Up Nation Central [SNC], 350 entreprises technologiques opèrent dans le secteur des technologies agroalimentaires, dont plus du tiers ont été fondées au cours des cinq dernières années. Au cours des 3,5 dernières années, de 2016 à mi-2019, 124 start-ups ont été créées, soit plus que le nombre total des six années précédentes.
Le rythme de création de nouvelles entreprises s’est fortement accéléré ces dernières années avec une moyenne annuelle de 37 nouvelles startups depuis 2014, selon SNC.
Israël a une « présence significative », selon le rapport SNC, dans le domaine de la viande de culture, des alternatives sucrières, des nouvelles sources de protéines, de la nutrition et des produits alimentaires sur mesure, du contrôle et de la sécurité alimentaire tout au long de la production et dans la chaîne logistique et de la numérisation des processus, notamment des applications, de la ferme à la table, tous domaines confondus.

La présence croissante d’Israël dans les technologies alimentaires et agricoles a été stimulée par les incubateurs de nouvelles technologies. Il y a cinq ans, le groupe Strauss a remporté un appel d’offres pour la création du premier incubateur alimentaire du pays, une coentreprise avec l’Autorité pour l’innovation, afin d’aider les entrepreneurs à développer leurs idées. À ce jour, l’incubateur, appelé The Kitchen Hub, a investi dans 13 startups, qui reçoivent 2,5 à 3 millions de shekels (625 000 à 750 000 euros) des deux organismes.
« Lorsque nous avons commencé, les startups que nous avons vues concernaient principalement l’innovation alimentaire », a déclaré Amir Zaidman, le responsable de The Kitchen Hub, dans une interview en marge de FoodTechIL, faisant référence au moment où les entreprises mélangeaient divers ingrédients alimentaires et créaient de nouveaux produits. Aujourd’hui, dit-il, le centre voit de plus en plus d’entreprises opérer dans la chaîne d’approvisionnement alimentaire – créant des systèmes pour surveiller la sécurité alimentaire ou des robots pour manipuler les emballages.
« C’est fascinant », dit-il. « Nous sommes en train d’incuber sur plusieurs lignes différentes. » Il peut s’agir de startups de substitution de viande qui créent des protéines végétales ou de la viande à partir de cellules, ou de startups de nutrition personnalisée.
De nombreuses startups de Kitchen Hub ont exposé leurs produits lors de l’événement FoodTechIL, sponsorisé par le groupe Strauss. Aleph Farms, par exemple, met au point de la viande à base de cellules, tandis qu’Amai Proteins a mis au point des protéines sucrées à partir de celles que l’on trouve dans les plantes qui poussent le long de la ceinture équatoriale.

Better Juice a mis au point une façon de séparer tous les types de sucres des jus de fruits en transformant les sucres en composés non digestibles, comme les fibres alimentaires, sans affecter le goût et l’odeur du produit.
L’entreprise utilise une activité enzymatique naturelle d’un micro-organisme non génétiquement modifié, a déclaré le PDG Eran Blachinsky. L’entreprise, fondée en 2017, a récemment signé une joint-venture de développement avec la société brésilienne Citrosuco, un producteur de jus d’orange.
L’auteur de ces lignes a goûté le jus d’orange de la startup et l’a trouvé délicieux.

De même, lorsque Zero Egg a proposé des dégustations de petits pains, muffins et pâtisseries salées à base de son succédané d’œuf végétal, je n’ai rien pu discerner d’étrange dans son goût. Le produit est à base de protéines extraites de plantes et de légumineuses, comme les pois ou le soja, et transformées en poudre. Avant utilisation, la poudre est rendue liquide par l’ajout d’eau et peut être utilisée comme substitut d’œuf dans toutes les recettes, y compris les omelettes, les pâtisseries, la mayonnaise et les sauces. Le produit a une valeur nutritive élevée et ne contient pas de cholestérol, affirme l’entreprise basée à Ashdod.
« C’est une bonne nouvelle pour les personnes végétaliennes ou souffrant d’allergies alimentaires », a déclaré Liron Nimrodi, PDG et co-fondatrice de Zero Egg, qui a été créé l’année dernière. L’objectif de l’entreprise est d’aider les fabricants à créer des produits sans « œuf à l’intérieur », dit-elle, et de toucher les consommateurs finaux dans les magasins.
Lors de l’événement, Rilbite, un fabricant de viande hachée à base de plantes, a cuisiné pour la dégustation des boulettes de viande dans un ragoût de sauce tomate.
DLR – Deep Learning Robotics – a présenté un bras robotique qui utilise l’intelligence artificielle et la vision par ordinateur pour apprendre à reproduire n’importe quelle tâche, simplement en observant comment les humains les exécutent. Le robot « watch and learn » en est au stade pilote et est utilisé par PepsiCo et Strauss dans leurs usines d’emballage, a déclaré son PDG Carlos Benaim.
Le robot peut apprendre à placer les biscuits dans un ordre spécifique pendant l’emballage, à trier les bonnes pommes de terre des mauvaises ou à emballer les mangues. « Dans un an et demi, nous envisageons d’étendre et de vendre notre produit dans le monde entier », a déclaré Benaim.

La plupart des produits développés par des startups sont encore en cours de développement, mais certains en sont encore au stade pilote auprès de consommateurs potentiels.
Un autre incubateur soutenu par l’Autorité de l’innovation est l’incubateur Trendlines Agtech, qui soutient les startups dans le domaine de l’agritech. Le hub agit principalement pour diversifier et développer des sources alimentaires alternatives pour l’industrie alimentaire.
Un troisième incubateur, appelé Fresh Start, a été officiellement lancé au début du mois. Le consortium, composé du fonds de capital-risque OurCrowd, du plus grand fabricant alimentaire israélien Tnuva, de Tempo Beverages et du fonds de capital-risque américain Finistere Ventures, a obtenu une licence de huit ans de l’Autorité de l’Innovation lui donnant le pouvoir de gérer cet incubateur, appelé Sparks, dans la ville du nord, Kiryat Shmona.
L’incubateur se concentrera sur l’avancement des technologies alimentaires tout au long de la chaîne de l’industrie des aliments et des boissons, en particulier dans les domaines du lait et des substituts protéiques, de l’amélioration de la valeur nutritive et de la nutrition personnalisée, des matières premières innovantes, des emballages alimentaires intelligents, du cannabis et de l’industrie 4.0, notamment l’Internet des objets, l’intelligence artificielle et les bases de données, a déclaré le consortium.
La nouvelle pépinière d’entreprises va « investir plus de cent millions de dollars dans le développement de solutions tout au long de la chaîne d’approvisionnement des aliments et des boissons », a déclaré Jon Medved, PDG d’OurCrowd, dans un sms. « Je pense que la technologie alimentaire va devenir l’un des domaines d’innovation les plus actifs. Ça doit l’être, car l’approvisionnement alimentaire mondial et la santé de tous en dépendent. »