Washington accuse Moscou d’exploiter la refonte judiciaire en Israël pour influencer l’élection
Le ministère de la Justice américaine révèle un complot de désinformation pour manipuler l'opinion et de "dissocier Israël de l'agenda occidental anti-russe général"
Le département de la Justice des États-Unis a allégué mercredi qu’une campagne de désinformation russe visant à exacerber les tensions parmi les Israéliens et les Juifs aux États-Unis, avec un accent sur le plan controversé du Premier ministre Benjamin Netanyahu de refonte judiciaire du gouvernement, afin d’influencer les électeurs lors de l’élection présidentielle américaine de 2024 et de manipuler l’opinion publique sur la guerre en Ukraine.
Dans une déclaration sous serment de 277 pages rendue publique par le département de la Justice, les procureurs ont dévoilé une vaste opération russe, baptisée « Doppelganger », visant à « propager clandestinement la propagande du gouvernement russe » à travers de faux profils sur les réseaux sociaux, des influenceurs fabriqués, l’intelligence artificielle (IA) et le cybersquatting, afin d’influencer l’opinion publique.
Une partie de cette campagne de désinformation, a révélé le département, consistait à « cibler les communautés juives à travers le monde, et principalement celles d’Israël et des États-Unis ». La société russe Social Design Agency (SDA) a élaboré des lignes directrices détaillées sur la manière d’usurper l’identité d’Israéliens en ligne et de partager de faux articles qui font la promotion d’un récit russe, selon la déclaration sous serment.
Ces inculpations s’inscrivent dans le cadre d’une vaste campagne de répression dévoilée mercredi par l’administration Biden. Elles font suite à la saisie de sites web contrôlés par le Kremlin et à l’inculpation de deux employés de médias d’État russes, dans le cadre des efforts les plus importants déployés à ce jour pour contrer ce que les États-Unis décrivent comme des tentatives de désinformation russes à l’approche de l’élection présidentielle de novembre.
Ces mesures, qui incluent des inculpations, des sanctions et des restrictions de visas, reflètent les efforts du gouvernement américain pour contrer une menace persistante de la Russie, à l’approche de l’élection de novembre. Les autorités américaines mettent en garde depuis longtemps contre le danger que la Russie sème la discorde et la confusion parmi les électeurs.
La déclaration sous serment concernant le SDA révèle que l’organisation disposait d’un plan détaillé visant à manipuler les opinions des personnes investies en Israël afin de « dissocier Israël de l’agenda anti-russe généralisé de l’Occident et de créer une opinion publique durable qui jugerait inacceptables le néo-nazisme, la dictature en Ukraine, ainsi que l’aide aux néo-nazis et, donc, l’escalade du conflit par l’Occident et le soutien à l’émigration politique anti-russe ».
Le plan de la SDA note que les conditions semblaient propices à une telle campagne en Israël en raison des importantes fractures au sein de la société sur la refonte judiciaire poussée par le gouvernement Netanyahu pendant une grande partie de l’année 2023. Le projet note que « des dizaines de milliers » de personnes manifestent à travers le pays contre la réforme, et que certains ont menacé de ‘guerre civile ouverte’, une situation jugée idéale pour l’exploitation.
L’ébauche du projet élaboré par la SDA indique qu’il est « évident que nous devons soutenir le gouvernement israélien légitime contre les gauchistes soutenus par le Parti démocrate aux États-Unis. Tout comme il est évident que la population juive des États-Unis est aussi divisée sur les questions de l’Ukraine et d’Israël que le public israélien lui-même. »
Par conséquent, ajoute le rapport, « influencer sur l’opinion publique en Israël aura un impact sur l’opinion publique des électeurs juifs aux États-Unis avant les élections présidentielles de 2024. »
La campagne consistait à créer du contenu en ligne en hébreu, en anglais et en russe sur diverses plateformes de réseaux sociaux, à partager des publications et des vidéos, et à commenter d’autres contenus sur les réseaux sociaux en se faisant passer pour des Israéliens et des Juifs.
Les grandes lignes du projet incluses dans la déclaration sous serment indiquent que la campagne devait adopter une idéologie de « sionisme religieux modéré des Juifs soviétiques (qui correspond approximativement aux plateformes idéologiques des partis Likud et HaTzionout HaDatit qui font partie de la coalition gouvernementale). »
L’un des principaux axes de leurs efforts en ligne, selon la déclaration, devait être de « rappeler » aux gens la mémoire de la Shoah et de faire le lien entre l’actuel gouvernement ukrainien à des groupes de l’époque de la Seconde Guerre mondiale qui ont participé aux massacres de Juifs, une approche que le président russe Vladimir Poutine a adoptée à plusieurs reprises depuis son invasion de l’Ukraine.
Pour Washington, Moscou, qui selon les responsables du renseignement affiche son penchant pour le républicain Donald Trump, reste la principale menace pour l’élection. Même si le FBI continue d’enquêter sur les piratages informatiques commis par l’Iran cette année et qui ont ciblé les campagnes présidentielles des deux partis politiques.
En dévoilant les chefs d’inculpation mercredi, les autorités ont annoncé la saisie de 32 domaines Internet utilisés par le Kremlin pour diffuser de la propagande russe et affaiblir le soutien international à l’Ukraine. Les sites web ont été conçus pour ressembler à des sites d’information authentiques, mais étaient en réalité faux, avec de faux profils sur les réseaux sociaux fabriqués pour sembler appartenir à des utilisateurs américains – ou à ceux d’autres pays ciblés.
Des agences de renseignement ont déjà accusé la Russie par le passé. Celle-ci avait lancé une grande campagne de lobbying et d’ingérence étrangère en faveur de Trump lors de l’élection de 2016, et a eu recours à la désinformation pour tenter d’interférer dans l’élection de cette année. Les nouvelles mesures montrent l’étendue de ces préoccupations.
« L’annonce d’aujourd’hui souligne à quel point certains gouvernements étrangers sont prêts à aller loin pour saper les institutions démocratiques américaines », a déclaré le département d’État. « Mais ces gouvernements étrangers doivent également savoir que nous ne tolérerons pas que des acteurs étrangers malveillants interfèrent intentionnellement avec des élections libres et équitables et les compromettent.