Levin : La loi initiale sur les juges représentait un danger pour la démocratie
Le ministre de la Justice a reconnu que les préoccupations concernant le contrôle total de la coalition dans la sélection des juges étaient "légitimes"
Le ministre de la Justice, Yariv Levin, l’un des principaux instigateurs de la réforme du système judiciaire du gouvernement, a admis qu’un élément clé de sa législation aurait conduit à une situation inacceptable dans un pays démocratique – une situation dans laquelle la coalition aurait exercé de fait un contrôle sur les trois branches du gouvernement.
Dans une interview accordée à la Quatorzième chaîne il y a deux semaines et diffusée en ligne lundi, Levin a déclaré que si de nombreux arguments contre ses propositions étaient sans fondement, il acceptait toutefois une accusation portée par les critiques contre le projet de loi initial sur les nominations judiciaires, qui aurait donné à la coalition une majorité automatique au sein de la commission de sélection des juges : un tel changement « aurait conduit à une situation dans laquelle les trois branches du gouvernement n’auraient plus formé plus qu’une seule branche ».
« Cette affirmation, selon laquelle une certaine confusion des pouvoirs pourrait, en fin de compte, entraîner une crise constitutionnelle, ne peut être ignorée – cela ne peut pas se produire dans un pays démocratique », a déclaré Levin.
Le Premier ministre Benjamin Netanyahu a interrompu le processus législatif la semaine dernière afin de permettre des discussions dans le but de trouver un compromis, quelques heures avant que le projet de loi sur la sélection des juges ne soit définitivement adopté.
L’extrait de l’interview de Levin a été repris lundi par le quotidien Haaretz et le journaliste d’Ynet Attila Somfalvi, qui ont accusé le ministre de la Justice d’avoir ouvertement admis que sa législation était anti-démocratique.
Toutefois, Levin a également affirmé dans l’interview que le gouvernement avait répondu aux craintes en assouplissant la proposition. Le projet de loi initial avait été adopté en première lecture ; la législation ostensiblement édulcorée, qui attend maintenant sa deuxième et sa troisième (dernière) lecture à la Knesset, donne à la coalition un contrôle total sur les deux premiers juges de la Cour suprême nommés au cours de chaque mandat de la Knesset, et un contrôle presque total sur les nominations des autres juges.
« Je pense qu’il fallait que les craintes soient entendues et ce que nous avons fait, c’est que nous sommes venus dire : ‘Messieurs, nous répondons à cette préoccupation légitime' », a déclaré Levin, notant que le nouveau projet de loi permet à une coalition de nommer deux juges par mandat, tandis qu’un troisième et un quatrième nécessiteraient un accord plus large de la part de l’opposition et des représentants judiciaires siégeant au sein de la commission.
Le nombre moyen de juges de la Cour suprême nommés au cours d’un mandat de la Knesset est de 2,6, ce qui signifie qu’une coalition peut encore déterminer de manière significative le caractère de la Cour. En outre, la législation originale et actuelle permet à la coalition de nommer le président de la Cour suprême, ce qui lui donne un autre vote potentiel au sein de la commission de sélection et un contrôle possible des juges de la Cour suprême.
Levin a refusé de faire une pause dans la législation et s’est catégoriquement opposé aux efforts visant à l’assouplir, menaçant de quitter la coalition si Netanyahu le faisait. Défendant la législation initiale à la fin du mois de février, Levin avait déclaré qu’elle permettrait la création d’une « Cour beaucoup plus diversifiée ».
Dans l’interview accordée à la Quatorzième chaîne, Levin a affirmé que la Knesset n’avait pas besoin d’entériner tous ses souhaits.
« Je n’hésite pas à me lever et à jeter un coup d’œil [aux projets de loi], et à dire, OK, sur ce sujet… il y a du vrai dans ce qui est dit [par les critiques], et il est donc juste de le corriger », a-t-il déclaré. Il a toutefois insisté sur le fait que la réforme était « bonne pour tous les citoyens d’Israël ».
« Elle créera une Cour suprême qui donnera à chacun une voix et une place, avec des juges de toutes les couleurs de l’arc-en-ciel », a-t-il indiqué.
Le député d’extrême-droite Simcha Rothman (HaTzionout HaDatit), l’un des principaux parlementaires à l’origine de la réforme, a reproché au journaliste Somfalvi d’avoir ostensiblement déformé les propos de Levin, notant que le ministre de la Justice avait déclaré que le gouvernement avait répondu aux craintes en assouplissant le projet de loi.
« Que dit le ministre de la Justice ? Il y avait une brèche dans la proposition, qui permettait sous certaines conditions la prise de contrôle de la Cour suprême par une future coalition », a écrit Rothman sur Twitter.
« Et comme ce n’était pas le but recherché, nous avons comblé cette brèche nous-mêmes, en réponse aux critiques », a-t-il ajouté.
Depuis 13 semaines, des manifestants descendent dans les rues de tout le pays pour protester contre ces projets et ils ont à maintes reprises bloqué l’autoroute Ayalon à Tel Aviv. Des officiers de la garde montée ont été déployés et des canons à eau utilisés pour dégager les manifestants, et pour la première fois samedi, les forces de l’ordre ont utilisé un canon à son – une arme non létale – un haut-parleur qui émet un son angoissant à haute fréquence.
La législation sur la refonte du système judiciaire vise à affaiblir la capacité de la Cour à contrôler le Parlement et à donner au gouvernement un contrôle presque absolu sur la nomination des juges.
Les opposants affirment que ce projet politisera la Cour, supprimera des contrôles essentiels du pouvoir gouvernemental et portera gravement atteinte au caractère démocratique d’Israël. Les partisans assurent qu’il permettra de contrôler un système judiciaire qui, selon eux, a dépassé ses limites.
La procureure générale a prévenu que le paquet de réformes en l’état donnerait au gouvernement un pouvoir pratiquement illimité, sans fournir aucune protection institutionnelle pour les droits individuels.