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Levin sommé d’expliquer pourquoi il ne pourvoit pas les postes de juges vacants

Le ministre refuse de nommer de nouveaux juges à la Cour suprême ou un nouveau président depuis plus de sept mois, en raison de "considérations extérieures", selon la requête

Jeremy Sharon est le correspondant du Times of Israel chargé des affaires juridiques et des implantations.

Le ministre de la Justice Yariv Levin arrivant à une réunion de faction du Likud, à la Knesset, à Jérusalem, le 5 février 2024. (Crédit : Yonatan Sindel/Flash90)
Le ministre de la Justice Yariv Levin arrivant à une réunion de faction du Likud, à la Knesset, à Jérusalem, le 5 février 2024. (Crédit : Yonatan Sindel/Flash90)

La Haute Cour de Justice a émis une ordonnance provisoire à l’encontre du ministre de la Justice Yariv Levin jeudi, lui ordonnant d’expliquer son refus de soumettre au vote les nominations de deux nouveaux juges de la Cour suprême et d’un président de la Cour suprême au sein de la commission de sélection des juges.

Cette ordonnance signifie que l’État, et dans ce cas Levin, doit convaincre la Cour de ne pas pas accepter les requêtes demandant qu’elle lui ordonne de permettre un vote au sein de la commission sur les postes à pourvoir au sein de la Cour.

Par ailleurs, la Cour suprême a déclaré qu’elle émettait cette l’ordonnance provisoire, transférant ainsi la charge de la preuve du requérant au défendeur, uniquement « pour des raisons d’efficacité dans le traitement de la requête » et sans exprimer « aucune position sur l’essence de la question ».

Levin a jusqu’au 23 juin pour répondre, et une audience a été fixée pour la requête le 2 juillet.

L’ancienne présidente de la Cour, Esther Hayut, a pris sa retraite en octobre de l’année dernière, tout comme le juge Anat Baron. Levin refuse depuis de discuter des candidats aux postes vacants ou de soumettre les nouvelles nominations à un vote, tout en refusant d’autoriser l’élection d’un nouveau président.

Levin a initialement refusé de convoquer la commission de sélection des juges après sa prise de fonction. La coalition étant minoritaire au sein de la commission, il a déclaré vouloir modifier la composition de la commission par le biais d’une législation qui donnerait au gouvernement le contrôle de la commission, avant de procéder aux nominations.

Le vice-président de la Cour suprême, Uzi Vogelman, arrive à une audience de la Cour suprême, le 27 mars 2024. (Crédit : Yonatan Sindel/Flash90)

Un projet de loi à cet effet est devenu un élément clé du plan controversé de refonte du système judiciaire du gouvernement qui vise à réduire le pouvoir du pouvoir judiciaire. Ce projet a toutefois été suspendu suite aux pressions politiques et publiques considérables.

Des requêtes adressées à la Haute Cour pour protester contre le refus de Levin de convoquer la commission l’ont contraint à faire marche arrière, et de nombreuses nominations à des tribunaux inférieurs ont été effectuées ces derniers mois en conséquence. Cependant, le ministre de la Justice a refusé d’envisager des nominations à la Cour suprême.

Jeudi dernier, il a indiqué aux membres de la commission que les candidats « sans accord » ne seraient pas pris en considération, se donnant ainsi un droit de veto sur toutes les nominations à la Cour suprême.

En février, le Mouvement pour un gouvernement de qualité en Israël a déposé une requête auprès de la Haute Cour pour lui demander d’ordonner à Levin d’organiser un vote sur ces nominations.

La requête souligne que ce refus enfreint son obligation constitutionnelle de pourvoir les postes vacants et qu’il est motivé par des « considérations inappropriées et politiques visant à nuire à l’indépendance du pouvoir judiciaire et au système israélien de contrôle et d’équilibre des pouvoirs ».

La motion souligne le programme législatif antérieur de Levin qui visait à affirmer le contrôle du gouvernement sur le pouvoir judiciaire et affirme qu’il persiste dans cette voie et que c’est ce qui motive son refus de nommer de nouveaux juges à la Cour Suprême.

Le gouvernement et la coalition ne disposent que de trois voix garanties au sein de la commission de sélection des juges, dont celle de Levin, qui préside la commission et peut décider d’organiser ou non des votes sur les candidats à la magistrature.

Les nominations à la Cour suprême nécessitent sept votes sur neuf au sein du panel. La nomination d’un président nécessite probablement une simple majorité, bien que cela n’ait jamais été défini par la loi, puisque le système de l’ancienneté a été utilisé jusqu’à présent.

La commission de sélection des juges se réunissant pour la première fois depuis plus de 18 mois, à Jérusalem, le 16 novembre 2023. (Crédit : GPO)

« Le maintien de la décision [de Levin] de poursuivre le plan de coup d’État qu’il a conçu et de ne pas convoquer la commission pour élire le président et les juges de la Cour suprême est motivé par des considérations extérieures et un manque de bonne foi », peut-on lire dans la requête.

« Comme chacun sait, lorsqu’un parti s’est vu confier l’autorité administrative de nommer un fonctionnaire, cette autorité doit être exercée fidèlement, raisonnablement, d’une manière qui serve les intérêts publics, objectivement, sans considérations extérieures, et équitablement, tout en protégeant la dignité et les droits du fonctionnaire », lit-on encore dans la requête.

« Le ministre de la Justice semble déterminé à poursuivre sa mainmise politique sur le pouvoir judiciaire et continue d’agir sans tenir compte des autres, avec mauvaise foi et sur la base de considérations extérieures, dans le but de saper la confiance du public dans le pouvoir judiciaire », a affirmé l’avocat Hiddai Neguev, chef du département politique et législatif du Mouvement pour un gouvernement de qualité.

Il est apparu lors d’une réunion de la commission de sélection des juges jeudi que Levin avait proposé de nommer le juge de la Cour suprême Yosef Elron au poste de président de la Cour, bien que ce dernier n’ait pas le plus d’ancienneté à la Cour,.

Depuis le départ à la retraite d’Esther Hayut en octobre dernier, le poste de président est vacant et c’est le juge Uzi Vogelman qui en assure l’intérim depuis cette date, une situation sans précédent dans l’histoire de la Cour.

Le poste de président est traditionnellement attribué au juge ayant le plus d’ancienneté au sein de la Cour, ce qui signifie que le juge ayant le plus grand nombre d’années à la Cour est automatiquement nommé à la tête de la Cour, mais Levin a décidé de revoir ce système et souhaite nommer un conservateur afin d’orienter la Cour dans une direction plus conservatrice.

Les juges de la Cour suprême Yosef Elron et Isaac Amit lors de l’examen d’un recours contre le limogeage du directeur de la société postale israélienne, Mishael Vaknin, le 7 septembre 2023. (Crédit : Yonatan Sindel/Flash90)

Selon des sources proches de la commission, la députée de Yesh Atid, Karine Elharrar, représentante de l’opposition au sein de la commission, a soulevé la question lors de l’audience aujourd’hui, soulignant que Vogelman lui-même devait prendre sa retraite en octobre.

La ministre des Implantations et des Missions nationales, Orit Strouk, se serait emportée contre Elharrar, accusant la Cour suprême d’outrepasser les limites de son autorité, tandis que Levin a critiqué la Cour pour son ingérence dans la législation de la Knesset.

Levin a ensuite déclaré qu’il ne soumettrait pas la sélection d’un président à un vote « sans accord », c’est-à-dire sans l’accord unanime des neuf membres de la commission.

Il a proposé qu’Elron, un conservateur convaincu, occupe le poste de président pendant un an, jusqu’à ce qu’il atteigne lui aussi l’âge de la retraite, mais n’a pas précisé comment il envisageait la suite.

Elron s’est porté candidat au poste de président au mois d’août de l’année dernière, une démarche sans précédent pour un juge de la Cour suprême qui défie la tradition de l’ancienneté.

Étant donné qu’au moins cinq des six membres de la commission qui ne représentent ni le gouvernement ni la coalition sont opposés à l’abolition du système d’ancienneté et que la nomination d’un président requiert une majorité au sein de la commission, la discussion est restée ouverte.

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