Marche d’Auschwitz, les participants inquiets pour les otages et de l’antisémitisme
Le jour de Yom HaShoah, la Marche des vivants a été le théâtre d'une action politique sans précédent avec des appels à la libération des otages et à la fin des provocations anti-israéliennes
OŚWIĘCIM, Pologne – Lundi, comme chaque année, le shofar a retenti à Auschwitz au début de la marche commémorative de milliers de Juifs vers Birkenau, partie de l’ancien camp de la mort nazi, à 2 kilomètres de là.
Mais à la place du silence solennel qui prévaut habituellement lors de cette Marche des Vivants en direction du camp situé non loin de Cracovie, le shofar a fait éclater des chants de la part de dizaines d’étudiants venus du Canada.
« Ramenez-les chez eux », scandaient les membres de la délégation canadienne, entre les Belges et les Panaméens, alors que commençait la marche. Avec en main des photos des otages des terroristes à Gaza, leurs chants se sont répandus dans tout le cortège, suscitant un tonnerre d’applaudissements.
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Cette forte focalisation sur les conséquences du 7 octobre, le jour-même de la commémoration de la Shoah en Israël, n’a pas cessé de s’affirmer au cours de la Marche.
C’est le reflet, à la fois, de la prééminence d’Israël dans la commémoration de la Shoah et de la sorte de filiation avec le génocide nazi dans laquelle s’inscrit le traumatisme ressenti par de nombreux Juifs le 7 octobre dernier.
La Marche internationale des Vivants, l’ONG à l’origine de la marche d’Auschwitz pour les organisations de jeunesse juives, a clairement fait référence aux événements du 7 octobre, lorsque 3 000 terroristes dirigés par le Hamas ont assassiné près de 1 200 personnes en Israël et fait 252 otages.
La Marche des Vivants de cette année, à laquelle ont participé quelque 8 000 personnes, « revêt une signification particulière, en un moment où les atrocités passées se mêlent au cauchemar actuel auquel est confronté […] Israël », a déclaré par voie de communiqué Phyllis Greenberg Heideman, présidente de la Marche internationale des Vivants.
Le 7 octobre a donné le la à la majeure partie de la Marche et donné lieu à la principale controverse – une petite manifestation anti-Israël organisée par neuf militants le long du parcours.
Lors de la cérémonie de clôture de la Marche, six Israéliens rescapés de la Shoah et directement affectés par l’attaque du 7 octobre, ont allumé l’une des sept torches commémoratives.
D’ordinaire, on ne compte que six torches – une par million de Juifs assassinés lors de la Shoah – mais les organisateurs en ont ajouté une septième en mémoire de l’attaque du 7 octobre et de ses victimes.
Daniel Luz, rescapé de la Shoah et du 7 octobre né en France, a pris la parole devant les marcheurs, pour se confier sur sa « peur, plus grande encore que pendant la Shoah » lorsque les terroristes du Hamas ont assassiné des gens et brûlé des maisons dans sa communauté du kibboutz Beeri. Il a expliqué que les autres rescapés et lui allumaient un flambeau en hommage aux victimes de la Shoah et du 7 octobre. Sa voix s’est brisée sous le coup de l’émotion.
Ont eux aussi allumé des torches le rabbin Yisrael Meir Lau, ex-grand rabbin d’Israël et rescapé de la Shoah en Pologne, Marc Schneier, artisan du dialogue judéo-musulman très actif aux États-Unis ou encore Doron Almog, président de l’Agence juive pour Israël.
Des proches d’otages et d’ex-otages de Gaza ont également pris part à la marche, à l’instar de Thomas Hand, dont la fille Emily a été kidnappée puis libérée dans le cadre d’un accord, en novembre dernier.
Le long du chemin, pour la première fois depuis qu’existe la Marche des Vivants, une poignée de manifestants armés de drapeaux palestiniens et d’une sono avaient organisé un rassemblement anti-Israël. Depuis un parking en surplomb de l’itinéraire de la Marche, ils ont accusé Israël de perpétrer « lui aussi un génocide ». Le visage ou le cou enroulé dans des keffiehs, les manifestants ont crié aux marcheurs, dont la plupart n’étaient pas israéliens : « N’avez-vous pas honte de ce que fait votre gouvernement ? »
La principale organisatrice de la protestation, Alena Palichleb, qui s’est présentée comme la fille d’un Palestinien et d’une Polonaise, a fait la leçon aux manifestants sur la façon de se comporter à Auschwitz.
« Que soutenez-vous ? Pourquoi agitez-vous des drapeaux ici ? C’est un cimetière, l’épicentre d’un génocide, ayez un minimum de respect ! Vos mères vous regardent ! », pouvait-on l’entendre crier.
Elle a dit au Times of Israël : « Vous devriez voir le bazar et les saletés que les touristes israéliens laissent ici. »
Les marcheurs, qui chantent habituellement des chansons en hébreu sur la renaissance lors de cette Marche qui rend hommage à la survie du peuple juif, ont réagi par des huées mais aussi en entonnant avec vigueur l’hymne national israélien. « La Palestine n’existe pas », a crié un marcheur, jusqu’à ce qu’un autre lui conseille de se taire et de ne pas « donner dans la provocation ».
Des policiers polonais se sont massés autour des manifestants anti-Israël. Un officier de police a expliqué au Times of Israël que la manifestation avait été autorisée par les autorités.
Le père d’Alena a assuré à l’auteur de cet article : « Nous reviendrons en Palestine », ajoutant même « Le 7 octobre est le début de la reconquête, de la libération de notre pays, la Palestine » ou encore « Nous n’avons rien contre les Juifs. »
Les Palestiniens, a-t-il estimé, « n’accepteront jamais un État juif, pas plus qu’un État islamiste, juste un État démocratique ».
L’homme a par ailleurs laissé entendre que les terroristes du Hamas traitaient les otages avec gentillesse et que les atrocités avaient été inventées de toutes pièces par les médias grand public.
Bella Haim, rescapée de la Shoah qui a pris part à la Marche et dont le petit-fils Yotam, enlevé à Gaza par le Hamas et accidentellement tué par l’armée israélienne, a qualifié cette manifestation de « choquante ». C’est « une preuve de ce dont nous entendons parler, de cet antisémitisme qui se déchaine sur les campus des pays occidentaux », a-t-elle déclaré.
Dans un communiqué, la Marche internationale des Vivants a écrit : « La poignée de manifestants qui ont vu dans la Marche une occasion malsaine de dire toute leur haine d’Israël et du peuple juif rappellent plus que jamais l’importance de l’éducation et d’entretenir la mémoire de la Shoah. »
L’un des musulmans ayant pris part à la Marche, Youssef Elzahari, a lui aussi condamné cette manifestation.
« Ils ont tenté, sans y parvenir, de s’immiscer dans un hommage aux six millions de morts [de la Shoah]. Je ne suis pas sûr de comprendre ce qu’ils voulaient faire », a déclaré Elzahari, 30 ans, originaire de Marrakech, au Maroc et membre d’une délégation de l’ONG Sharaka, qui oeuvre en faveur des liens entre Israël et les pays à majorité arabe et musulmane.
On comptait également la présence de membres d’Atidnah, qui promeut la bonne entente et la compréhension entre Arabes et Juifs en Israël. Ils portaient des vêtements revêtus du logo de leur organisation et du drapeau israélien.
Les nombreux étudiants présents lors de la Marche ont déclaré que l’antisémitisme et la violente campagne anti-Israël sur les campus, qui se sont répandus comme une trainée de poudre suite au 7 octobre, ne faisaient que renforcer leur volonté de s’unir et de réagir, à commencer par leur participation à cette marche.
« C’est la même dynamique qui est à l’œuvre : les otages ont été enlevés pour la même raison que les gens ont été assassinés ici : parce qu’ils étaient juifs », a déclaré au Times of Israel une étudiante canadienne, Evelyn Gorodetzky.
Elle a évoqué une situation « effroyable » sur les campus, lorsqu’on l’a interrogée sur l’antisémitisme ambiant. « Mais nous nous faisons entendre et nous nous battons », a-t-elle ajouté.
Benjamin Signer, lycéen de 18 ans scolarisé dans une école juive de Los Angeles, devait se rendre en Israël après la Pologne, avec d’autres participants à la Marche. Mais cette étape a été annulée suite au 7 octobre, a-t-il expliqué. « Je suis déçu, mais cela ne fait que renforcer la portée de tout ceci, qui plus que jamais porte sur l’unité du peuple juif », a-t-il déclaré à propos de la Marche, ajoutant que cette unité « est d’autant plus importante que les Juifs se sentent seuls en ce moment. Cela donne de la force pour continuer à vivre. »
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