Netanyahu: Le Shin Bet aidera à lutter contre la criminalité arabe liée aux élections
Le chef de l’agence de sécurité intérieure, qui a identifié 15 à 20 Conseils régionaux arabes qui ont déjà été menacés, a souligné qu'il n'interviendrait qu'au cas par cas
Un groupe ministériel, créé pour endiguer la vague lancinante de crimes violents qui frappe la communauté arabe israélienne, a chargé l’agence de sécurité intérieure du Shin Bet d’aider la police lors d’opérations spécifiques dans la communauté arabe, a déclaré le Bureau du Premier ministre Benjamin Netanyahu après que le forum s’est réuni mercredi.
Le Shin Bet, qui s’occupe habituellement des questions de sécurité nationale, sera amenée à intervenir « contre les organisations criminelles dans toutes les questions liées aux élections municipales », indique le communiqué du Bureau du Premier ministre, soulignant qu’elle agira conformément à sa « mission et à son rôle dans le cadre de la loi ».
Le Shin Bet a identifié 15 à 20 Conseils régionaux arabes où les candidats, les électeurs ou les fonctionnaires sont menacés par des familles criminelles, a rapporté la chaîne publique israélienne Kan.
La vague de crimes meurtriers dans les communautés arabes continue de battre les records établis au cours des dernières années.
L’une des victimes d’un quadruple homicide survenu mardi soir dans la ville d’Abu Snan, dans le nord du pays, était un candidat à la mairie. Cette fusillade a eu lieu un jour après l’assassinat du directeur-général de la mairie de Tira. Depuis le début de l’année, 159 membres de la communauté arabe ont été tués par des actes de violence, attribués pour la plupart par la police à des guerres de gangs. Ce chiffre est plus de deux fois supérieur à celui de la même période en 2022.
Netanyahu et le ministre d’extrême-droite de la Sécurité nationale, Itamar Ben Gvir, ont appelé le Shin Bet à s’impliquer dans la lutte contre la criminalité meurtrière, qui ne fait pas explicitement partie des attributions de l’agence, bien qu’elle soit chargée, en vertu d’une loi de 2002, « de maintenir la sécurité de l’État et de maintenir l’ordre du régime démocratique et de ses institutions contre diverses menaces ».
Les menaces contre les candidats aux élections municipales pourraient toutefois relever de cette définition.
Ben Gvir, qui est responsable de la police et qui a fait l’objet de critiques croissantes pour sa gestion de la vague de criminalité, demande également l’utilisation de la détention administrative, qui permet de détenir des suspects pendant de longues périodes sans inculpation.
Les autorités judiciaires ont indiqué que l’utilisation de tels outils à l’encontre de citoyens créerait de sérieuses difficultés juridiques.
La réunion de trois heures du sous-comité ministériel sur la lutte contre la criminalité dans la communauté arabe israélienne comprenait Ben Gvir et le directeur du Shin Bet, Ronen Bar.
Lors de cette réunion, Netanyahu se serait heurté au président du comité des autorités arabes, Moder Younes, qui a refusé d’accepter l’affirmation générale selon laquelle la montée de la violence dans sa communauté était due à des groupes criminels organisés.
« Je vous entends parler d’organisations criminelles, il pourrait [en effet] s’agir d’organisations criminelles », a déclaré Younes, selon les informations non sourcées des médias israéliens sur la réunion à huis clos.
Netanyahu aurait alors frappé sur la table et crié en réponse : « Ça pourrait être ? Vous savez [bien] qu’il s’agit d’organisations criminelles. Je ne peux pas traiter [de la question] face à une telle mauvaise foi ».
Le Premier ministre a ensuite adopté un ton plus conciliant, déclarant à Younes : « Je compatis à votre douleur et je vous laisse vous exprimer – mais vous devez m’aider et ne pas nier qu’il s’agit d’organisations criminelles. C’est sur cela que nous allons nous concentrer », a rapporté la Treizième chaîne.
Le chef du Shin Bet, Bar, aurait indiqué que l’agence ne serait impliquée qu’au cas par cas, lorsque cela s’avérerait nécessaire, et non dans chaque affaire qui surviendrait. Bar a déjà exprimé sa réticence à ce que le Shin Bet soit utilisé dans des affaires criminelles plutôt que dans des affaires liées à la sécurité ou au terrorisme.
Des sources du système judiciaire ont exprimé leur opposition à la participation du Shin Bet, a rapporté Ynet, citant un fonctionnaire anonyme. « Le Shin Bet désapprouve son implication dans le suivi et la résolution d’affaires criminelles dans le secteur arabe en tant que routine. Ceci parce qu’il ne veut pas servir de force de police dans le secteur arabe, et aussi par crainte que ses méthodes de travail ne soient exposées. »
« Au lieu de mobiliser le Shin Bet pour aider la police, il faudrait renforcer les capacités et les effectifs professionnels de la police. »
Le chef du parti islamiste Raam, le député Mansour Abbas, a déclaré qu’il lançait un projet de création d’une garde civile arabe pour protéger les communautés.
Il s’agirait d’une « sorte de garde civile ou d’escadrons de sécurité », semblables à ceux qui existent déjà dans les communautés juives, a-t-il déclaré à Kan.
« La police de proximité doit être renforcée par des groupes de volontaires », a déclaré Abbas. « La police les formera, les supervisera et travaillera avec eux. Nous devons prendre nos responsabilités et protéger nos vies. »
Ata Abu Madighem, maire de la ville de Rahat, majoritairement bédouine, a déclaré mercredi qu’il pensait que sa vie était en danger car la police avait cessé de lui fournir un service de protection. En début de semaine, un explosif a été placé dans la cour de sa maison, sans faire de blessés, et la veille, des coups de feu ont été tirés sur les lieux, a rapporté Ynet. Deux suspects ont été arrêtés dans le cadre de cette fusillade qui, selon la police, serait liée à un conflit familial portant sur des terres.
« La police refuse de me protéger jusqu’à ce que des agents de sécurité soient mis en place », a-t-il déclaré à Ynet. « Ils doivent prendre l’affaire au sérieux, car cela pourrait me mettre dans une situation difficile. »
La police a démenti cette affirmation, déclarant dans un communiqué que Madighem bénéficiait du plus haut niveau de protection adapté à sa situation, conformément à la réglementation, selon Ynet. Une source a déclaré au média que le maire n’était pas laissé seul et que « où qu’il aille, des agents de sécurité l’accompagnent ».
Madighem a rencontré plus tôt dans la journée des représentants de la police. Le maire a déclaré qu’il avait essayé d’embaucher des gardes auprès de sociétés de sécurité, mais qu’aucun n’avait accepté de travailler à Rahat.
Selon Ynet, le ministre de l’Intérieur s’apprête à fournir à Madighem des agents de sécurité.
Mercredi également, des milliers de personnes ont participé aux funérailles d’Abdel Rahman Kashua, qui occupait le poste de directeur-général de la municipalité de Tira, au nord de Tel Aviv, et qui a été abattu lundi dans une station-service.
Des personnes en deuil portant des drapeaux noirs se sont rassemblées devant un poste de police en signe de protestation dans le cadre du cortège funèbre.
Le maire de Taibe, Shuaa Masarwa Mansour, a attaqué le gouvernement lors des funérailles, affirmant qu’il était « à l’aise avec le fait que les Arabes s’entretuent », a rapporté la Treizième chaîne.
En avril, l’un des gardes de sécurité de Mansour avait été abattu devant son domicile.
Le chef de Raam, Abbas, a également assisté aux funérailles. « Notre demande est unique : que l’État d’Israël s’acquitte de son devoir de protéger la vie des citoyens arabes. »
Au début du mois, Netanyahu a imputé la responsabilité des violences à des « organisations criminelles hors de contrôle ». Dans un message publié mercredi sur Facebook, Ben Gvir a qualifié les gangs armés arabes « d’organisations terroristes » disposant « d’énormes budgets et de centaines de milliers d’armes, dont des millions de balles, de charges explosives et de lance-grenades ».
Début juin, le Premier ministre avait déclaré qu’il était « déterminé à arrêter cette spirale d’homicides » et qu’il y parviendrait non seulement en renforçant la police, mais aussi « avec l’aide du Shin Bet ».
Dans le même temps, le ministre des Finances, Bezalel Smotrich, a réaffirmé qu’il ne débloquerait pas les centaines de millions de shekels prévus pour aider au développement des municipalités arabes tant qu’il n’aurait pas la certitude que l’argent ne va pas à des groupes criminels organisés.
« Le crime organisé dépend de l’argent », a-t-il déclaré dans un communiqué, « et la majeure partie de cet argent, qui appartient à l’État d’Israël, au lieu de servir les citoyens arabes israéliens… va aux mêmes ‘racketteurs de protection' », sans apporter de preuves.
Smotrich, qui dirige le parti d’extrême-droite HaTzionout HaDatit, a appelé à la mise en place de mécanismes de contrôle afin de s’assurer que l’argent atteigne sa cible.
« Nous allons dialoguer avec tous les ministères concernés, définir ces mécanismes et ensuite seulement débloquer les fonds », a-t-il déclaré.
Smotrich s’est attiré des critiques, y compris de la part d’autres ministres, pour avoir refusé de débloquer 200 millions de shekels pour le développement économique des villes et villages arabes, ce qui lui a valu des accusations de racisme de la part des législateurs de l’opposition.
En début de semaine, des représentants des autorités locales arabes ont manifesté à Jérusalem pour protester contre le refus de Smotrich de transférer les fonds et ont également organisé une grève dans la communauté arabe.
L’AFP a contribué à cet article.