Netanyahu n’a pas « perdu le contrôle » du gouvernement, il l’a cédé à l’extrême-droite
Le Premier ministre n'a pas juste laissé Levin miner la démocratie, il a placé des radicaux anti-démocratiques à des postes clés. Croyait-il vraiment qu’il arriverait à les contrôler ?
David est le fondateur et le rédacteur en chef du Times of Israel. Il était auparavant rédacteur en chef du Jerusalem Post et du Jerusalem Report. Il est l’auteur de « Un peu trop près de Dieu : les frissons et la panique d’une vie en Israël » (2000) et « Nature morte avec les poseurs de bombes : Israël à l’ère du terrorisme » (2004).
L’administration Biden semble avoir abouti à la conclusion que le Premier ministre Benjamin Netanyahu a perdu le contrôle de sa coalition, ou tout du moins qu’il « n’est plus seul » sur le siège du conducteur.
Et de fait, malgré sa promesse de bien garder les deux mains sur le volant, Netanyahu a cédé le contrôle de sa coalition à des forces incendiaires dès les premières négociations sur la composition du gouvernement, les postes ministériels clés et les priorités du gouvernement. Les conséquences pour Netanyahu, mais plus encore pour l’État d’Israël, s’aggravent de jour en jour.
Il a nommé Yariv Levin au poste de ministre de la Justice et a ainsi mis en route un programme législatif visant à politiser et à neutraliser le pouvoir judiciaire, un programme qui a divisé le pays, qui menace la cohésion de l’armée, exacerbe les divisions entre Ashkénazes et Sépharades, sape la confiance internationale dans l’économie, suscite l’inquiétude de ses principaux alliés quant à l’orientation d’Israël et fait le bonheur de nos ennemis.
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Pour ne rien arranger, Levin lui-même a admis que le projet de loi qui a failli être adopté fin mars aurait été inacceptable dans une démocratie, car il aurait permis à la coalition en place de contrôler les trois branches du gouvernement. Il prétend maintenant, à tort, l’avoir suffisamment amendé pour répondre à ce danger et insiste pour qu’il soit adopté dans son intégralité, affirmant même qu’il est essentiel si l’on veut diversifier les tribunaux et contrôler un parquet d’État qui serait biaisé.
En réalité, nos juges sont de plus en plus diversifiés et représentatifs des franges de la société, et le projet de loi de Levin ne répond pas aux préoccupations concernant le parquet ; il ne prévoit pas non plus de juges supplémentaires pour notre système judiciaire débordé, qui en a désespérément besoin. Il vise avant tout à permettre à la coalition de nommer les juges et à priver la Cour suprême de la capacité de contrecarrer les abus du gouvernement, rompant ainsi l’équilibre délicat entre les deux seules branches véritablement distinctes du gouvernement, dans un Israël dépourvu de pouvoir législatif, de constitution, de protection absolue de nos droits les plus fondamentaux et d’autres garanties contre les abus de la majorité élue.
Il est impensable que Netanyahu ait pu croire un seul instant que le peuple israélien assisterait passivement au démantèlement des fondements démocratiques de notre cher et unique pays, véritable refuge, protection et force de la nation juive. Le fait qu’après avoir suspendu le blitz législatif de Levin à la veille de sa promulgation il y a trois mois, le Premier ministre ait entrepris de le relancer, ne fait que confirmer que ce politicien, autrefois très avisé, a perdu le lien, non seulement avec son ancien soutien de principe à notre système judiciaire indépendant, mais aussi avec l’humeur et les aspirations d’une grande partie de la nation.
En formant son gouvernement obscurantiste, Netanyahu n’a pas seulement donné à Levin les moyens de défier notre démocratie, il a aussi placé des suprémacistes juifs anti-démocratiques et des théocrates au cœur de son équipe ministérielle, les normalisant ainsi que leurs agendas. Et il ne cesse de renforcer leur pouvoir.
Il était tout à fait prévisible qu’un Itamar Ben Gvir encourage ses partisans du mouvement d’implantation à « courir vers les sommets » et à prendre le contrôle partout où c’est possible en Cisjordanie, avec la garantie de son soutien ministériel. Le Netanyahu d’il y a deux ans savait parfaitement que Ben Gvir, condamné à maintes reprises pour incitation à la violence et soutien à une organisation terroriste, n’était pas digne de faire partie de sa coalition ; aujourd’hui, Netanyahu semble être à peu près la seule personne surprise que ce provocateur qu’il a honteusement nommé ministre de la Sécurité nationale n’ait aucun intérêt ni aucune compétence pour ce poste, qu’il soit sourd à toute notion de discipline de coalition et qu’il soit à la tête d’un mouvement qui s’est considérablement renforcé et qui échappe totalement à l’autorité du Premier ministre.
Manifestement terrifié à l’idée que le tigre qu’il a lâché puisse se retourner contre lui, et tout à fait certain que son propre impératif de conserver le pouvoir constitue un intérêt vital pour Israël, Netanyahu continue entre-temps à céder davantage d’autorité au théocrate anti-arabe Bezalel Smotrich, qui, après un attentat terroriste en février, a appelé à « anéantir » le village palestinien de Huwara (avant de s’excuser à maintes reprises).
La semaine dernière, il a transféré le droit de superviser l’expansion des implantations existantes du ministre de la Défense, Yoav Gallant, à Smotrich. Dans les accords de coalition, les clauses promettant au leader de HaTzionout HaDatit une influence considérable en tant que deuxième ministre du ministère de la Défense étaient accompagnées d’une clause prudente selon laquelle Smotrich n’agirait qu’en consultation avec le Premier ministre ou avec son accord. La décision invraisemblable du cabinet adoptée la semaine dernière, consistant à accélérer le processus d’approbation des constructions dans les implantations et à confier à Smotrich le rôle de contrôleur, a été approuvée sans tenir compte de cette clause de protection.
Pour les extrémistes dont Ben Gvir et Smotrich sont les figures de proue, pour la génération d’anarchistes des « Jeunes des collines », les supplications de l’establishment sécuritaire de ne pas faire justice eux-mêmes n’ont aucun poids. En ce qui les concerne, ils font la loi, surtout en Judée et en Samarie. D’où les cinq jours consécutifs de violents saccages, ciblant des villes et des villages palestiniens, des maisons et des champs, y compris à balles réelles, en réponse au meurtre par des terroristes palestiniens de quatre Israéliens dans l’implantation d’Eli la semaine dernière. (Bien que ces pseudo-justiciers constituent certainement une petite minorité de la population de l’implantation, ils ne sont pas infimes en nombre ; des centaines d’entre eux ont participé aux attaques.)
Peu importe que leur violence entrave les efforts de Tsahal pour contrecarrer l’implacable terrorisme palestinien ; peu importe le tort qu’ils causent à la réputation et à la cause d’Israël à travers le monde ; peu importe qu’ils s’en prennent aveuglément à des civils ; peu importe que, dans certains cas, ils aient enfreint le Shabbat pour se rendre sur les lieux de leurs crimes. Leur suprémacisme ne connaît aucune contrainte, pas même celle de la puissance divine au nom de laquelle ils prétendent agir.
Et lorsque les chefs de la sécurité du pays les accusent d’avoir un comportement semblable à celui des terroristes palestiniens, la ministre des Implantations et des Missions nationales, Orit Strouk, une autre radicale que Netanyahu a placée à un poste ministériel sans réfléchir, intervient et compare le chef d’état-major de Tsahal, le chef du Shin Bet et le commissaire de police aux mercenaires du groupe Wagner (avant de s’excuser à plusieurs reprises) ; comme si les anarchistes violents étaient l’autorité nationale légitime et l’armée, le Shin Bet et la police des mutins obstructionnistes. Il ne faut pas, alors, s’étonner, si un jour plus tard, un officier supérieur venu présenter ses condoléances à la famille d’une des victimes de l’attaque terroriste, est chassé par les amis de la victime sous les cris de « assassin » et de « traître » retentissant à ses oreilles. (Ben Gvir et Smotrich ont tous deux condamné cet incident).
Netanyahu n’a même pas encore dénoncé publiquement les extrémistes isolés des implantations, préférant faire des déclarations critiques associant leur comportement à celui des résidents druzes du Golan et, inévitablement, à celui des manifestants opposés à la refonte qui bloquent fréquemment l’autoroute Ayalon à Tel-Aviv. Ben Gvir a refusé mardi de répondre à la demande du ministre de la Défense, Gallant, de condamner les émeutiers, les qualifiant plutôt de « braves gosses ».
(Il convient ici de souligner qu’enfreindre la loi et les principes démocratiques pour défendre la démocratie, comme l’a invité à le faire mardi l’ancien député de Meretz et chef d’état-major adjoint Yair Golan – « J’appelle ici, dans un cadre raisonnable, sans recourir à la violence, à commettre également des actes illégaux », a-t-il déclaré – n’est pas seulement irresponsable, source de division et totalement contre-productif ; cela devrait être impensable).
Pour le Premier ministre, les réservistes militaires volontaires et de longue date qui sont à l’avant-garde des manifestations contre la refonte ne sont que des anarchistes qui défient illégalement une majorité élue, alors même que cette majorité élue s’apprête à exempter l’ensemble de la communauté ultra-orthodoxe de tout service militaire ou national. Du point de vue de Netanyahu, il n’avait pas d’autre choix que de chevaucher le tigre extrémiste qui l’a porté au pouvoir et de continuer à le nourrir, car aucun autre parti ne voulait s’associer à lui au sein du gouvernement. Et si la Maison Blanche se montre peu favorable à sa coalition et à la réforme judiciaire et décide de ne pas l’inviter, il va alors montrer à cet allié indispensable d’Israël qu’il a d’autres options et planifier un voyage en Chine à la place, sans tenir compte du fait que Pékin maintient une alliance avec les ayatollahs qui sont déterminés à détruire Israël.
Netanyahu considère ses rivaux politiques comme des imbéciles et des faibles. Il est convaincu que lui et lui seul peut diriger Israël. Mais le prix à payer est de plus en plus élevé. Le pays se déchire.
Et, comme il devrait le savoir, les radicaux auxquels il continue de céder le pouvoir n’attendent qu’une seule chose : l’occasion de le déposer.
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David Horovitz, rédacteur en chef et fondateur du Times of Israel