Netanyahu ordonne à ses ministres de ne pas parler du référendum kurde
Depuis qu’il a soutenu l’indépendance kurde le 13 septembre, le Premier ministre pourrait subir des pressions de la Turquie et des Etats-Unis pour rester silencieux

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu a ordonné à ses ministres de ne pas parler du référendum d’indépendance kurde qui a eu lieu lundi dans la région autonome du Kurdistan irakien.
Le bureau du Premier ministre et le ministère des Affaires étrangères n’ont ni confirmé, ni commenté cette instruction, mais de hauts responsables ont reconnu cet ordre, sous couvert de l’anonymat.
Ce mois-ci, Netanyahu avait publiquement soutenu l’indépendance kurde tout en se distanciant des propos d’un général israélien à la retraire, qui avait déclaré qu’il ne considérait pas que le PKK, le Parti des travailleurs kurdes, soit un groupe terroriste.
Répondant au discours de Yair Golan, ancien vice-chef d’état-major de l’armée israélienne, devant l’Institut de Washington, Netanyahu avait affirmé qu’Israël « s’oppose au PKK et le considère comme une organisation terroriste, contrairement à la Turquie, qui soutient le groupe terroriste du Hamas », avait-il dit le 13 septembre, pendant une visite officielle en Argentine.

« Israël s’oppose à toute forme de terrorisme, mais soutient les moyens légitimes du peuple kurde pour obtenir leur propre état », avait-il ajouté.
Mais deux semaines plus tard, alors que les Kurdes irakiens allaient voter pour ce référendum non contraignant sur leur indépendance, ces déclarations israéliennes ont disparu.
Netanyahu « est allé quelque part depuis », a déclaré un responsable de la coalition, qui a refusé d’être cité et de donner plus de précisions.
Il s’agit probablement d’une référence du voyage de Netanyahu à l’Assemblée générale des Nations unies la semaine dernière à New York, pendant laquelle il a rencontré le président américain Donald Trump et d’autres dirigeants internationaux.

Lundi également, Reuters a cité un ministre anonyme disant que « Bibi [Netanyahu] nous a demandés de ne pas » commenter le référendum car le sujet est « trop sensible. »
Les Etats-Unis et la Turquie se sont ouvertement opposés au référendum kurde de lundi, et ont pu faire pression sur Netanyahu pour qu’il n’exprime pas son soutien au vote.
De même, certains dirigeants kurdes ont refusé le soutien public d’Israël, alors qu’ils sont accusés par les dirigeants arabes, turcs et iraniens de vouloir créer un « second Israël », soit un ennemi, avec un état kurde indépendant.
Certains Kurdes affichaient cependant le soutien d’Israël et leurs relations avec l’Etat juif avec des drapeaux israéliens pendant les rassemblements pro-indépendance.
Des députés turcs, iraniens et irakiens ont utilisé des images de ces drapeaux israéliens pour alimenter des théories d’un complot sioniste responsable du référendum.

Le président turc Recep Tayyip Erdogan a mis en garde mardi contre un risque de « guerre ethnique et confessionnelle » si le Kurdistan irakien menait à terme son projet d’indépendance auquel Ankara s’oppose fermement.
« Si [le dirigeant kurde irakien Massoud] Barzani et le gouvernement régional du Kurdistan ne reviennent pas très vite sur cette erreur, alors ils passeront à l’histoire avec l’ignominie d’avoir poussé notre région dans une guerre ethnique et confessionnelle », a dit Erdogan lors d’un discours télévisé.
La Turquie, où vivent quelque 15 millions de Kurdes, redoute que la création d’un état kurde à sa frontière ne fasse tache d’huile, alors qu’Ankara est confrontée à une sanglante rébellion séparatiste dans le sud-est de son territoire.
Erdogan critique particulièrement l’inclusion dans le référendum d’indépendance de la ville multiethnique de Kirkouk, où vivent des Kurdes, des Arabes et des Turkmènes.
Qualifiant le référendum d’indépendance de « trahison » envers la Turquie, Erdogan a de nouveau exhorté les autorités kurdes irakiennes à « abandonner cette aventure dont l’issue ne peut qu’être sombre. »
Malgré les relations commerciales fructueuses qu’Ankara et Erbil ont développées ces dernières années, le président Erdogan a menacé de fermer la frontière terrestre et « les vannes » de l’oléoduc qui permet au Kurdistan irakien d’exporter, via le port turc de Ceyhan, la majeure partie de son pétrole.
« A partir du moment où nous appliquerons nos sanctions, cette affaire sera entendue […]. Dès que nous aurons fermé les vannes, ce sera terminé », a dit le chef de l’Etat turc, sans avancer de date pour une telle initiative.
Erdogan avait déjà évoqué une telle mesure de rétorsion lundi, provoquant une hausse du cours de pétrole à New York, où le baril de light sweet crude (WTI) pour livraison en novembre a clôturé en hausse de 3,08 %, à 52,22 dollars le baril, au plus haut depuis la mi-avril.
La Turquie mène par ailleurs ostensiblement depuis une semaine des manœuvres militaires à la frontière, avec la participation de quelques unités de l’armée irakienne.
De plus, Ankara, Bagdad et Téhéran, dont les relations sont complexes, ont multiplié les contacts ces derniers jours.
Erdogan a en outre critiqué mardi le soutien d’Israël au référendum d’indépendance kurde. « Qui reconnaîtra votre indépendance ? Israël. Mais le monde ne se limite pas à Israël », a-t-il lancé.