New York : Une yeshiva sanctionnée pour un manque d’enseignement laïc
Un externat juif de Brooklyn aurait enfreint la loi en ne respectant pas les normes établies par l'État ; les yeshivot veulent faire annuler la nouvelle loi sur la surveillance
Luke Tress est le vidéojournaliste et spécialiste des technologies du Times of Israël
NEW YORK – Des fonctionnaires de l’État de New York ont jugé – une première – qu’un externat juif avait enfreint la loi en n’intégrant pas suffisamment d’enseignement laïc dans ses programmes, dans un contexte marqué par une bataille juridique en cours sur les programmes du système éducatif.
La semaine dernière, la commissaire à l’éducation de New York, Betty Rosa, a annoncé que la Yeshiva Mesivta Arugtah Habosem de Brooklyn n’avait pas respecté les normes établies par l’État en matière d’enseignement laïc des matières du tronc commun national.
La yeshiva, située dans le quartier de Williamsburg, devra élaborer un plan avec les responsables de l’éducation de la ville pour remettre ses programmes en conformité avec la loi.
La décision de l’État a été rapportée pour la première fois mercredi par le New York Times.
Elle fait suite à un procès intenté par Beatrice Weber, qui avait affirmé que son enfant était privé d’une éducation laïque dans le cadre de l’école. Weber a récemment pris la tête de Young Advocates for Fair Education, ou Yaffed, un groupe qui a fait pression en faveur de réformes dans le système des yeshivot (écoles juives ultra-orthodoxes) de New York.
Weber a déclaré qu’elle était « ravie de ce résultat » pour son fils.
Les autorités de l’État cherchent à trouver l’équilibre entre les croyances et les valeurs religieuses et les exigences de l’enseignement laïc dans les écoles privées. Les yeshivot de New York sont depuis longtemps tenues de dispenser un enseignement laïc « substantiellement équivalent » aux cours donnés dans les écoles publiques voisines, mais la loi n’a pas été appliquée avec efficacité jusqu’à présent.
Les critiques de l’enseignement des yeshivot affirment que de nombreuses écoles ne dispensent pas de connaissances appropriées dans les matières relevant du tronc commun, notamment en anglais et en mathématiques, et que les diplômés ne sont pas préparés à entrer sur le marché du travail ou à s’intégrer dans la société.
Les partisans du système affirment que l’ingérence du gouvernement constitue une atteinte aux protections religieuses. Ils affirment que ces établissements sont les piliers de l’épanouissement des communautés, que les élèves y reçoivent un enseignement approprié avec des journées de cours qui sont plus longues que dans le public.
Le débat s’est principalement concentré sur les yeshivot ultra-orthodoxes, et non sur les écoles orthodoxes modernes, qui dispensent un enseignement plus laïc.
La communauté ultra-orthodoxe s’est farouchement opposée à toute ingérence dans le programme scolaire et les critiques ont déclaré que les fonctionnaires hésitaient à s’immiscer dans cette question en raison des potentielles répercussions politiques.
Ces derniers mois, le sujet est devenu un sujet sensible pour la communauté à New York.
Le mois dernier, le New York Times a publié une enquête détaillant l’enseignement laïc lamentable dispensé dans de nombreuses yeshivot – des établissements qui ont reçu par ailleurs des centaines de millions de dollars de fonds publics ces dernières années. Le financement des yeshivot est mineur par rapport aux sommes allouées aux écoles publiques, et les lacunes des yeshivot en matière d’enseignement du tronc commun sont débattues depuis des années.
L’enquête a contribué à amplifier les appels à une plus grande surveillance de l’éducation haredi, mais elle a également suscité l’indignation de nombreux ultra-orthodoxes de New York. Des représentants de la communauté, des politiciens et d’autres défenseurs des yeshivot ont accusé le journal de cibler injustement les écoles juives.
Le mois dernier, le Conseil des régents du département de l’Éducation de l’État a finalisé des règles qui renforceront la surveillance des yeshivot et d’autres écoles non-publiques et qui les obligeront à respecter un niveau minimum d’enseignement dans quatre matières déterminantes du tronc commun – les mathématiques, la science, les arts de l’anglais (tout ce qui concerne la littérature) et les études sociales.
Mais en début de semaine, un groupe de yeshivot et d’organisations de soutien ont intenté un procès contre l’État afin d’annuler les nouvelles règles. L’action en justice fait valoir que les yeshivot sont les piliers de communautés prospères, des communautés sont injustement et illégalement ciblées pour être surveillées, affirme la plainte.
Par ailleurs, une plainte déposée cette semaine par Yaffed auprès du procureur général de l’État allègue que certaines yeshivot ont reçu plus de 28 millions de dollars de fonds publics auxquels elles n’avaient pas droit. La requête fait valoir que les écoles apportent un enseignement laïc insuffisant – c’est ce qu’avait déterminé une enquête réalisée par la ville de New York – et qu’elles n’avaient donc plus droit à ces financements au moins depuis l’année scolaire 2016-2017.
En 2020, il y avait environ 160 000 élèves étudiant dans à peu près 450 yeshivot dans l’état de New York. Yaffed a anticipé que d’ici 2030, 30 % des enfants de Brooklyn en âge d’aller à l’école seront des ultra-orthodoxes, presque tous fréquentant ce genre d’établissement religieux privé.