OCDE: Un élu rejette des mesures anti-corruption, expose Israël à des sanctions
Malgré le risque de figurer sur une liste noire internationale, le chef de la commission des Finances réclame un délai pour légaliser les organismes de prêts gratuits des haredim
Sue Surkes est la journaliste spécialisée dans l'environnement du Times of Israel.

Israël risque d’encourir des sanctions internationale s’il ne se plie pas à des mesures anti-blanchiment prévue par l’OCDE, après que le chef de la puissante commission parlementaire des Finances a déclaré qu’aucun autre débat n’aurait lieu tant que le ministère de la Justice ne prolonge pas le temps de réalisation des procédures.
Israël n’a pas fait entrer en vigueur le CRS [Common Reporting Standard ou ‘norme commune d’échange’] à la date-butoir qui était prévue en septembre.
Israël rejoint la République dominicaine, l’île de Saint Martin et Trinité-et-Tobago, qui sont des paradis fiscaux. Avec les Etats-Unis, c’est le seul pays de l’OCDE à ne pas avoir fait appliquer le CRS.
Après une série de scandales sur le secret financier, le blanchiment d’argent international, les Etats-Unis ont adopté le premier des accords, le FATCA (Foreign Account Tax Compliance Act) en 2010. Cet acte oblige les citoyens américains qui détiennent des comptes à l’étranger à déclarer leurs biens au service de collecte des impôts américains, et à demander à leurs banques étrangères de signaler les comptes des ressortissants américains.
En juin 2014, le gouvernement israélien avait signé le FATCA, s’engageant à ce que les autorités fiscales israéliennes partagent les informations sur les citoyens israéliens.
Jusqu’alors, Israël ne fournissait ces informations que sur demande en cas de double imposition.
Cependant, la signature du FATCA ne s’est pas passée sans encombre.
Les citoyens américains qui vivent en Israël ont fait fermer leurs comptes israéliens parce que les banques avaient eu des problèmes avec les documents du FATCA et ont donc préféré fermer les comptes que d’enfreindre la loi, a appris la commission des Finances la semaine dernière.

Dans l’un des exemples qui a été évoqué, une femme âgée, qui est arrivée en Israël des Etats-Unis à l’âge de 9 ans, a vu son compte bancaire israélien fermé parce qu’elle n’a pas été en mesure de fournir un numéro de sécurité social américain, chose qui n’existait pas à l’époque où elle a quitté le sol américain.
Dans des échanges dignes d’un sketch des Monty Python, les responsables des banques israéliennes présents à la commission ont accusé l’Autorité fiscale israélienne de ne pas avoir fourni les formulaires du FATCA. Le responsable de la Banque d’Israël, accusé d’avoir examiné des comptes bancaires fermés, a déclaré qu’il n’a pu le faire parce qu’il n’avait pas suffisamment d’information sur les clients.
Pour Moshe Gafni, issu du parti ultra-orthodoxe Yahadout HaTorah et président de la commission, ce qui pose problème, c’est que les banques ont choisi de fermer les organismes de prêt sans intérêt chez les haredim, ou demandé à leurs gestionnaires de changer de banques.
À lire : Oy gemach! Les organismes de prêt gratuit ultra-orthodoxes ou l’OCDE ?
Les associations de prêt gratuit – des gema’him – placées sous la supervision de bénévoles permettent aux membres de la communauté de déposer de l’argent et de bénéficier de prêts sans intérêts. Il existe des milliers de structures comme cela au sein de la communauté ultra-orthodoxe ou Haredi israélienne, forte d’un million de membres, avec des dépôts dont le total, selon un économiste, s’élèverait entre 5 milliards et des dizaines de milliards de shekels.

Les gema’him sont l’épine dorsale de la société haredi. Acronyme des mots « gemilout ‘hassadim » (actes de bonté), ils permettent à ceux qui en ont les moyens de faire des dons – en cash ou en nature – tout en permettant aux personnes défavorisées d’emprunter sans en être honteux.
Selon les autorités fiscales israéliennes, un grand nombre de ces associations étaient utilisées pour échapper aux impôts et pour blanchir de l’argent.
Plusieurs experts ont indiqué au Times of Israel qu’un tel blanchiment d’argent à travers les gema’him est moins présent aujourd’hui qu’il y a une dizaine d’années en conséquence des mesures anti-blanchiment d’argent qui ont été prises par le gouvernement israélien, mais qu’il existe encore.
Israël a réussi à faire en sorte que les autorités fiscales américaines excluent du FATCA les associations de prêt gratuit qui valent moins de
50 000 dollars. ‘(Le CRS exclut toutes les associations de prêt gratuit.)
Mais la période de deux ans que le ministère israélien de la Justice avait octroyé pour justifier cette exemption dans la régulation israélienne a pris fin en août, et depuis, les sociétés de prêts sont en sursis.
Jusqu’à ce que ce ces régulations soient adoptées, Gafni a indiqué qu’il n’avait pas l’intention de donner son feu vert à l’adoption des régulations qui permettront l’entrée en vigueur du CRS.
Comme son nom l’indique, le CRS standardise l’échange automatique d’information entre les pays de l’OCDE.
Israël a jusqu’au mois de mai 2019 pour réunir ces informations.
Comme l’a écrit le Times of Israël, si Israël ne parvient à adopter les lois nécessaires pour le CRS en septembre, le pays est exposé à des sanctions, notamment l’inscription sur une liste noire par l’Union européenne (UE).

Bien que l’échéance et la nature des sanctions ne soient pas clairs, un responsable bancaire à la commission des Finances a déclaré au Times of Israël que les banques à l’international pourraient rendre difficile le transfert de fonds vers Israël.
L’entrée en vigueur du FATCA et CRS a déja été discutée quatre fois par la commission.
Gafni a déclaré que l’entrée en vigueur compliquée du FATCA ne présageait rien de bon pour celle du CRS, et qu’il n’organiserait pas de cinquième discussion tant que le procureur-général adjoint ne prolonge pas la période de réalisation pour ces deux procédures.