Pas découragés par les risques de la guerre, des Indiens viennent travailler en Israël
Au vu le taux chômage dans leur pays, les travailleurs indiens espèrent remplir les milliers d'emplois vacants suite aux massacres du 7 octobre et la guerre qui s'en est suivie à Gaza
ROHTAK, Inde – Des milliers d’hommes faisaient la queue dans l’État d’Haryana, dans le nord de l’Inde, dans l’espoir d’être recrutés comme travailleurs pour Israël, où l’assaut terroriste meurtrier lancé par le groupe terroriste du Hamas le 7 octobre et la guerre qui s’en est suivie à Gaza, entrée dans son quatrième mois, ont provoqué une pénurie de main d’œuvre.
Des maçons, des peintres, des électriciens, des plombiers et quelques agriculteurs ont indiqué qu’ils cherchaient du travail en Israël, certains étant prêts à prendre le risque de se rendre dans une zone de conflit parce qu’ils y gagneraient cinq fois plus d’argent en un an que dans leur pays d’origine.
« Les gens n’ont pas d’emploi ici et c’est pour cette raison qu’ils veulent partir », a expliqué Lekharam, un maçon qui faisait partie des travailleurs rassemblés dans un camp de recrutement à Rohtak, à 66 kilomètres de la capitale, New Delhi.
« Si notre destin est de mourir, nous mourrons, que ce soit ici ou là-bas. Je souhaite bien travailler, rester quelque temps sur place et revenir ».
L’Inde, qui est aujourd’hui la nation la plus peuplée du monde avec ses 1,4 milliard d’habitants, connait un taux de chômage urbain de 6,6 %, selon les données du gouvernement, mais plus de 17 % des travailleurs de moins de 29 ans sont au chômage et d’autres travaillent comme ouvriers occasionnels.
Le chômage et la sous-traitance sont une préoccupation majeure pour les autorités, malgré une croissance économique de 7,3 % qui bat tous les records du monde.
Un porte-parole du ministère indien des Affaires étrangères a déclaré jeudi qu’un accord sur la mobilité de la main-d’œuvre avec Israël avait été signé avant même les événements du 7 octobre.
« L’idée derrière cet accord était de mettre en place un mécanisme institutionnel pour réguler la migration et garantir la protection des droits des travailleurs qui se rendent en Israël », a expliqué Randhir Jaiswal, le porte-parole.
« Les lois sur le travail en Israël sont très strictes et robustes… nous sommes parfaitement conscients de notre responsabilité d’assurer la sécurité de nos ressortissants à l’étranger », a-t-il déclaré aux journalistes.
Depuis quelques semaines, la National Skills Development Corporation (Société nationale de développement des compétences) de l’Inde cherche des travailleurs pour vivre et travailler en Israël.
Les recruteurs du camp ont refusé de commenter cette campagne.
Vivek Sharma, un maçon de 28 ans, a dit qu’il était conscient des risques encourus en Israël en raison du conflit, mais qu’il était prêt à prendre ce risque s’il pouvait gagner plus.
« Oui, je suis conscient du conflit, mais je peux gagner beaucoup d’argent en peu de temps », a affirmé Sharma, qui estime qu’il pourrait gagner plus d’un million de roupies indiennes (50 000 shekels) en travaillant en Israël pendant un an.
« Il me faudrait au moins cinq ans pour gagner la même somme d’argent en Inde. »
Les données du gouvernement montrent qu’environ 13 millions de ressortissants indiens travaillent à l’étranger comme ouvriers, professionnels et experts.
L’année dernière, Israël et l’Inde ont signé un accord autorisant plus de 40 000 Indiens à travailler dans l’État juif dans les secteurs des soins de la santé et de la construction.
Ce mois-ci, un quotidien financier israélien a déclaré que le pays prévoyait de faire venir environ 70 000 travailleurs étrangers de Chine, d’Inde et d’ailleurs pour stimuler son secteur de la construction, qui est pratiquement à l’arrêt depuis le 7 octobre, date à laquelle des milliers de terroristes dirigés par le Hamas ont lancé des attaques contre plus de 20 communautés dans le sud d’Israël, massacrant près de 1 200 personnes et prenant environ 240 otages.
À la suite de cette attaque meurtrière et de l’interdiction immédiate imposée par Israël aux travailleurs de Gaza d’entrer en Israël ainsi que de la restriction de l’accès à la plupart des travailleurs en Cisjordanie, du jour au lendemain, le pays s’est retrouvé sans travailleurs palestiniens.
Au même moment, plus de 10 000 travailleurs étrangers, principalement originaires de Thaïlande, ont fui le pays au lendemain de ces attaques, qui n’ont pas épargné leurs communautés. Trente-neuf travailleurs thaïlandais ont été tués au cours du massacre et 32 ont été emmenés de force comme otages à Gaza.
En outre, plus de 350 000 Israéliens ont été rappelés au service de réserve, laissant d’autres emplois vacants.
Si les ouvriers palestiniens employés dans les implantations juives de Cisjordanie ont été autorisés à reprendre le travail ces dernières semaines, ceux qui travaillaient à l’intérieur de la Ligne verte avant le 7 octobre n’ont toujours pas été autorisés à retourner au travail.
La décision d’interdire l’entrée de la plupart des travailleurs palestiniens de Cisjordanie pourrait coûter, à terme, à l’économie jusqu’à 3 milliards de shekels par mois, a déclaré un représentant du ministère des Finances à la fin du mois de décembre, et Israël cherche une solution alternative pour pourvoir les postes vacants.
Fin décembre, le ministère de l’Intérieur a déclaré qu’en dépit de la guerre, plus de 12 000 travailleurs étrangers, nouveaux et anciens, étaient arrivés ou revenus en Israël, la moitié d’entre eux venant de Thaïlande.
Si l’arrivée des travailleurs étrangers a partiellement allégé le fardeau qui pèse sur Israël, les secteurs de l’agriculture et de la construction sont toujours en proie à des difficultés, et pas moins de 18 000 travailleurs supplémentaires seraient nécessaires pour que les différentes industries puissent recommencer à fonctionner à plein régime.
Outre l’Inde, plusieurs accords ont été conclus pour permettre l’arrivée de travailleurs en provenance du Sri Lanka, de l’Équateur, du Kenya et du Malawi.
Sam Sokol et Shoshanna Solomon ont contribué à cet article.