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Pays-Bas : Le premier musée de la Shoah ouvre ses portes sous les huées anti-Israël

Le président israélien et le roi hollandais ont assisté à l'inauguration, qui présente l'histoire à travers le témoignage des victimes, 80 ans après l'assassinat de 75 % des Juifs du pays

  • Le roi des Pays-Bas Willem Alexander (à gauche) visite le musée national de la Shoah à Amsterdam, aux Pays-Bas, le 10 mars 2024. (Crédit : Piroschka van de Wouw/AP)
    Le roi des Pays-Bas Willem Alexander (à gauche) visite le musée national de la Shoah à Amsterdam, aux Pays-Bas, le 10 mars 2024. (Crédit : Piroschka van de Wouw/AP)
  • Des manifestants anti-Israël protestent contre le président d'Israël Isaac Herzog qui assiste à l'ouverture du nouveau musée national de la Shoah à Amsterdam, aux Pays-Bas, le 10 mars 2024. (Crédit : Phil Nijhuis/AP)
    Des manifestants anti-Israël protestent contre le président d'Israël Isaac Herzog qui assiste à l'ouverture du nouveau musée national de la Shoah à Amsterdam, aux Pays-Bas, le 10 mars 2024. (Crédit : Phil Nijhuis/AP)
  • Le président d'Israël Isaac Herzog, deuxième à gauche, pointe du doigt la synagogue portugaise lors d'une cérémonie marquant l'ouverture du nouveau musée national de la Shoah à Amsterdam, aux Pays-Bas, le 10 mars 2024. (Crédit : Patrick van Emst/AP)
    Le président d'Israël Isaac Herzog, deuxième à gauche, pointe du doigt la synagogue portugaise lors d'une cérémonie marquant l'ouverture du nouveau musée national de la Shoah à Amsterdam, aux Pays-Bas, le 10 mars 2024. (Crédit : Patrick van Emst/AP)
  • Des manifestants anti-Israël protestent contre le président d'Israël Isaac Shoah qui assiste à l'ouverture du nouveau musée national de la Shoah à Amsterdam, aux Pays-Bas, le 10 mars 2024. (Crédit : Peter Dejong/AP)
    Des manifestants anti-Israël protestent contre le président d'Israël Isaac Shoah qui assiste à l'ouverture du nouveau musée national de la Shoah à Amsterdam, aux Pays-Bas, le 10 mars 2024. (Crédit : Peter Dejong/AP)
  • Le roi des Pays-Bas Willem Alexander (deuxième à droite) en visite le musée national de la Shoah à Amsterdam, aux Pays-Bas, le 10 mars 2024. (Crédit : Piroschka van de Wouw/AP)
    Le roi des Pays-Bas Willem Alexander (deuxième à droite) en visite le musée national de la Shoah à Amsterdam, aux Pays-Bas, le 10 mars 2024. (Crédit : Piroschka van de Wouw/AP)

AMSTERDAM – Plus d’un millier de manifestants opposés à la campagne militaire d’Israël à Gaza se sont rassemblés dimanche devant le lieu de la cérémonie d’ouverture du premier musée de la Shoah aux Pays-Bas, qui s’est déroulée en présence du président israélien Isaac Herzog.

Les manifestants étaient issus de la communauté palestinienne de Hollande, de l’Internationale socialiste et d’Erev Rav, un groupe juif antisioniste local.

Le musée, situé dans un groupe de bâtiments historiques du quartier culturel juif d’Amsterdam, a ouvert ses portes au public le 10 mars. Le soir même, Herzog a assisté à une cérémonie à la synagogue portugaise voisine avec des survivants hollandais de la Shoah et des dirigeants de la communauté juive du pays, qui compte environ 30 000 personnes, pour marquer l’ouverture du musée, dont la construction aura duré 20 ans.

Alors que d’autres sites aux Pays-Bas disposent d’excellents musées consacrés à la Shoah – comme la maison d’Anne Frank à l’autre bout de la ville, ou le camp de transit de Westerbork – il n’existait pas de site centralisé rassemblant l’ensemble de la documentation sur la Shoah aux Pays-Bas. Ce n’est d’ailleurs qu’en 2021 qu’un monument portant les noms des victimes de la Shoah a été érigé, et ce, face à l’opposition farouche des citoyens qui ne voulaient pas d’un tel édifice dans leur propre arrière-cour (anciennement juive).

L’ouverture très attendue de ce que des observateurs appellent le premier musée moderne de la Shoah en Europe occidentale a néanmoins été ternie par une vague de protestations anti-Israël.

Le Joods Cultureel Kwartier [Quartier Culturel Juif], qui a conçu et gère le nouveau musée, a déclaré dans un communiqué que l’ouverture du musée national de la Shoah pendant la guerre entre Israël et le Hamas était « amère ». Il a ajouté qu’il soutenait « une résolution juste et sûre pour tous ceux qui sont directement concernés », incluant le droit à l’existence d’Israël et le droit à l’autonomie des Palestiniens.

Des manifestants anti-Israël protestent contre le président d’Israël Isaac Herzog qui assiste à l’ouverture du nouveau musée national de la Shoah à Amsterdam, aux Pays-Bas, le 10 mars 2024. (Crédit : Phil Nijhuis/AP)

Une alliance regroupant plus de 200 mosquées néerlandaises a envoyé une pétition au roi Willem-Alexander pour lui demander de ne pas assister à l’inauguration, et le Rights Forum, un groupe hollandais défendant les droits des Palestiniens, a déclaré que la présence de Herzog et sa rencontre avec le roi étaient « une gifle pour les Palestiniens qui assistent impuissants à l’assassinat par Israël de leurs proches et à la destruction de leur pays ».

Willem-Alexander a bien assisté à la cérémonie, mais ni lui ni Herzog n’ont abordé directement le sujet des manifestations, qui depuis des mois accompagnent les personnalités israéliennes à chacune de leur apparition dans le monde.

Le slogan « Plus jamais ça », généralement utilisé en relation avec la Shoah, a été invoqué tant par Herzog que par les manifestants antisionistes. Herzog faisait référence à la montée de l’antisémitisme dans le monde depuis que le Hamas a sauvagement assassiné 1 200 personnes et en a enlevé 253 dans le sud d’Israël le 7 octobre, tandis que les manifestants utilisaient l’expression pour assimiler la campagne militaire d’Israël à Gaza à la Shoah.

Des militants de l’organisation de défense des droits de l’homme Amnesty International ont placé des panneaux de « déviation » aux abords du musée pour « rediriger » Herzog vers la Cour internationale de justice (CIJ) de La Haye, qui examine actuellement une plainte pour génocide déposée par l’Afrique du Sud à l’encontre d’Israël.

Le président d’Israël Isaac Herzog, deuxième à gauche, pointe du doigt la synagogue portugaise lors d’une cérémonie marquant l’ouverture du nouveau musée national de la Shoah à Amsterdam, aux Pays-Bas, le 10 mars 2024. (Crédit : Patrick van Emst/AP)

Mieux vaut tard que jamais

Jusqu’à l’occupation allemande, les Pays-Bas comptaient environ 140 000 Juifs. Plus des trois quarts des Juifs néerlandais ont été assassinés pendant la Shoah.

« Je suis heureuse de constater que nous avons pu rendre leur dignité aux victimes », a indiqué Annemiek Gringold, conservatrice en chef du musée, au Times of Israel lors d’une visite guidée du musée avant son ouverture officielle.

Gringold a proposé la création de ce qu’elle a appelé le premier musée national de la Shoah « inclusif » du pays il y a vingt ans.

Musée national de la Shoah des Pays-Bas à Amsterdam, le 7 mars 2024 (Crédit : Matt Lebovic/Times of Israel)

La prise de conscience du rôle décisif joué par la société civile néerlandaise, dans l’isolement et la déportation de la majorité des Juifs néerlandais vers les camps de la mort, s’est intensifiée dans les années qui ont suivi la proposition de Gringold de créer un musée.

Le musée présente, par exemple, les « chasseurs de primes », uniques aux Pays-Bas, ces civils néerlandais payés par les Allemands pour traquer les Juifs qui se cachaient.

« Les chasseurs de primes sont ici, tout est ici », a affirmé Gringold en décrivant la collection de l’exposition permanente.

Pendant trois siècles, les Juifs néerlandais se sont considérés comme des résidents loyaux des Pays-Bas. La plupart des Juifs étaient pauvres ou issus de la classe ouvrière, mais un certain nombre de familles jouaient un rôle important dans le commerce. Les Juifs avaient par ailleurs reçu l’autorisation de construire d’immenses synagogues à une époque où les Catholiques étaient contraints de pratiquer leur culte en secret.

Lorsque les Allemands ont attaqué les Pays-Bas en 1941, la plupart des Juifs néerlandais se considéraient, selon les historiens, davantage Néerlandais que Juifs.

« Protégez votre démocratie », a insisté Gringold à plusieurs reprises pendant qu’elle guidait les visiteurs à travers l’exposition permanente.

Annemiek Gringold guide au Musée national de la Shoah des Pays-Bas à Amsterdam, le 7 mars 2024 (Crédit : Matt Lebovic/Times of Israel)

Le musée est situé sur deux étages d’une ancienne école protestante. Pendant la Shoah, le directeur de l’école a contribué à la mise en œuvre d’un plan de sauvetage audacieux qui a permis de libérer quelque 600 enfants juifs en les faisant passer clandestinement par une cour reliant la cour de l’école à une maternelle pour enfants juifs déportés.

« À partir de là, ils pouvaient sortir de la cour de l’école et avoir une deuxième chance dans la vie », explique Gringold.

Si les Allemands ne se sont pas aperçus que 600 enfants juifs manquaient, c’est uniquement parce que des milliers d’autres enfants juifs avaient été capturés et déportés avec succès, a ajouté Gringold.

Les enfants secourus étaient rapidement pris en charge au sein de l’école normale par des étudiants bénévoles qui les emmenaient à bicyclette hors de la ville. Chaque enfant était envoyé vers un lieu de clandestinité dans les zones rurales.

« Vous ne vous trouvez pas ici en terrain neutre », a souligné Gringold en parlant du musée. Le complexe comprend l’ancien collège et les bâtiments adjacents, ainsi que le théâtre hollandais situé de l’autre côté de la rue. « C’est un lieu de persécution, mais c’est aussi un lieu d’humanité. »

Derrière le Dutch Theater au musée national du Shoah des Pays-Bas à Amsterdam, le 7 mars 2024 (Crédit : Matt Lebovic/Times of Israel)

Alors que l’occupation allemande des territoires polonais et russes, par exemple, était de nature militaire, dans le cas des Pays-Bas, Hitler a maintenu la fonction publique néerlandaise en place. Les Juifs ont ainsi été isolés sans avoir besoin des SS ou des troupes allemandes dans ce que Berlin entendait être une occupation amicale.

L’efficacité de la bureaucratie néerlandaise et l’étendue de la collaboration civile ont permis d’assassiner une plus grande proportion des Juifs du pays – plus de 100 000 – que dans n’importe quel autre pays d’Europe occidentale.

La commémoration de la Shoah est depuis toujours un combat difficile aux Pays-Bas, où ce qui reste de la communauté juive néerlandaise a érigé un mémorial de « gratitude » envers les Néerlandais presque immédiatement après la guerre. Lorsque les Juifs sont revenus des camps de la mort, la ville d’Amsterdam leur a réclamé des impôts et, dans de nombreux cas, leur a refusé la garde de leurs propres enfants.

Deddie/David Zak, âgé de huit ans, a été assassiné à Sobibor. Son étiquette nominative a été retrouvée par Yoram Haimi et Wojtek Mazurek à Sobibor (Crédit : Matt Lebovic/Times of Israel)

Certaines organisations et entreprises néerlandaises ont fait des recherches sur leur propre collaboration avec les nazis pendant la guerre et ont tenté de faire amende honorable.

On a notamment découvert que la compagnie des trams nationale avait facturé à Berlin les coûts liés au transfert de la plupart des Juifs d’Amsterdam – dont Anne Frank – des points de déportation, dont le théâtre néerlandais, à la gare centrale de la ville.

« Ne m’oubliez pas »

À la différence de la plupart des musées consacrés à la Shoah, le Dutch National Holocaust Museum ne raconte pas l’histoire du génocide des Juifs néerlandais du point de vue des historiens, des témoins ou des bourreaux.

Musée national de la Shoah des Pays-Bas à Amsterdam, le 7 mars 2024 (Crédit : Matt Lebovic/Times of Israel)

Gringold a dirigé les travaux de création d’une collection qui permet aux survivants et aux victimes de parler d’eux-mêmes.

À l’aide d’audioguides et de vidéos ciblées, le musée aide les visiteurs à comprendre ce qui s’est passé à travers les yeux des victimes. Dans la coquille de l’ancien théâtre néerlandais, où 46 000 Juifs ont été détenus avant d’être envoyés dans des camps de transit, les visiteurs sont invités à placer leur audioguide sur les visages des victimes pour découvrir ce qui s’est passé.

S’ouvrant sur une vidéo de présentation du théâtre néerlandais, le musée n’utilise pas de wagons couverts, de baraquements ou d’autres symboles familiers de la Shoah. Au contraire, le processus d’isolement et de persécution des Juifs aux Pays-Bas est raconté à travers, par exemple, des extraits de journaux intimes, des œuvres d’art et des objets utilisés autrefois par les victimes.

Au lieu d’évoquer les auteurs de la Shoah en utilisant leur terminologie et leurs symboles, le musée reprend les identités individuelles des personnes qui sont passées du statut de citoyen néerlandais à celui de cendres à Sobibor et Auschwitz en moins de deux ans.

Derrière le Théâtre de Hollande au Musée national de la Shoah des Pays-Bas à Amsterdam, le 7 mars 2024 (Crédit : Matt Lebovic/Times of Israel)

Les installations « Ne m’oubliez pas » caractéristiques du musée, 19 au total, dépeignent des victimes individuelles et leurs parcours uniques dans la Shoah. En regardant dans les hautes boîtes de verre, les visiteurs relient le visage d’une victime à ses propres mots et à ses effets personnels.

« Nous voulions rétablir l’identité et l’humanité de chacune des victimes », a affirmé Gringold.

Depuis quelques années, Gringold a réalisé d’importantes découvertes et acquisitions. Parmi ces découvertes figurent des œuvres d’art originales réalisées par des victimes et des survivants, ainsi que des objets provenant de fouilles archéologiques à Sobibor, le camp de la mort où 33 000 Juifs néerlandais ont été assassinés dans des chambres à gaz.

Les objets provenant de Sobibor ont été découverts par une équipe d’archéologues israélo-polonais qui a également contribué à refaire la cartographie des structures et des éléments détruits du camp. Plus de 10 000 objets liés au génocide ont été extraits sur plusieurs saisons, et un musée a finalement été ouvert sur le site en 2021.

Musée national de la Shoah des Pays-Bas à Amsterdam, le 7 mars 2024 (Crédit : Matt Lebovic/Times of Israel)

Les pièces les plus étonnantes découvertes à Sobibor sont les plaques d’identité des enfants juifs néerlandais qui ont été assassinés dans les chambres à gaz. L’une de ces plaques, appartenant à David (Deddie) Zak, âgé de huit ans, est reproduite au musée, à côté de sa photo.

Le grand sourire de Zak est inoubliable, et son visage passe du noir et blanc à la couleur à mesure que le visiteur s’approche de l’image. Cet effet, ainsi que d’autres, permet aux visiteurs d’interagir avec les images de source primaire et même de les modifier partout dans le musée.

Les autorités polonaises ont autorisé Gringold à rapporter des fouilles de Sobibor une collection de dix boutons de chemise colorés et une paire de ciseaux du type de ceux qui auraient coupé le tissu.

« J’ai dit aux concepteurs du musée que je voulais que ces boutons soient placés comme les bijoux les plus précieux du monde », a déclaré Gringold.

Vue derrière un présentoir de boutons ayant appartenu à des victimes de la Shoah assassinées à Sobibor, l’activiste Stephanie Daal de StandWithUs Netherlands visite le Musée national de la Shoah à Amsterdam, le 7 mars 2024 (Crédit : Matt Lebovic/Times of Israel)

« Ces boutons sont une part de l’identité des victimes qui ont été massacrées », a souligné Gringold.

« Le matin, en se levant ils ont enfilé une chemise, ils ont touché ces boutons. Puis ils ont été forcés d’enlever cette chemise avant d’être assassinés », a ajouté Gringold.

Les objets présentés au musée servent à donner la parole aux victimes et aux survivants, même s’ils illustrent le déroulement des opérations dans le camp de la mort de Sobibor. La célèbre maquette du plan du camp de Sobibor, réalisée par un survivant après la guerre, en est un exemple frappant.

Pour présenter les responsables de Sobibor et d’Auschwitz, le musée a délibérément utilisé des photos qui humanisent les hommes. On les voit en train de se détendre avec leur famille ou de boire en compagnie de Polonaises, les SS allemands qui dirigeaient les camps pourraient être l’oncle ou le frère de tout un chacun.

Une carte d’Amsterdam préparée en 1941 par les administrateurs de la ville. Chaque point représente un groupe de 10 Juifs. (Crédit : Domaine public)

Gringold et les concepteurs du musée ont fait un usage évocateur de photos et de films découverts ces dernières années, y compris des images de l’album des bourreaux de Sobibor. Les rafles et les déportations de Juifs ont été abondamment photographiées depuis les fenêtres des bâtiments adjacents aux Pays-Bas, et certaines images ont alors pris une vie propre.

J’ai dû faire des choix

Le quartier verdoyant de Plantage Middenlaan à Amsterdam, qui abrite le nouveau musée ainsi que le plus ancien jardin botanique du monde, était également une des scènes culturelles juives les plus dynamiques d’Europe occidentale.

« Avant la guerre, ce quartier était à 80 % juif », a indiqué Gringold.

Le Hollandsche Schouwburg [« Théâtre de Hollande » en néerlandais] était l’un des quatre théâtres de cette partie de la ville, un quartier relativement récent construit juste à l’extérieur de la ceinture du canal principal. Certaines des photos des victimes néerlandaises de la Shoah ont été prises par leurs voisins non juifs, y compris une série d’images historiquement significatives capturées depuis un balcon dans la cour derrière le théâtre.

Musée national de la Shoah des Pays-Bas à Amsterdam, le 7 mars 2024 (Crédit : Matt Lebovic/Times of Israel)

Le musée n’a acheté l’ancien bâtiment de l’école à la ville qu’en 2021, a indiqué Gringold. Avant cela, le bâtiment était resté inoccupé pendant quelques années, mais il a longtemps abrité une plaque commémorative à l’extérieur relatant l’opération de sauvetage qui s’y est déroulée.

« Le processus de création du musée avait également pour but d’impliquer la communauté dans le processus lui-même », a expliqué Gringold. L’historienne a évoqué la manière dont les personnes qui ont participé à la construction du musée ont été intégrées au processus.

Les ouvriers du bâtiment, les paysagistes, les concepteurs et les entrepreneurs qui ont travaillé sur le musée figurent dans l’exposition temporaire consacrée à la création du site pendant la pandémie mondiale. Chacune de ces personnes a appris des aspects de la Shoah aux Pays-Bas tout en participant à la création du musée de ses propres mains, a précisé Gringold.

Exposition temporaire sur la création du musée national de la Shoah des Pays-Bas à Amsterdam, le 7 mars 2024 (Crédit : Matt Lebovic/Times of Israel)

Dans tout le musée et de l’autre côté de la rue, au Théâtre de Hollande, on trouve des traces qui témoignent des liens entre la vie juive précédant la Shoah et la renaissance discrète de la communauté dans l’après-guerre. Des arbres ont par exemple été plantés dans la cour par quelques-uns des Juifs sauvés par l’école lorsqu’ils étaient enfants, et par leurs descendants.

La maquette originale de l’architecte israélien Daniel Libeskind pour le Monument aux noms est présentée presque à la fin de l’exposition permanente, à côté d’une photo de l’enfant rescapé Jacque Grishaver, qui a consacré des dizaines d’années à ce projet. Cette méta-approche de la mémoire néerlandaise de la Shoah est rafraîchissante et permet de se recentrer sur les victimes et les survivants.

Au départ, les voisins du parc de Wertheim ne voulaient pas du monument au nom de la Shoah, estimant qu’il serait trop intrusif pour le parc de Wertheim. C’est pourquoi, après des années de querelles juridiques et de collecte de fonds, le « Holocaust Namenmonument » a été inauguré à côté de l’Ermitage en 2021, près de la synagogue portugaise.

Le fondateur du « Holocaust Namenmonument », Jacques Grishaver, montre comment les visiteurs peuvent utiliser des téléphones intelligents pour accéder à l’emplacement des noms des victimes et des informations biographiques, décembre 2022 (Crédit : Matt Lebovic/Times of Israel)

Les efforts du musée pour expliquer et évoquer ce qui s’est passé lors de l’opération de sauvetage complexe des deux côtés de la rue bordée de tramways sont remarquables.

À l’aide de maquettes, d’audioguides et de témoignages, le parcours de sauvetage montre comment des centaines d’enfants ont été arrachés des bras de leurs parents du Théâtre de Hollande pour être conduits vers la liberté relative dans la campagne hollandaise. Le musée déploie de subtils dispositifs sonores et lumineux sur les lieux où se sont déroulés ces événements.

L’exposition permanente n’exclut pas le contexte européen du génocide. Les visiteurs découvrent comment les collaborateurs locaux de tout le continent ont contribué au « traitement spécial » des Juifs.

On montre par exemple comment s’est faite la transition de la « Shoah par balles » en Europe de l’Est vers les camps de la mort dotés de chambres à gaz fixes. Les Juifs ont été déportés vers ces installations industrielles de mise à mort à partir de sites tels que le camp de transit néerlandais de Westerbork.

Les Hollandais n’ont pas collaboré aux massacres en Ukraine ou dans les pays baltes. Aucun massacre de la Shoah n’a eu lieu en Europe occidentale. Des citoyens hollandais, hommes et femmes, ainsi que des organisations, ont au contraire choisi dans quelle mesure ils entendaient collaborer à la politique antijuive de l’Allemagne.

Le roi des Pays-Bas Willem-Alexander (à droite) et le président Isaac Herzog (deuxième à partir de la droite) s’adressent à un survivant de la Shoah lors de l’ouverture d’un nouveau musée à Amsterdam, le 10 mars 2024. (Crédit : Bureau du président)

Le musée fait une place aux autres groupes ciblés par les Allemands pour mettre en œuvre leur vision génocidaire du monde, y compris les victimes roms représentées à travers leur musique. Afin d’encourager les visiteurs à se montrer solidaires, des places d’honneur sont réservées aux Hollandais, hommes et femmes, ainsi qu’à un village entier, qui ont aidé à sauver des Juifs.

« J’ai dû faire des choix parce que 6 000 Hollandais ont été reconnus par Yad Vashem comme ayant sauvé des Juifs », a expliqué Gringold.

Les premiers Juifs néerlandais à être assassinés pendant la Shoah furent 400 jeunes hommes qui furent arrêtés et envoyés à Mauthausen en 1941. Ces arrestations brutales ont été amplement photographiées au coin du musée, devant la synagogue portugaise. Nombre de ces hommes ont ensuite été tués dans la tristement célèbre carrière de Mauthausen.

Dans le but de raconter des histoires par le biais d’artefacts, Gringold a conservé une pierre de Mauthausen pour le musée.

Une pierre de la carrière de Mauthausen au Musée national de la Shoah des Pays-Bas à Amsterdam, le 7 mars 2024 (Crédit : Matt Lebovic/Times of Israel)

« La pierre est également quelque chose que les personnes malvoyantes peuvent toucher et sentir », a déclaré Gringold.

Une autre caractéristique de l’esthétique du musée est le « papier peint du crime ».

La Shoah aux Pays-Bas étant étroitement liée aux fonctionnaires néerlandais qui transmettaient des ordres aux Juifs néerlandais, Gringold et les concepteurs ont utilisé des centaines de textes d’ordonnance originaux pour créer le papier peint de l’exposition permanente.

« En parcourant le musée, on s’aperçoit que le monde devient de plus en plus petit pour les Juifs », explique Gringold.

Dans la salle de clôture du musée, le papier peint sur mesure des mesures antijuives se poursuit jusqu’en 1945, quelques mois après l’invasion de la France voisine par les Alliés en juin 1944. Berlin avait alors déclaré les Pays-Bas « libres de Juifs » et il ne restait plus que quelques fonctionnaires et Juifs cachés.

En l’espace de deux ans, des fonctionnaires hollandais ont appliqué aux Pays-Bas des lois allemandes qui ont transformé une communauté juive vieille de plusieurs siècles en « transports » hebdomadaires de 1 000 Juifs déportés vers Auschwitz et Sobibor.

« Protégez votre démocratie », nous a répété Gringold.

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