Israël en guerre - Jour 341

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Opinion

Smotrich, l’inflexible qui veut la Défense

Que le chef de HaTzionout HaDatit insiste pour obtenir un haut-poste ministériel n'est pas surprenant : ce qui choque, c'est que Netanyahu ait seulement songé à lui en confier un

David est le fondateur et le rédacteur en chef du Times of Israel. Il était auparavant rédacteur en chef du Jerusalem Post et du Jerusalem Report. Il est l’auteur de « Un peu trop près de Dieu : les frissons et la panique d’une vie en Israël » (2000) et « Nature morte avec les poseurs de bombes : Israël à l’ère du terrorisme » (2004).

Le chef du parti Hatzionout Hadatit, Bezalel Smotrich, sort d'une rencontre de négociations de coalition avec le leader du Shas, Aryeh Deri, à Jérusalem, le 13 novembre 2022. (Crédit :  Yonatan Sindel/Flash90)
Le chef du parti Hatzionout Hadatit, Bezalel Smotrich, sort d'une rencontre de négociations de coalition avec le leader du Shas, Aryeh Deri, à Jérusalem, le 13 novembre 2022. (Crédit : Yonatan Sindel/Flash90)

Benjamin Netanyahu traverse une zone de turbulences alors qu’il tente de former sa coalition. A la tête d’un bloc de 64 sièges (droite, religieux et extrême-droite) qui a remporté une victoire décisive lors du scrutin du 1er novembre, il aurait initialement souhaité que l’investiture de ce gouvernement, le plus va-t-en-guerre de toute l’Histoire d’Israël, ait lieu dès mardi – lors de la prestation de serment des 120 membres de la nouvelle Knesset.

Malheureusement pour lui, cette année, comme cela avait été cas l’an dernier, il s’est heurté – et il se heurte encore – aux objections d’un idéologue d’extrême-droite implacable : Bezalel Smotrich.

Après les élections de 2021, Smotrich, le leader du parti HaTzionout HaDatit, avait empêché Netanyahu de former une coalition avec le soutien extérieur du parti islamiste Raam, ce qui signifie que ce dernier ne l’aurait pas intégré. Le positionnement irréductible de Smotrich avait alors privé Netanyahu d’une majorité et donc d’un gouvernement, donnant ainsi la possibilité à Yair Lapid et à Naftali Bennett de rassembler leur improbable et éphémère coalition de huit partis hétéroclites, et envoyant Netanyahu, Smotrich et leurs alliés rejoindre les bancs de l’opposition.

Aujourd’hui, Smotrich est de retour – et cette fois-ci, il est à la barre d’une alliance qui a gagné pas moins de 14 sièges. Une alliance, bâtie sous l’impulsion de Netanyahu lui-même et qui comprend notamment la faction Otzma Yehudit, la formation du provocateur et dangereux Itamar Ben Gvir. Et Smotrich, fort de ce succès, revendique aujourd’hui un portefeuille ministériel de premier plan – les Finances ou la Défense, ce dernier ayant sa préférence – et il veut aussi, paraît-il, avoir une autorité significative sur les initiatives concernant les implantations juives, indépendamment du poste qu’il sera amené à occuper.

Si Netanyahu avait déclaré dans le passé et à juste titre que Ben Gvir n’avait pas « les aptitudes nécessaires » pour occuper une fonction ministérielle, il a établi clairement, ces dernières semaines, avoir la conviction que le leader d’Otzma Yehudit pourrait passablement servir le pays en tant que ministre de la Sécurité intérieure – avec donc la perspective de voir un disciple de feu le rabbin extrémiste Meir Kahane, condamné à de multiples reprises, brandissant son arme à feu quand l’occasion se présente, avoir la charge de la police et prôner la prière juive sur le mont du Temple.

Mais le futur probable Premier ministre tenterait toutefois de résister à Smotrich concernant sa demande du portefeuille de la Défense, même s’il a précédemment envisagé cette idée. Et il a expliqué au leader de HaTzionout HaDatit, mardi soir, que ce poste ultra-sensible ne lui reviendrait pas, en partie en raison des objections faites par l’administration Biden.

Dans le cadre d’une tentative qui aurait visé à convaincre Smotrich de prendre la tête d’un ministère moins délicat – comme, peut-être, celui de la Justice, où Smotrich pourrait œuvrer à atteindre son objectif, qui est ni plus ni moins de neutraliser le système judiciaire – des informations qui ont apparemment fuité du Likud de Netanyahu, mercredi matin, ont laissé entendre que des pourparlers lancés pour négocier la formation d’un « gouvernement d’unité » avec de fervents critiques de Netanyahu – Lapid, le Premier ministre sortant et Benny Gantz, le ministre de la Défense sur le départ – progressaient. Inutile de préciser que toutes les parties ont démenti ces informations.

De son côté, Smotrich est connu, semble-t-il, pour sa nature inflexible. Il aurait déclaré à Netanyahu, mardi soir, qu’il ne rejoindrait pas la coalition sans prendre la tête du Trésor ou de la Défense – ses chefs rabbiniques l’encouragent à revendiquer ce dernier – et qu’il ne rejoindrait pas non plus la coalition à moins qu’elle ne s’engage à faire avancer l’ordre du jour pour lequel il a été élu. Netanyahu a rencontré mercredi le leader du Shas, Aryeh Deri, apparemment pour le persuader de renoncer au ministère des Finances en faveur de Smotrich.

Si le caractère implacable de Smotrich n’est pas surprenant, ce qui l’est davantage est de constater une réalité : Netanyahu a été prêt à envisager de lui confier le ministère de la Défense. Mais peut-être que rien ne devrait finalement nous choquer dans la mesure où il a été également prêt à donner à Ben Gvir celui de la Sécurité intérieure, et qu’il est prêt à offrir à Deri, un délinquant financier récidiviste, celui du Trésor. Mais Smotrich est un intolérant radical et fier de l’être – il est anti-arabe, anti-gay, anti-judaïsme autre qu’orthodoxe – et son objectif ultime, il ne le cache pas (au contraire), est de faire d’Israël une théocratie juive.

Le leader du Likud Benjamin Netanyahu avec le leader de Hatzionout HaDatit, Bezalel Smotrich pour une photo des chefs de parti pendant la cérémonie d’investiture de la 25e Knesset, le 15 novembre 2022. (Crédit : Olivier Fitoussi/Flash90)

Il a aussi été emprisonné pendant trois semaines en tant que membre d’une cellule qui aurait programmé d’attaquer des automobilistes sur l’autoroute d’Ayalon, dans le centre d’Israël, pour protester contre le désengagement de Gaza, en 2005. La cellule était alors en possession de 700 litres d’essence, avait fait savoir la police. Il n’avait finalement pas été mis en examen parce que l’agence de sécurité intérieure du Shin Bet avait préféré protéger ses sources et qu’à cette fin, toute idée de poursuite devant la justice avait été abandonnée.

Avant le scrutin, Netanyahu avait annoncé qu’il avait l’intention de conserver les trois ministères les plus importants – Affaires étrangères, Défense et Finances – pour les confier à des membres de son parti du Likud, fort de 32 sièges. Or, la dernière performance électorale de HaTzionout HaDatit a franchement enhardi Smotrich – qui semble aujourd’hui oublier que sa faction semblait courir le danger de ne pas franchir le seuil électoral quand Netanyahu avait négocié son alliance avec Otzma Yehudit, Ben Gvir, ouvrant un nouvel horizon souriant à l’extrême-droite – et complique aujourd’hui les calculs de Netanyahu.

Netanyahu a déclaré au cours des festivités qui ont eu lieu mardi à la Knesset que son gouvernement serait « bientôt » investi. Si tel est le cas, il devra apprendre à côtoyer ce tigre de l’extrême-droite qu’il a lui-même libéré de ses chaînes avec des conséquences potentiellement ravageuses pour Israël, au sein du pays et à l’étranger – sur tous les sujets, qu’il s’agisse des relations avec la Diaspora, des liens avec les États-Unis, de la coopération sécuritaire complexe avec l’Autorité palestinienne ou de l’état de droit au sein de l’État juif. Mais à l’heure actuelle, il n’y pas d’autre configuration de gouvernement possible, vu qu’aucun autre parti n’est prêt à les rejoindre.

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