Trump a ébranlé Netanyahu en soutenant la solution à deux États
La déclaration du président américain selon laquelle il apprécie la solution à deux États n’exclut néanmoins pas les réserves que le dirigeant israélien a toujours exigées

David est le fondateur et le rédacteur en chef du Times of Israel. Il était auparavant rédacteur en chef du Jerusalem Post et du Jerusalem Report. Il est l’auteur de « Un peu trop près de Dieu : les frissons et la panique d’une vie en Israël » (2000) et « Nature morte avec les poseurs de bombes : Israël à l’ère du terrorisme » (2004).

Les entretiens entre le Premier ministre Benjamin Netanyahu et le président Barack Obama ont souvent été extrêmement difficiles.
Si les remarques d’introduction ainsi que les réponses aux questions des journalistes étaient cordiales, voire amicales, leur langage corporel pour le moins rigide disait souvent autre chose. Et, à la lecture de leurs entretiens en coulisses, apparaissait souvent une tension entre les deux dirigeants, chacun pensant que l’autre avait fondamentalement mal compris les orientations des dossiers internationaux et n’avait pas choisi la meilleure façon de défendre les intérêts de leurs pays.
Entre Netanyahu et le président Donald J. Trump, les gestes et la substance sont totalement différents. Comme en témoigne la brève rencontre de mercredi tenue en marge de l’Assemblée générale des Nations unies, les propos tenus à destination du public sont clairement chaleureux. Les deux dirigeants sont tout simplement à l’aise ensemble. À ce jour, en coulisses, aucun désaccord politique majeur n’a encore été signalé.
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Et pourtant, une tension existe néanmoins lors de telles sessions – ceci en raison de la capacité de Trump à surprendre avec une phrase ou deux glissées ici ou là, ou quelques mots inattendus.
Comme M. Trump l’a expliqué dans ses remarques d’introduction mercredi, il soutient instinctivement et pleinement Israël : « Nous sommes avec vous, nous sommes avec Israël, à 100 % », a-t-il déclaré.
Et Netanyahu n’en doute pas : « L’alliance américano-israélienne n’a jamais été aussi forte », a-t-il déclaré.
« Elle est plus forte que jamais sous votre direction et je suis impatient de travailler avec vous et votre équipe afin de faire avancer nos intérêts communs – sur la sécurité, la prospérité et la paix avec les voisins d’Israël dans la région. Et nous pouvons le faire avec vous. »
Néanmoins, deux courts moments auraient pu pousser Netanyahu à faire preuve de davantage de distance.
Israël traverse actuellement une grave crise dans ses relations avec la Russie. Le président Vladimir Poutine a, lors d’un appel téléphonique avec Netanyahu, accusé une « chaîne de circonstances accidentelles tragiques » suite à la destruction d’un avion militaire russe par des tirs de missiles syriens juste après une attaque aérienne israélienne sur un site d’armement en Syrie. Depuis, aux yeux de Moscou, la responsabilité de cet incident, dans lequel 15 de ses militaires ont été tués, repose uniquement sur Israël.
Jeudi dernier, une délégation militaire israélienne a rapporté aux chefs militaires russes leur version des faits et est rentrée convaincue que les Russes avaient été eux-mêmes convaincus.
Au contraire.
Moscou accuse Israël de mentir – de ne pas avoir suffisamment averti la Russie avant l’attaque, de ne pas avoir correctement annoncé la zone ciblée et d’avoir utilisé l’avion militaire russe comme couverture pour son attaque. La dénégation amère d’Israël face à toutes ces allégations n’a pas impressionné Moscou, qui a annoncé qu’il allait livrer des systèmes avancés de défense anti-aérienne S-300 au régime barbare d’Assad tout en introduisant d’autres mesures visant à compliquer les frappes aériennes israéliennes – des frappes aériennes qu’Israël considère comme indispensable afin d’empêcher la livraison d’armes de pointe au groupe terroriste du Hezbollah et empêcher l’Iran de renforcer sa présence militaire en Syrie.
Alors que les relations entre Jérusalem et Moscou sont au plus mal, Israël aurait certainement souhaité un geste de la part du président américain afin de souligner l’importance de sa liberté d’action contre les cibles iraniennes et pro-iraniennes en Syrie.
Et Trump, si énergique dans ses condamnations contre l’Iran, serait probablement prêt et disposé à le faire. Ce qui est intéressant dans leur brève conférence de presse, c’est que, sur ce point, le président américain a indiqué qu’il ne savait pas bien ce qu’il s’était passé ces derniers jours – « Je n’en ai pas entendu parler », a-t-il dit au sujet de l’armement S-300 – et a fourni une réponse plutôt vague quand il a été interrogé sur cette crise. Il a simplement indiqué qu’il parlerait à Poutine « si c’est approprié, au moment où ce sera approprié. Alors oui, je le ferai ».
Sans aucun doute, la délégation israélienne a discuté de la question en détail lors de leurs conversations privées afin qu’ils s’accordent sur la meilleure approche. L’imprécision du commentaire de Trump à cet égard n’aura donc pas outre mesure perturbé Netanyahu.
A lire : Trump a donné des garanties sur la liberté des opérations israéliennes en Syrie
Ce qui l’a choqué davantage, c’est l’approbation répétée et explicite de Trump à la solution à deux États. Il s’agit là du résultat final escompté du président américain dans un accord de paix israélo-palestinien.

Trump n’avait pas exclu jusqu’à présent un accord avec deux États, mais il ne l’avait pas déjà présenté avec insistance comme étant l’un de ses objectifs.
Lors d’une réunion précédente avec Netanyahu à la Maison Blanche en février 2017, sa première en tant que président, Trump avait déclaré avec enthousiasme : « Je regarde [les solutions à] deux États et à un État, et j’aime celle que les deux parties aiment. »
Mercredi, en revanche, il a précisé : « J’aime la solution à deux États » et a ajouté : « C’est ce qui, à mon avis, fonctionne le mieux. Je n’ai même pas à parler à qui que ce soit, c’est mon sentiment. »
Reconnaissant que ce n’était peut-être pas précisément ce que Netanyahu voulait entendre, il a fait signe au Premier ministre et a déclaré : « Désormais, vous avez peut-être un sentiment différent – enfin je ne pense pas –, mais j’estime que la solution à deux États fonctionne le mieux. »
Netanyahu, qui n’a pas répondu, pourrait effectivement avoir un sentiment différent. Il a longtemps subordonné son soutien à l’indépendance palestinienne à des réserves, estimant que la pleine souveraineté des Palestiniens, dans le modèle international coutumier, placerait Israël dans une situation de risque insoutenable.
Par exemple, lors d’une réunion avec des dirigeants européens à Bruxelles en décembre 2017, il a été demandé à Netanyahu s’il acceptait la solution des deux États. Il a répondu en demandant aux responsables de quel type d’État palestinien il s’agirait : « Serait-ce le Costa Rica ou le Yémen ? » Parmi les conditions qu’il a exposées ce jour-là, il a listé une série d’arrangements sécuritaires pour Israël et demandé à ce que les Palestiniens reconnaissent Israël en tant qu’État juif. Suite à cette réunion à Bruxelles, il a déclaré aux journalistes avoir demandé aux ministres des Affaires étrangères de l’UE : « Combien de fois avez-vous parlé des implantations ? Et combien de fois avez-vous demandé aux Palestiniens de reconnaître Israël en tant qu’État juif ? »

Ses entretiens à Bruxelles avec les responsables de l’UE ont été organisés quelques jours après que Trump eut reconnu Jérusalem comme capitale d’Israël. Comme toujours, le Premier ministre a été élogieux envers le président américain. En expliquant clairement aux Palestiniens que Jérusalem est la capitale de l’Etat juif, « Trump leur a dit la vérité », avait déclaré Netanyahu.
L’approbation de Trump à deux États laisse une grande marge de manœuvre. Le président américain n’a exclu aucune des mises en garde de Netanyahu. Mais, accompagnée de la déclaration du président selon laquelle il espère négocier un accord avant la fin de son premier mandat, ses propos n’ont sans doute pas été une douce mélodie aux oreilles de Netanyahu. S’il ne les a sûrement pas trouvés aussi choquants que tout ce qu’il a pu entendre durant l’ère Obama, il a néanmoins dû rester troublé.
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