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Carnet du journaliste

Un hôtelier arabe de la Vieille Ville menacé d’expulsion demande 10 minutes à Biden

Pour Dajani, qui loue l'hôtel Imperial depuis 1949, "le patrimoine palestinien est en danger" ; pour le nouveau locataire Ateret Cohanim : "Les Juifs ont le droit de vivre partout"

Sue Surkes

Sue Surkes est la journaliste spécialisée dans l'environnement du Times of Israel.

L'hôtel Impérial (à gauche) et l'auberge Petra (à droite), situés entre la porte de Jaffa et le marché arabe dans la Vieille Ville de Jérusalem, le 21 juin 2022. (Crédit : Sue Surkes/Times of Israel)
L'hôtel Impérial (à gauche) et l'auberge Petra (à droite), situés entre la porte de Jaffa et le marché arabe dans la Vieille Ville de Jérusalem, le 21 juin 2022. (Crédit : Sue Surkes/Times of Israel)

Le gérant d’un hôtel de la Vieille Ville dont le bail a été racheté par une organisation juive d’extrême droite souhaiterait que le président américain Joe Biden accorde « ne fut-ce que dix minutes » aux chefs religieux lors de sa visite en Israël le mois prochain pour entendre leurs préoccupations et les rassurer que la chrétienté restera protégée à Jérusalem.

Abu el-Walid Dajani, 78 ans, est le gérant de l’hôtel Imperial, un établissement de 44 chambres, qui avait été construit dans la Vieille Ville derrière la porte de Jaffa pour accueillir les officiers du Kaiser Wilhelm d’Allemagne, en visite officielle dans la ville en 1898.

En 1963, M. Dajani et son frère ont repris la gestion de l’établissement de leur père, qui avait loué le bâtiment au patriarcat grec orthodoxe en 1949. Les enfants de Dajani envisagent de leur succéder.

En 2004, dans des circonstances très contestées, le Patriarcat, qui est propriétaire du bâtiment et du terrain sur lequel il a été construit, a vendu les baux à long terme de l’hôtel Impérial (pour 1,25 million de dollars), du Petra Hostel situé juste à côté (500 000 dollars) et d’une troisième propriété située dans le quartier chrétien, appelée Muzamiya House (55 000 dollars), à trois sociétés écrans enregistrées dans les îles Vierges britanniques et liées à Ateret Cohanim.

Ateret Cohanim est une organisation sioniste religieuse qui se donne pour mission d’installer des Juifs dans des bâtiments n’appartenant pas à des Juifs dans la Vieille Ville et ses environs.

Les querelles juridiques concernant la vente ont pris fin au début du mois lorsque la Cour suprême a confirmé la décision d’un tribunal inférieur de ne pas rouvrir le dossier ni de bloquer le transfert des droits sur les trois bâtiments à l’organisation juive.

Sur la photo du 21 juin 2022, Abu el-Walid Dajani, gérant de l’hôtel Imperial à l’intérieur de la porte de Jaffa, dans la Vieille Ville de Jérusalem, montre une copie d’un article paru en 2005 dans le journal Maariv, qui révélait la vente du bail de l’hôtel l’année précédente à une société écran agissant au nom d’Ateret Cohanim. (Crédit : Sue Surkes/Times of Israel)

Dans un message adressé à Biden, Dajani a déclaré : « Lorsque vous viendrez à Jérusalem, la priorité sera de rencontrer pendant dix minutes les chefs d’églises pour les écouter et les rassurer, eux et la chrétienté en Terre Sainte. »

Dajani se bat actuellement dans deux procès, a confirmé l’avocat du Patriarcat, Assad Mazzawi.

Dans le premier, au tribunal de district de Jérusalem, on exige que Dajani paie un loyer aux nouveaux propriétaires du bail de 10 millions de shekels pour couvrir les frais de locations depuis 2004.

Dans le second, qui se déroule devant le tribunal de première instance de Jérusalem, il s’agit d’une affaire d’expulsion. Dajani, selon Mazzawi, bénéficie d’un statut de locataire protégé en vertu de la législation de 1972, qui accorde ce statut à tout locataire ayant commencé à louer une propriété avant le 20 août 1968, ou à toute personne ayant versé un pas-de-porte à tout moment. Si le locataire protégé décède, sa femme hérite de ce statut, et à son décès, ce sont les enfants qui en héritent, explique Mazzawi.

Abu el-Walid Dajani tient un ordre d’expulsion de 800 pages dans son bureau de l’hôtel Impérial dans la Vieille Ville de Jérusalem, le 21 juin 2022. (Crédit : Sue Surkes/Times of Israel)

« L’expulsion est un tsunami pour moi », a déclaré Dajani, ajoutant que l’hôtel faisait vivre 11 familles.

Dajani, un musulman qui a déclaré que sa famille vivait en Palestine depuis 700 ans, notamment dans 14 propriétés du quartier de la Colonie allemande de Jérusalem-Ouest jusqu’en 1948, a affirmé que l’hôtel et l’argent n’avaient aucune importance par rapport à la menace qui pèse sur le « patrimoine chrétien et palestinien » du quartier de la Porte de Jaffa.

« La porte de Jaffa a été violée », a-t-il déclaré. « Où est le monde chrétien, le monde musulman, dans cette affaire ? »

« J’ai écrit aux rois et aux chefs d’État et je reçois des lettres de sympathie. Mais la sympathie et la solidarité ne suffisent pas. Je ne peux pas me présenter seul devant ces gens. Les chefs d’État doivent faire pression sur le gouvernement israélien afin de sécuriser ces propriétés. Cet accord n’a pas été conclu de bonne foi. »

Une photo d’Abu el-Walid Dajani (à droite) et du patriarche grec orthodoxe Theophilus lll sur le mur de l’hôtel Impérial dans la Vieille Ville de Jérusalem, le 21 juin 2022. Theophilus est devenu patriarche après la vente du bail. (Crédit : Sue Surkes/Times of Israel)

Dajani a déclaré que le patriarche latin passait quotidiennement devant l’hôtel pour se rendre à l’église du Saint-Sépulcre et que celui-ci craignait qu’à l’avenir, si Ateret Cohanim parvenait à prendre le contrôle du bâtiment, « les étudiants de yeshiva lui jetteraient des tomates et des œufs pourris, tant la haine est grande. »

Alors que l’hôtel Impérial affichait un taux d’occupation de 90 % selon M. Dajani, le Petra Hostel, situé quelques portes plus loin, était calme.

Entrée du Petra Hostel à l’entrée du marché arabe dans la Vieille Ville de Jérusalem, le 21 juin 2022. (Crédit : Sue Surkes/Times of Israsel)

Le responsable de l’auberge, qui n’a pas révélé son nom et a interdit toute photographie, n’a pas voulu dire combien de chambres étaient occupées.

Montrant une porte fermée à clé, il a déclaré qu’Ateret Cohanim avait repris 18 chambres au rez-de-chaussée fin mars, lui laissant 26 chambres aux étages supérieurs, dont seulement 10 qu’il pouvait utiliser car il n’était « pas autorisé à rénover » tant que des affaires judiciaires étaient en cours.

Mazzawi a expliqué que l’auberge Petra est divisée en deux sections. Une procédure de faillite est en cours contre la société qui gérait la section supérieure, où se trouvait le responsable.

L’auberge Petra près de la porte de Jaffa dans la Vieille Ville de Jérusalem. (Crédit : Gabrielw.tour/CC BY-SA 3.0/Wikimedia Commons)

La section du rez-de-chaussée, connue sous le nom de Little Petra, est occupée par des Juifs depuis le 27 mars. La société écran qui s’y trouve a obtenu un ordre d’expulsion en février, après une lutte de 11 ans, a-t-il expliqué. Mais la bataille se poursuit parce que le dossier d’expulsion n’a pas nommé la fille du titulaire du bail initial, qui affirme qu’on ne peut pas la forcer à partir.

La famille Daween, qui vit dans le troisième bâtiment dont le bail a été vendu, bénéficie également d’une protection locative, selon Mazzawi.

Daniel Luria, PDG d’Ateret Cohanim, qui a déclaré qu’il ne pouvait pas parler des trois immeubles tant que la procédure judiciaire était en cours, estime qu’il n’y a pas de différence entre les Arabes qui achètent des biens immobiliers dans les quartiers juifs de Jérusalem (quelque 4 000 personnes l’ont fait et il n’y a « rien de mal à cela ») et les Juifs qui achètent des biens à des musulmans ou à des chrétiens dans la Vieille Ville et ses environs.

Daniel Luria, CEO d’Ateret Cohanim, le 21 juin 2022. (crédit : Sue Surkes/Times of Israel)

Dans le cas de l’hôtel Impérial, il a soutenu que « personne n’est mis à la porte ». En ce qui concerne le Petra Hostel, le rachat du bail signifie un « retour à une propriété juive », a-t-il déclaré.

Le Petra Hostel a été construit par un juif de Gibraltar nommé Yosef Amzaleg, a-t-il dit. Amzaleg l’a ensuite vendue au patriarche grec orthodoxe, qui l’a louée à un autre juif, Yerachmiel Amdursky.

Poussé par un violent tremblement de terre en 1927 (qui a laissé sa marque sur l’un des linteaux de fenêtre de l’hôtel) ou par des émeutes arabes en 1929, Amdursky a plié bagage et transféré son hôtel dans la rue Ben Yehuda à Jérusalem Ouest en 1931. En 1948, il a été détruit par une voiture piégée.

Selon Luria, « lorsque l’Église grecque a acquis [le Petra Hotel], personne n’a dit qu’elle mettait les Juifs à la porte ».

Ateret Cohanim a installé un millier de familles juives dans les quartiers musulmans et chrétiens de la Vieille Ville, 150 familles sur le Mont des Oliviers, environ 40 familles dans une zone autrefois juive du quartier majoritairement palestinien de Silwan, et 10 familles à Kidmat Zion, qui jouxte le quartier palestinien d’Abu Dis.

En vertu des accords d’Oslo de 1994, Abu Dis avait été envisagé comme capitale palestinienne.

Luria a déclaré qu’un projet de construction d’un quartier à Kidmat Zion, un terrain vague actuellement, serait déposé dans les semaines à venir.

« Les Juifs, en particulier, en tant que peuple autochtone ici, ont le droit naturel, historique et éthique de pouvoir acheter et vivre dans n’importe quel centimètre ou pouce dans et autour de Jérusalem et partout en Terre d’Israël », a-t-il déclaré.

Les ventes de propriétés à Jérusalem sont parmi les plus controversées au monde sur le plan politique.

Israël s’est emparé de Jérusalem-Est, principalement palestinienne, lors de la guerre des Six Jours en 1967 et a ensuite étendu sa souveraineté sur cette ville, une décision qui n’a jamais été reconnue par la communauté internationale. Il considère désormais la totalité de Jérusalem comme sa capitale, en invoquant le lien historique et biblique des Juifs avec cette ville.

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