Un responsable de l’UNRWA dit défendre à la fois Israël et les Palestiniens
En tant que diplomate américain, Peter Mulrean a combattu les préjugés anti-israéliens à l'ONU ; aujourd'hui, il défend son agence contre les coupes drastiques de son ancien patron

NEW YORK – Il y a quelques années à peine, Peter Mulrean défendait Israël dans ce qui est sans doute l’un des environnements diplomatiques les plus hostiles à l’État juif.
En 2013, en tant qu’ambassadeur adjoint des États-Unis auprès du Conseil des droits de l’homme des Nations unies à Genève, il a salué Jérusalem pour son « engagement ferme et son bilan en matière de défense des droits de l’homme, des libertés politiques et des libertés civiles ».
Aujourd’hui, M. Mulrean est un haut fonctionnaire de l’UNRWA, l’agence des Nations Unies qui s’occupe des réfugiés palestiniens. Une institution que le gouvernement américain a récemment qualifiée d’ « irrémédiablement défectueuse ».
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Depuis son bureau situé juste en face du siège de l’ONU à Turtle Bay à Manhattan, Mulrean fait la promotion de l’agence sur la plus grande scène internationale du monde.
Le directeur du bureau de représentation de l’UNRWA à New York dénonce les récentes réductions budgétaires de l’administration américaine et rejette avec véhémence l’argument souvent avancé selon lequel l’agence perpétue le problème des réfugiés palestiniens et fait obstacle à une solution réaliste au conflit israélo-palestinien.

Mais il maintient également les choses positives qu’il avait l’habitude de dire à propos d’Israël dans sa fonction précédente.
« Dans les deux cas, je faisais mon travail. Dans les deux cas, j’ai toujours cru fermement aux politiques que je menais », a-t-il déclaré au Times of Israel lors d’une récente interview accordée en septembre en marge de l’Assemblée générale de l’ONU.
M. Mulrean, qui a été ambassadeur des États-Unis en Haïti avant de quitter les Affaires étrangères l’année dernière après trois décennies, a déclaré qu' »à de nombreuses reprises, j’ai pris fait et cause pour Israël dans différents dossiers ». Par exemple, il dit avoir fait avancer l’adhésion d’Israël au sein du Groupe des États d’Europe occidentale, et d’autres entités au sein du Conseil des droits de l’homme en 2013.
Jusque-là, l’État juif n’était admis dans aucun groupe régional au sein du conseil, simplement parce que le groupe Asie-Pacifique refusait de l’accepter.
« C’était une injustice. Israël ne devait pas être exclu d’un groupe régional », a affirmé M. Mulrean.
« Ce n’est pas un tout ou rien. J’ai visité Israël plusieurs fois. Israël est un pays fascinant ; il possède un grand nombre des attributs dynamiques d’une démocratie qui sont importants, et nous aimerions voir Israël réussir. »
En même temps, a-t-il ajouté, « nous aimerions aussi que les réfugiés de Palestine, qui continuent à être des réfugiés depuis tout ce temps, aient une place. Tout comme je croyais au travail que je faisais alors, je crois au travail que je fais maintenant. Je crois que c’est une mission importante. »
Il y a actuellement cinq millions de réfugiés palestiniens « qui se trouvent dans une situation très difficile », a poursuivi M. Mulrean.
« Nous voulons voir ces gens aller de l’avant aussi. Nous ne sommes pas une organisation politique, nous n’avons pas d’opinion sur ce à quoi devrait ressembler une solution. Mais nous espérons qu’une solution politique sera trouvée pour que les Israéliens et les Palestiniens puissent s’entendre pacifiquement et reprendre leur vie en main. »

M. Mulrean a été consterné par la décision américaine de retirer tout financement à l’UNRWA à la fin août, lorsque son ex-employeur a critiqué sa nouvelle organisation qui gère « une population de bénéficiaires en constante expansion et exponentielle », et son modèle économique « non viable ».
Les coupes opérées par les États-Unis « sont arrivées du jour au lendemain », a-t-il dit, notant que de hauts responsables de la Maison Blanche et du Département d’État s’étaient dits « satisfaits » de l’agence lors de réunions tenues à Washington il y a quelques mois seulement.
Il faut en conclure qu’il s’agit d’une décision politique, ce qui est profondément préoccupant parce que c’est une politisation de l’aide humanitaire
En effet, le 7 décembre 2017, l’UNRWA et les États-Unis ont signé un nouvel accord de coopération, dans lequel l’administration s’est engagée « à poursuivre son partenariat avec l’UNRWA pour aider les réfugiés enregistrés auprès de l’agence, et les autres personnes relevant de son mandat jusqu’à la conclusion d’un accord de paix global et durable et la fin de son mandat ».
Quelques semaines plus tard, le gouvernement a annoncé qu’il ne donnerait que 60 millions de dollars à l’agence en 2018, soit 300 millions de moins que les années précédentes.
Puis, le 31 août dernier, le département d’État a annoncé qu’il n’était « plus disposé à assumer la part très disproportionnée des dépenses de l’UNRWA que nous avions supportées pendant de nombreuses années ».
« Nous ne pouvons que supposer que c’est pour des raisons politiques que les États-Unis ont réduit leur aide à l’UNRWA », a dit M. Mulrean, suggérant que les réductions drastiques étaient liées à la reconnaissance de Jérusalem comme capitale d’Israël par le président Donald Trump le 6 décembre 2017 et aux désaccords subséquents entre Washington et Ramallah.

« Les États-Unis ont toujours été non seulement le plus généreux contributeur à l’aide humanitaire, mais aussi l’un des plus grands défenseurs des principes humanitaires, dont l’un est que les décisions se prennent en fonction des besoins et non des programmes politiques. »
Au cours de l’entretien, M. Mulrean, un Bostonien de souche, a souligné à plusieurs reprises que l’UNRWA est une organisation humanitaire qui ne soutient aucune opinion politique et ne prend aucune position sur ce que devrait être une solution future pour le conflit israélo-palestinien.
Par ailleurs, il rejette catégoriquement les affirmations, souvent faites par des partisans d’Israël, selon lesquelles l’UNRWA fait partie du problème car elle accorde le statut de réfugié aux descendants des Palestiniens qui ont quitté leur foyer immédiatement après la création d’Israël.

Les détracteurs affirment qu’au lieu d’essayer de réinstaller ces personnes dans leur pays d’accueil actuel – où sont nés la plupart de ceux qui sont encore en vie – l’UNRWA perpétue ainsi l’idée que les réfugiés palestiniens reviendront un jour dans leurs maisons qui se trouvent maintenant sur le sol israélien.
Si l’UNRWA devait adopter les mêmes définitions que celles que le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) applique pour déterminer le statut des réfugiés d’autres parties du monde, des millions de Palestiniens perdraient leur statut de réfugié, selon les experts.
M. Mulrean avait des réticences à comparer et à trancher la question de la définition d’un réfugié selon les différentes agences des Nations unies, mais il n’était pas du tout d’accord avec l’idée selon laquelle les Palestiniens bénéficient d’un traitement exceptionnel.
« Il semble y avoir un malentendu flagrant sur ce que fait l’UNRWA en termes de transmission du statut aux générations futures, et sur ce que fait le HCR. Parce que le HCR fait exactement la même chose », a insisté M. Mulrean. « Il y a des réfugiés afghans, y compris des enfants et petits-enfants qui ont obtenu le statut de réfugié. »
Dans les « situations de longue durée » dans le monde entier, le HCR transmet le statut de réfugié de génération en génération, a ajouté l’ancien diplomate.
Même le Secrétaire général des Nations Unies, Antonio Guterres, a déclaré à plusieurs reprises qu’il n’y a pas de différence substantielle entre la manière dont l’ONU traite les réfugiés des différentes régions du monde, a dit M. Mulrean. « C’est fondamentalement la même chose. »
M. Mulrean a reconnu que l’UNRWA ne s’occupe que d’une seule population de réfugiés, alors que le HCR s’occupe de tous les autres réfugiés du monde. La raison de cette différence réside dans le fait que l’Assemblée générale des Nations unies a voté en 1949 la création de l’UNRWA dans le seul but d’aider les réfugiés palestiniens, avant que le HCR ne soit fondé un an plus tard pour s’occuper des autres réfugiés », a-t-il fait observer.
L’UNRWA devait fonctionner « pour une durée limitée dans le temps », mais l’Assemblée générale a renouvelé son mandat tous les trois ans depuis lors », a expliqué Mulrean. L’agence ne peut être fermée ou regroupée avec le HCR que si une majorité au sein de l’Assemblée générale se prononce en faveur d’une telle décision.

M. Mulrean a ajouté que le conflit israélo-palestinien se poursuit non pas en raison des définitions de l’UNRWA concernant les réfugiés, mais parce que les dirigeants des deux parties n’ont pas encore trouvé une solution politique.
« Les réfugiés ne veulent pas naître réfugiés, ni rester réfugiés à vie. C’est l’absence d’une solution politique qui crée cela », a-t-il déclaré.
« Je rejette totalement l’idée que c’est l’UNRWA qui perpétue le problème des réfugiés. C’est l’absence de solution politique qui perpétue la situation des réfugiés », a déclaré M. Mulrean.
« L’UNRWA a été créée pour fournir des services à ces réfugiés jusqu’à ce qu’une solution juste et durable soit trouvée. C’est ce que nous continuerons à faire jusqu’à ce que l’Assemblée générale en décide autrement. »
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