Une enquête ouverte sur le candidat de Netanyahu à la tête de la fonction publique
Yehudah Cohen avait ignoré les instructions du Grand Rabbinat au moins 3 fois ; sa nomination au poste de commissaire intérimaire constituerait un "conflit d'intérêts sans précédent", selon l'organisation ITIM
Jeremy Sharon est le correspondant du Times of Israel chargé des affaires juridiques et des implantations.
Le candidat choisi par le Premier ministre Benjamin Netanyahu pour occuper le poste de commissaire à la fonction publique fait l’objet d’une enquête disciplinaire ouverte par la commission chargée de la fonction publique elle-même. Elle examine actuellement des actes qui ont été commis dans le cadre des fonctions assumées par Yehudah Cohen lorsqu’il était directeur général du Grand Rabbinat, en violation du règlement de cette institution.
Netanyahu a annoncé mardi qu’il cherchait à nommer Cohen au poste de commissaire de la fonction publique par intérim, depuis que la Cour suprême a jugé la semaine dernière que le processus de désignation choisi par le gouvernement pour nommer un commissaire permanent était invalide.
Mais le bilan de Cohen a été entaché par au moins trois affaires dans lesquelles il avait enfreint les règles du Grand Rabbinat pour accorder le statut « approuvé par le rabbinat » à des institutions ou à des individus. Il avait également procédé à une nomination en contournant la procédure appropriée.
À la suite de l’une de ces affaires, une enquête disciplinaire avait été ouverte à l’encontre de Cohen, il y a environ dix-huit mois. Si des témoignages ont été recueillis, aucune décision définitive n’a encore été rendue publique dans ce dossier.
Dans le cadre d’un recours déposé devant la Haute Cour par l’organisation religieuse ITIM, qui dénonçait les agissements de Cohen, le Grand Rabbinat avait reconnu avoir agi de manière inappropriée.
Cohen n’avait pas encore répondu à une demande de commentaires sur cette affaire au moment de l’écriture de cet article.

Le commissaire à la fonction publique supervise l’ensemble des fonctionnaires de la fonction publique, qui assure les services publics dans le pays. Il a autorité sur les nominations, les promotions et les licenciements des hauts fonctionnaires, sur la répartition des tâches au sein de ses services et sur les procédures disciplinaires.
Netanyahu avait tenté de nommer le directeur général du ministère des Affaires étrangères, Eden Bar Tal, à ce poste au début du mois, mais il n’avait pas consulté la procureure générale, qui s’était opposée à cette nomination. Netanyahu avait alors retiré sa proposition. Mardi, il a fait part à la procureure générale de son souhait de nommer Cohen et il lui a demandé son avis juridique.
Dans une lettre adressée mardi à la procureure générale, l’ITIM a accusé Cohen de « pratiques illégales systématiques et de mépris constant des avis juridiques et des dispositions légales ». L’organisation a également affirmé qu’il y aurait un « grave conflit d’intérêts » à nommer à titre intérimaire à la tête de la fonction publique une personne faisant l’objet d’une enquête disciplinaire de la part de la commission en charge de la fonction publique.
« La nomination d’une personne faisant l’objet d’une enquête de la part de la commission de la fonction publique pour des fautes disciplinaires présumées qui auraient été commises dans l’exercice de ses fonctions […] constitue un conflit d’intérêts grave et sans précédent. Il n’est pas possible qu’une personne faisant l’objet d’une enquête de cette instance soit placée à la tête de celle-ci », a écrit l’ITIM dans sa lettre adressée à la procureure générale.
La première plainte déposée à l’encontre de Cohen en tant que directeur général du Grand Rabbinat avait été soumise en septembre 2023. Il avait ajouté deux tribunaux rabbiniques étrangers à la liste des tribunaux agréés par le Grand Rabbinat pour procéder à des conversions au judaïsme, sans avoir suivi les procédures nécessaires pour valider ces derniers.
Le Grand Rabbinat a été extrêmement strict dans la détermination des tribunaux rabbiniques orthodoxes reconnus par ses soins concernant l’enregistrement des mariages en Israël. Cependant, Cohen n’avait pas respecté ces procédures et il avait ajouté les deux tribunaux rabbiniques à la liste approuvée en septembre 2023.
Le Grand Rabbinat a reconnu cette violation de procédure dans sa réponse au recours déposé par l’ITIM devant la Haute Cour et il a accepté de recommencer le processus de reconnaissance, sous la supervision du service juridique du Grand Rabbinat.
L’enquête disciplinaire ouverte par la commission de la fonction publique à l’encontre de Cohen portait sur cette affaire.
Lors d’un deuxième fait survenu en août 2024, Cohen avait été impliqué dans l’ajout de plusieurs personnes à la liste du Grand Rabbinat des personnes autorisées à célébrer des mariages juifs en Israël, tout en excluant illégalement le service juridique du Grand Rabbinat de ce processus.
Enfin, en septembre 2024, Cohen avait participé à la nomination du chef d’une équipe chargée de la shechita – l’abattage rituel selon les règles de la casheroute – à l’étranger, une fois de plus en violation des instructions du conseiller juridique du Grand Rabbinat.
La Haute Cour a également sévèrement critiqué les actions de Cohen dans le cadre d’un recours déposé à ce sujet.
« La nomination au poste ‘d’administrateur en chef’ de la commission de la fonction publique d’une personne sur laquelle pèsent des doutes aussi sérieux quant à son comportement dans l’exercice de ses fonctions en matière de bonne gouvernance est tout à fait déraisonnable », a écrit l’ITIM.