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Interview

Une fusillade meurtrière met à l’épreuve le calme relatif du sud de la Cisjordanie

Une économie "stable" et une présence militaire à Hébron empêchent jusqu'à présent des flambées comme celles observées dans d'autres parties des Territoires palestiniens

Emanuel Fabian est le correspondant militaire du Times of Israël.

Un véhicule militaire roulant sur une route dans le sud de la Cisjordanie, le 15 août 2023. (Crédit : Emanuel Fabian/Times of Israel)
Un véhicule militaire roulant sur une route dans le sud de la Cisjordanie, le 15 août 2023. (Crédit : Emanuel Fabian/Times of Israel)

SUSYA, Cisjordanie – Un attentat terroriste meurtrier près de Hébron cette semaine a brisé l’accalmie relative du sud de la Cisjordanie, alors que les tensions ont atteint des sommets dans d’autres parties du territoire au cours de l’année et demie écoulée.

Depuis le printemps 2022, la Cisjordanie a connu une augmentation des attaques palestiniennes par balles contre des civils et des soldats israéliens, des raids militaires quasi-quotidiens dans les villes et villages palestiniens, et une hausse des attaques de résidents d’implantations israéliens contre les Palestiniens.

Seul le sud de la Cisjordanie est resté relativement calme au cours de cette période, avec peu d’attaques terroristes, peu ou pas de conflits majeurs entre l’armée et les Palestiniens, et seulement une poignée d’incidents violents impliquant des résidents d’implantations.

C’était le cas jusqu’à lundi matin, lorsque deux frères palestiniens ont ouvert le feu sur une voiture israélienne au carrefour de Beit Hagaï, au sud de Hébron, tuant Batsheva Nigri, 42 ans, et blessant grièvement Aryeh Leib Gottlieb, 40 ans.

Les suspects ont été arrêtés par Tsahal moins de 24 heures après l’attaque, sans résistance, et les résidents d’implantations israéliens n’ont pas mené d’attaques de représailles, ce qui semble clore l’affaire. Mais les responsables militaires craignent toujours que l’escalade en cours ne s’étende au sud de la Cisjordanie, majoritairement calme.

Le sud de la Cisjordanie n’a pas toujours été aussi  – relativement – paisible. En 2014, après que des membres du groupe terroriste palestinien du Hamas ont enlevé et assassiné trois adolescents israéliens dans le Gush Etzion – au sud de Jérusalem – l’armée israélienne a lancé une vaste opération d’arrestation, se concentrant principalement sur la région de Hébron, et ont finalement découvert les corps d’Eyal Yifrah, 19 ans, Gilad Shaar, 16 ans, et Naftali Fraenkel, 16 ans. Les retombées de cet incident avaient déclenché une guerre majeure dans la Bande de Gaza.

Les forces israéliennes sur les lieux d’un attentat meurtrier à l’arme à feu, à proximité de Hébron, en Cisjordanie, le 21 août 2023. (Crédit : Mahmoud Illean/AP Photo)

La semaine dernière, avant l’attentat de Beit Hagaï, le major Idan Amran, chef des opérations de la brigade régionale de Judée de l’armée israélienne, qui couvre Hébron et ses environs, avait expliqué – et averti – que le calme relatif qui y règne au milieu de l’augmentation de la violence ailleurs n’est pas un fait acquis.

Par rapport au nord de la Cisjordanie, l’économie de la partie sud est beaucoup plus forte, ce qui conduit moins de Palestiniens à se tourner vers le terrorisme, a déclaré Amran au Times of Israel en marge d’un événement marquant les 35 ans de la création de la Brigade régionale de Judée.

« Hébron est très forte en termes d’économie – environ plus de 40 % du produit national brut des Palestiniens provient de Hébron uniquement – il y a donc un intérêt économique certain ici », a-t-il déclaré.

« Si vous entrez dans le centre de Hébron aujourd’hui avec un seul véhicule [militaire], vous pouvez faire une visite de deux heures sans qu’une seule pierre ne vous soit lancée, mais si vous entrez maintenant à Jénine [dans le nord de la Cisjordanie], vous pourrez constater par vous-même ce qui s’y passe, même s’il s’agit d’une opération nocturne restreinte », a-t-il ajouté.

C’est ce qui s’est passé lors de l’arrestation des deux terroristes palestiniens présumés, tôt mardi matin, à Hébron. Les deux hommes n’ont pas résisté et aucun affrontement n’a été signalé.

Le major Idan Amran, chef des opérations de la brigade régionale de Judée de l’armée israélienne s’entretenant avec le Times of Israel sur le site archéologique de Susya dans le sud de la Cisjordanie, le 15 août 2023. (Crédit : Emanuel Fabian/Times of Israel)

Les Palestiniens du nord de la Cisjordanie, en particulier de Jénine, ont fait preuve d’une résistance farouche aux opérations militaires israéliennes, répondant par des tirs et des engins explosifs de grande taille visant les troupes. Le mois dernier, Tsahal a lancé une vaste opération de deux jours dans la ville pour tenter de réprimer ce que les responsables militaires qualifient de « bastion du terrorisme ».

La brigade régionale de Judée, située plus au sud, est non seulement la plus calme, mais aussi la plus importante en termes de taille parmi les six brigades régionales de Cisjordanie. Au mois d’août, la brigade comptait cinq bataillons et une section de la police des frontières. En règle générale, il n’y a que 13 bataillons en Cisjordanie, bien qu’au cours des 18 derniers mois, ce nombre ait fluctué en raison de l’offensive antiterroriste en cours de Tsahal, atteignant un maximum de 26 bataillons en octobre 2022.

« Rendez-vous à la brigade Menashe [dans le nord de la Cisjordanie] – la zone ‘chaude’ dont on parle tout le temps en ce moment – il n’y a qu’environ quatre implantations là-bas (…). Ici, une [seule] section garde environ 20 implantations – une section, même pas un bataillon », a déclaré Amran.

Outre le facteur économique, il suggère que l’activité fréquente de l’armée dans le sud de la Cisjordanie a contribué à maintenir le calme, plutôt qu’à accroître les tensions.

Les forces israéliennes de sécurité à l’entrée de la ville de Hébron, en Cisjordanie, après une attaque meurtrière à l’arme à feu dans le secteur, le 21 août 2023. (Crédit : Chaïm Goldberg/Flash90)

« La façon dont nous évaluons la situation est que nous opérons tous les jours et à toute heure dans les villages, procédant à des arrestations, à des actions préventives et nous ne négligeons aucune zone. Il n’y a pas d’endroit [à l’abri] de l’activité de nos forces (…). Il n’y a plus aucun outil ici que [les Palestiniens pourraient utiliser] maintenant pour renforcer le terrorisme », a-t-il déclaré.

Amran a fait remarquer que les forces de sécurité de l’Autorité palestinienne (AP) opéraient fréquemment dans les zones placées sous sa juridiction, contrairement à ce qui se passe dans le nord de la Cisjordanie.

Dans le nord de la Cisjordanie, l’AP a été accusée par Israël de négliger des zones telles que Jénine et Naplouse, ce qui a permis aux Palestiniens de former des groupes armés et de mener des attaques organisées en plus de résister à toute tentative des forces israéliennes de mener des raids d’arrestation. Pour sa part, l’AP affirme que l’intensification de l’activité de Tsahal dans le nord de la Cisjordanie a rendu plus difficile la réaffirmation de son contrôle dans cette région, car Ramallah est alors considérée comme collaborant avec Israël dans sa répression contre les Palestiniens.

« Il n’y a pratiquement pas de résistance ici », a déclaré Amran. « C’est l’économie et le fait que nous agissons pour empêcher [le terrorisme] de se développer. »

Il a déclaré que le sud de la Cisjordanie avait été relativement calme depuis « l’explosion » de la massive opération d’arrestation de 2014, dans le cadre de la recherche des trois adolescents tués. « Nous avons tondu la pelouse, coupé la plupart des infrastructures du Hamas… et depuis, nous les contenons. »

Des hommes armés palestiniens prenant position lors d’un affrontement avec l’armée israélienne dans la ville de Jénine, en Cisjordanie, le 3 juillet 2023. (Crédit : Nasser Ishtayeh/Flash90)

La sécurisation de Hébron est « très difficile »

La plupart des forces de la brigade de Judée sont aujourd’hui concentrées à Hébron et dans ses environs, une ville qui compte quelque 215 000 Palestiniens.

Hébron se distingue des autres villes palestiniennes de Cisjordanie par la présence d’une communauté de résidents d’implantations juifs, au nombre d’environ 1 000, qui, conformément à l’accord de Hébron de 1997 entre Israël et l’AP, vit dans une zone sous contrôle israélien – environ 20 % de la ville, connue sous le nom de H2. La communauté existe depuis des centaines d’années, bien qu’elle ait connu plusieurs interruptions au cours du XXe siècle.

Assurer la sécurité des résidents d’implantations de Hébron est une tâche « très difficile » et complexe, a déclaré Amran, notant que les enclaves juives sont complètement entourées de quartiers palestiniens, ce qui permet potentiellement de commettre facilement des attentats.

« Le danger est si proche (…). Vous pouvez trouver une maison juive à côté d’une maison palestinienne, il n’y a pas de clôture, pas de mur. Dans toutes les autres régions [de Cisjordanie], une clôture entoure la communauté », a-t-il déclaré.

« C’est pourquoi l’activité de nos forces dans la région est très intense. Il y a beaucoup plus de postes que dans les autres zones (…). Rien que dans la minuscule zone de la communauté juive, il y a un bataillon entier », a ajouté Amran.

Des Palestiniens assistant aux prières de l’Aïd al-Adha devant le Tombeau des Patriarches, connu des musulmans sous le nom de mosquée Ibrahimi, dans la ville de Hébron, en Cisjordanie, le 28 juin 2023. (Crédit: Wisam Hashlamoun/Flash90)

Il a ajouté qu’il y avait un avantage à avoir une présence militaire aussi importante en permanence dans une ville à majorité palestinienne.

« Cela permet à nos forces d’opérer toute la journée (…). Ce n’est pas comme si nous allions à Jénine et que les habitants étaient surpris par notre arrivée. Ici, les soldats se promènent dans la ville toute la journée. La population palestinienne est habituée à voir nos forces », a-t-il déclaré.

Les résidents juifs de Hébron sont également parmi les plus extrémistes de Cisjordanie. Ils se heurtent régulièrement à leurs voisins Palestiniens et squattent des bâtiments dans le but d’étendre leur emprise sur la ville. La présence des résidents israéliens a également entraîné un resserrement de la liberté de mouvement des Palestiniens dans la zone H2.

Répression de la violence des résidents d’implantations

La montée du terrorisme palestinien depuis un an et demi s’est accompagnée d’une recrudescence des attaques de résidents d’implantations contre les Palestiniens. À plusieurs reprises, des centaines d’Israéliens juifs sont entrés dans des villes palestiniennes pour se livrer à des émeutes, incendier des biens et agresser des habitants, dans le cadre de ce que certains responsables de l’armée israélienne ont qualifié de « pogroms« . Plusieurs Palestiniens ont été tués, certains dans des circonstances peu claires, lors de ces attaques de résidents extrémistes juifs.

La grande majorité de ces incidents violents, que l’armée admet ne pas avoir réussi à contrôler, se sont produits dans le nord et le centre de la Cisjordanie.

En revanche, dans le sud de la Cisjordanie, ces incidents se sont limités à des échauffourées entre résidents juifs et Palestiniens – dont certains ont été blessés – et à un certain nombre de cas de vandalisme. Néanmoins, en septembre 2021, avant la vague de violence actuelle dans la région, des dizaines de résidents d’implantations masqués avaient jeté des pierres sur des Palestiniens dans la zone des collines du sud de Hébron, brisant des voitures et blessant au moins douze personnes, dont un garçon de trois ans.

Des résidents d’implantations tirant sur le village d’Umm Safa, en Cisjordanie, le 24 juin 2023. (Crédit : Capture d’écran Twitter ; utilisée conformément à l’article 27a de la loi sur le droit d’auteur)

Les habitants des villages palestiniens situés à proximité de certains avant-postes illégaux du sud de la Cisjordanie se plaignent également depuis longtemps des intimidations des résidents juifs qui cherchent à empêcher la contiguïté territoriale entre les villes palestiniennes.

Amran a déclaré que, contrairement aux attaques violentes des résidents israéliens contre les Palestiniens dans le centre et le nord de la Cisjordanie au cours des derniers mois, la brigade de Judée avait réussi à mettre fin à ces confrontations rapidement avant qu’elles ne s’aggravent. « Cette région est radicalement différente des autres. Vous ne verrez pas de frictions massives. Ce n’est pas courant ici. »

« Je peux vous dire que lorsque nous sommes confrontés à un tel incident, même à une échelle beaucoup plus réduite, nous agissons en conséquence. Nous envoyons la police, la police des frontières et Tsahal pour mettre fin à l’incident. Nous disposons d’une liste des lieux et des moments où des incidents se produisent, et nous nous en occupons, sans attendre le prochain incident », a-t-il déclaré. « Nous essayons de mettre fin à chaque incident de ce type. »

Malgré le calme relatif qui règne dans le sud de la Cisjordanie, Amran a déclaré que la brigade régionale de Judée se préparait toujours au pire, qu’il s’agisse de violences commises par des Palestiniens ou des Israéliens. « Nous nous préparons en permanence, nous parlons constamment de ce qui pourrait arriver. Il y a toujours des gens qui veulent mettre en place des actions. Et nous faisons de notre mieux pour nous assurer que cela ne se produise pas. »

Après la fusillade meurtrière de lundi, le chef de la brigade régionale de Judée, le colonel Yishai Rosilio, a déclaré que ses forces n’avaient pas réussi à empêcher l’attaque.

« Hier, nous avons eu une grave attaque terroriste dans la zone de la brigade (…). En tant que brigade, nous n’avons pas réussi à empêcher cette attaque terroriste », a déclaré Rosilio dans une déclaration vidéo mardi.

Le général de division Yehuda Fox, commandant du Commandement du Centre de l’armée israélienne, a également assumé la responsabilité de l’attaque lors d’une conférence de presse tenue lundi, quelques heures après la fusillade.

Le chef du Commandement du Centre de l’armée israélienne, le général de division Yehuda Fox, s’adressant aux journalistes depuis la base de la brigade régionale de Judée, près de la ville de Hébron, en Cisjordanie, le 21 août 2023. (Crédit : Emanuel Fabian/Times of Israel)

« Nous essayons de devancer l’ennemi et de contrecarrer [ses plans]. La plupart du temps, nous y parvenons. Aujourd’hui, et cette semaine, nous n’y sommes pas parvenus », a déclaré Fox, faisant également allusion à l’assassinat de deux Israéliens – un père et son fils à Huwara – dans le nord de la Cisjordanie, samedi dernier.

Répondant à une question du Times of Israel concernant les craintes que l’actuelle vague de terrorisme, qui s’est principalement concentrée sur le nord de la Cisjordanie, ne s’étende à « son » sud, Fox a déclaré que l’armée avait déjà déjoué de nombreuses attaques dans la région de Hébron.

« Il est vrai que la plupart des actes terroristes manifestes commis ces derniers temps l’ont été dans la région de Samarie », a déclaré Fox, désignant le nord de la Cisjordanie par son nom biblique. « Mais là aussi, nous avons déjoué des dizaines d’attentats, voire plus, dont des cellules terroristes dans la région de Judée [au sud de la Cisjordanie]. »

« J’espère vraiment que nous pourrons également améliorer la situation dans le nord de la Samarie, ainsi qu’en Judée, et déjouer le terrorisme avant qu’il ne soit perpétré », a-t-il ajouté.

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