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A Gaza, les reporters sont « intimidés, menacés, agressés par le Hamas »

Selon le Comité pour la protection des journalistes, le phénomène est "grandement sous-estimé", les journalistes craignant de se manifester

Des journalistes filment des bâtiments détruits dans le camp de réfugiés palestiniens de Jabaliya, dans le nord de la bande de Gaza, le 9 octobre 2024. (Omar Al-Qattaa / AFP)
Des journalistes filment des bâtiments détruits dans le camp de réfugiés palestiniens de Jabaliya, dans le nord de la bande de Gaza, le 9 octobre 2024. (Omar Al-Qattaa / AFP)

A Gaza, des journalistes sont battus et menacés par le Hamas lorsqu’ils couvrent les manifestations anti-Hamas et la dissidence à l’intérieur de la bande de Gaza, ce qui les force à l’autocensure pour des questions de sécurité, a indiqué jeudi le Comité pour la protection des journalistes.

Dans un rapport intitulé « Les journalistes de Gaza dénoncent l’intimidation, les menaces et les agressions du Hamas », l’organisme de surveillance des médias explique qu’il s’agit d’un phénomène très « largement sous-estimé ». Il souligne que le Palestinian Journalists’ Syndicate – le syndicat des journalistes palestiniens – ne publie pas les témoignages qu’il compile sur les attaques du Hamas contre les reporters de crainte de représailles.

Le gazaoui Tawfiq Abu Jarad a déclaré au Comité pour la protection des journalistes, ONG dont le siège se trouve à New York, qu’il avait suivi la mise en garde d’un agent de sécurité du Hamas en ne couvrant pas une manifestation de femmes contre la guerre, le 27 avril dernier, à Beit Lahiya, et que l’agent en question lui avait dit qu’il serait « tenu pour responsable » si sa femme y participait.

Jarad dit avoir été battu et interrogé en novembre 2023 par des agents du Hamas à Rafah, accusé par eux de « couvrir les événements dans la bande de Gaza appelant à un coup d’État ».

« Je n’ai couvert aucune manifestation récente », a déclaré Abou Jarad, qui travaille pour la station de radio Sawt al-Hurriya, installée à Ramallah.

Le journaliste a porté plainte pour intimidation auprès du Palestinian Journalists’ Syndicate, qui a dénoncé cette atteinte du Hamas à la liberté de la presse.

Des Palestiniens participent à une manifestation anti-Hamas, appelant à la fin de la guerre avec Israël, à Beit Lahiya, dans le nord de la bande de Gaza, le 26 mars 2025. (Crédit : AFP)

Depuis fin mars, des manifestations sporadiques contre le groupe terroriste – gouvernement de facto à Gaza depuis une vingtaine d’années – ont eu lieu dans la bande de Gaza, malgré l’opposition du Hamas et les blessures infligées aux manifestants. Contrairement à ce que dit l’organisation terroriste, ces manifestations ne sont pas simplement contre la guerre. Un grand nombre d’entre elles ont eu lieu à Beit Lahiya.

Avant la guerre, les manifestations anti-Hamas étaient plutôt rares et souvent violemment réprimées par l’organisation terroriste.

Selon le Comité pour la protection des journalistes, le syndicat des journalistes, entravé dans son action par la crainte des journalistes de Gaza de s’exprimer publiquement, n’a publié qu’un témoignage, celui d’Ibrahim Muhareb, journaliste de Gaza brutalement agressé l’an dernier par des hommes prétendant être des policiers du Hamas en civil.

Photographe indépendant travaillant dans une tente plantée devant l’hôpital Nasser de Khan Younès, Ibrahim Muhareb dit avoir été attaqué par des agents qui l’ont grièvement blessé à la tête.

« J’ai contacté un policier en charge des affaires des journalistes et ils ont essayé de démonter ma tente. Comme je résistais, ils m’ont agressé en me donnant des coups de pied », a-t-il déclaré.

« J’ai essayé de leur parler calmement, mais ils ont redoublé de coups. Puis ils m’ont frappé avec quelque chose et j’ai perdu connaissance. J’avais du sang plein la tête », a-t-il ajouté. « Des collègues ont tenté d’intervenir, mais ils les en ont empêchés en leur disant que « l’espion et le journaliste étaient les deux faces d’une même pièce ». »

Selon Muharab, d’autres journalistes sont parvenus à l’éloigner de ses agresseurs et l’ont accompagné se faire soigner.

Mohammed Abu Aoun, correspondant d’Awda TV, liée au Fatah, a déclaré au Comité pour la protection des journalistes qu’il avait été pris pour cible par des agents de sécurité du Hamas en 2024 alors qu’il interviewait une femme à Deir al-Balah qui avait insulté les dirigeants du Hamas.

Des membres des forces de sécurité loyales au Hamas montent la garde devant un complexe de police détruit dans la ville de Gaza, le 22 janvier 2025, au quatrième jour d’un cessez-le-feu entre Israël et le Hamas. (Omar Al-Qattaa / AFP)

« Les policiers m’ont immédiatement emmené quelque part – j’ignore où – et m’ont battu », a-t-il déclaré à l’organisme de surveillance.

Le Comité pour la protection des journalistes a évoqué le cas d’autres journalistes empêchés de couvrir des événements, lesquels ont refusé que leur histoire soit rendue publique.

Depuis le début de la guerre, le Comité pour la protection des journalistes s’en prend surtout aux attaques de l’armée israélienne qui mettent en danger les journalistes à Gaza. En février dernier, il a indiqué que 2024 a été l’année de loin la plus meurtrière pour les journalistes avec pas moins de 124 reporters tués – Israël étant responsable de près de 70 % du bilan.

Peu de temps après la publication de ce rapport, l’armée israélienne a réagi en expliquant que les journalistes de la bande de Gaza n’étaient pas pris pour  cibles, tout en rappelant que bien des victimes en question étaient membres d’organisations terroristes.

Selon Ismail Al-Thawabta, le directeur général du Service des médias du gouvernement de Gaza, dirigé par le Hamas, réagissant aux questions du CPJ, aucune plainte n’aurait été reçue concernant des cas d’intimidation ou toute autre mesure de ce type de la part d’agents de sécurité lors de la couverture médiatique des rassemblements.

Toujours selon Thawabta, le Hamas avait « totalement ouvert le terrain » et veillé à ce que les journalistes puissent couvrir en toute sécurité et liberté les événements de Gaza.

Le chef du Palestinian Journalists’ Syndicate, Nasser Abu Bakr, a déclaré à la commission que le Hamas se livrait à des « violations majeures » de la liberté de la presse, passant par « des convocations, des interrogatoires, des appels téléphoniques, des menaces, parfois des passages à tabac et des arrestations, du harcèlement, des interdictions de publication, des ingérences au niveau des contenus et de la surveillance ».

Le chef adjoint du Palestinian Journalists’ Syndicate, Tahseen al-Astal, a pour sa part indiqué que les journalistes refusaient de parler publiquement de leurs problèmes, estimant que de telles histoires « détourneraient les yeux de la guerre à Gaza ».

« La plupart des journalistes s’autocensurent dans ce qu’ils écrivent pour éviter tout problème de sécurité », a-t-il ajouté.

Des Palestiniens de Deir al-Balah, dans le centre de la bande de Gaza, tiennent des pancartes anti-guerre alors qu’un homme scande des slogans en soutien aux habitants de Beit Lahiya, dans le nord de Gaza, qui manifestent contre le Hamas, le 26 mars 2025. (AP/Abdel Kareem Hana)

La directrice régionale du Comité pour la protection des journalistes, Sara Qudah, manifeste son inquiétude face aux « menaces, agressions et intimidations » subies par les journalistes de Gaza.

« Le Hamas doit mettre fin à la répression de la presse et être tenu responsable de ces infractions. Les journalistes doivent être libres d’informer sans avoir pour cela à craindre la violence, le harcèlement ou les représailles. »

La guerre a commencé le 7 octobre 2023, lorsque le Hamas s’est introduit dans le sud d’Israël pour y tuer avec une extrême brutalité 1 200 personnes, principalement des civils, et faire 251 otages, essentiellement civils, séquestrés dans la bande de Gaza.

Nurit Yohanan a contribué à cet article.

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