A Toronto, un groupe juif se positionne face à une expo consacrée aux Pink Floyd
L'Abraham Global Peace Initiative a contré les messages anti-israéliens du co-fondateur du groupe, Roger Waters, avec sa propre exposition prônant la tolérance et l'inclusion
TORONTO — « Hey, Roger, leave us Jews alone! », est-il écrit sur une bannière placée en face du Better Living Centre de Toronto où l’exposition « The Pink Floyd Exhibition: Their Mortal Remains » a ouvert samedi, attirant de très nombreux fans.
Sur ce panneau scintillant, installé juste en face de l’entrée de la nouvelle exposition, une photo de Roger Waters, co-fondateur et bassiste du groupe, lors de l’un de ses récents concerts en Allemagne – portant un costume ressemblant à celui des nazis et tirant à l’aide d’une fausse mitraillette sur la foule. Sous la photo, un appel à signer la pétition mondiale exigeant que Waters soit contraint à ne plus promouvoir ouvertement l’antisémitisme et à ne plus exprimer des propos anti-israéliens.
Lancé par l’AGPI (Abraham Global Peace Initiative), une organisation à but non-lucratif dont le siège est à Toronto, cet appel a d’ores et déjà été signé par des milliers de personnes de toutes les confessions et dans le monde entier.
La mission de l’organisation est d’éduquer et de présenter des expositions, d’organiser des sommets et de créer des contenus médiatiques dans la lutte contre l’antisémitisme et contre le négationnisme de la Shoah. L’AGPI veut aussi promouvoir les Accords d’Abraham, défendre Israël et le Canada et faire avancer toujours plus la liberté, la démocratie et les droits de l’Homme universels.
« Dans les démocraties où nous respectons la diversité et où nous combattons le racisme et l’antisémitisme, le comportement de Waters devrait l’amener à rendre des comptes, pas à être récompensé », avait écrit le président fondateur et directeur-général de l’AGPI, Avi Abraham Benlolo, dans une lettre ouverte écrite aux organisateurs de l’exposition sur Pink Floyd, une missive où il appelait à son abandon.
Cet appel au passage à l’action est survenu dans le sillage de la vive controverse suscitée par les concerts donnés à Berlin et à Francfort, au mois de mai, par Waters – où un cochon gonflable arborant une étoile de David avait survolé un public en extase et où Anne Frank, victime de la Shoah, avait été comparée à la journaliste palestinienne d’Al Jazeera Shireen Abu Akleh, victime d’une balle perdue qui avait été tirée par un soldat de Tsahal.
Le panneau est un dérivé de l’exposition éducative de l’AGPI, « Power of One », que l’ONG a organisée au sein de la CNE, l’exposition nationale canadienne, la fête foraine qui, pendant l’été, égaie chaque année le centre des expositions de la ville. L’objectif de l’organisation est clair : c’est de contrer le narratif haineux et discriminatoire de Waters par sa propre exposition.
A l’intérieur du centre, « The Pink Floyd Exhibition » se penche sur la carrière du groupe au fil de cinq décennies, de 1967 aux années 2000. Exposition ambulante, elle a attiré des centaines de milliers de visiteurs depuis 2017. Elle a notamment fait des arrêts à Londres, à Rome, à Dortmund, en Allemagne, à Madrid, à Los Angeles et à Montréal. Parmi les objets à découvrir, des souvenirs qui soulignent l’évolution du groupe et l’impact qu’il a pu avoir sur l’industrie de la musique – avec des instruments, des lettres et des effets personnels, des paroles écrites à la main et des accessoires de scène. Un guide audio permet d’entendre les voix des membres passés et présents de Pink Floyd et notamment celle de Waters.
Dans la lettre ouverte, Benlolo avait rappelé au président de S2BN Entertainment, Michael Kohl, co-organisateur de l’exposition consacrée à Pink Floyd, à Aubrey « Po » Powell, directrice artistique et au directeur-général de la CNE, Darrell Brown, que la ville de Francfort avait tenté de faire annuler les concerts de Waters, au mois de mars, en raison de son positionnement anti-israélien systématique et de son comportement antisémite. Il avait écrit également que la police de Berlin avait ouvert une enquête sur le costume porté par Waters pendant le concert – une exhibition qui pourrait s’apparenter à une glorification du nazisme et à un trouble à l’ordre public.
« Alors que nous savons que votre exposition ne s’appuiera pas sur de telles images », avait écrit Benlolo, « nous nous inquiétons : alors que la vague d’antisémitisme est croissante, votre exposition ne fera pas assumer ses responsabilités à M. Waters. Ce sera le contraire, en réalité ».
Dans une autre lettre ouverte écrite, le 2 juin, pour le National Post, dont Benlolo est un contributeur régulier, ce dernier avait ajouté que « au fil des années qui passent, la musique de Waters est devenue intimement liée à ses intérêts politiques et il s’est intégré dans la cause palestinienne, dans laquelle il a aussi intégré son art… Dans le cas de Waters, Marshall McLuhan avait totalement raison. Le média se confond avec le message et c’est la raison pour laquelle il nous est impossible de séparer cet artiste de son art ».
Qu’est-ce que le ‘Power of One’ ?
Alors que les organisateurs de l’exposition consacrée à Pink Floyd ont refusé de l’annuler, la CNE a accepté la demande de l’AGPI qui réclamait de pouvoir montrer au public sa présentation « Power of One » sur son site.
Exposée aux Nations unies et au musée canadien des Droits de l’homme à Winnipeg, l’exposition « Power of One » a pour objectif d’éduquer et d’inviter les visiteurs à laisser une marque positive sur le monde en soulignant des héros susceptibles de servir de source d’inspiration, qu’il s’agisse de mère Teresa, de Martin Luther King Jr., de Helen Keller, du diplomate japonais Chiune Sugihara, d’Anne Frank ou de l’activiste de la recherche contre le cancer Terry Fox, entre autres. Des modèles de bonté, d’inclusion et de compassion qui ont eu un impact sur des générations d’êtres humains.
« Ce sont des personnalités qui, plutôt que de semer la haine à l’encontre d’autres groupes, ont œuvré en faveur de sociétés inclusives, ils en ont rêvé, ils ont utilisé leur énergie et leur influence de manière positive », explique Benlolo. « Cette exposition reflète les visiteurs et leurs valeurs et présente des gens de toutes les origines, de tous les milieux. L’idée, c’est que les visiteurs puissent y trouver leur modèle ».
Benlolo dit être reconnaissant à l’égard de l’exposition nationale qui l’a autorisé à présenter ce contre-narratif.
« On nous a donné des personnels, des ressources et de l’espace pour nous accueillir exactement en face de l’exposition consacrée à Pink Floyd et c’est donc un geste positif et de bonne volonté de la part de la CNE, c’est un geste qui doit être porté à son crédit », ajoute Benlolo, créateur de l’exposition « Power of One. »
« La conservatrice des galeries de la CNE adore cette exposition et elle donne bénévolement de son temps pour être présente quand les visiteurs viennent », poursuit-il.
L’exposition « Power of One » amène les visiteurs à réfléchir à la réaction qu’ils pourraient avoir s’ils se trouvaient dans des situations similaires à celles vécues par les personnalités qui leur sont présentées, les choix qu’ils pourraient faire, leur désir de risquer leur vie pour sauver la vie des autres.
Chaque semaine, ce sont des centaines d’écoles et de départements de la police venus de tout le Canada qui viennent découvrir l’exposition et prendre part aux ateliers « de formation à la tolérance » qui encouragent les participants à dénoncer les injustices.
« Notre programme d’éducation est unique dans la mesure où il se concentre sur la nécessité de parler, de ne pas rester indifférent », dit Benlolo. « Nous avons appris de la Shoah que garder le silence, ce n’était pas suffisant… de nombreuses personnes ont été les complices des nazis de tellement de manières différentes ! Nous parlons beaucoup de cela au sein de notre organisation pour sensibiliser à la complicité de ceux qui se taisent aujourd’hui alors que l’antisémitisme et la propagande anti-israélienne se sont renforcés de façon spectaculaire. »
C’est le directeur de l’éducation au sein de l’AGPI, le docteur Neil Orlowsky, qui prend la tête des ateliers.
« Nous sommes honorés d’accueillir ‘Power of One’ de l’autre côté de la rue pour attirer l’attention sur le fait que l’humanitarisme est inclusif, que des espaces sûrs et inclusifs doivent pouvoir être ouverts à toutes et à tous et qu’on peut utiliser la musique pour guérir, pas pour diviser », commente Orlowsky.
Alors qu’aucune date de fermeture n’a encore été fixée pour l’exposition « The Pink Floyd Exhibition », elle sera probablement prolongée comme cela avait été le cas à Montréal, au mois d’avril dernier.
Et tant que Waters sera honoré, l’AGPI continuera à se positionner, explique Benlolo.
« Nous présenterons ‘Power of One’ pendant toute la durée de l’exposition consacrée à Pink Floyd et même au-delà », note-t-il. « La CNE attire des millions de personnes tous les étés et nous espérons faire partie de l’aventure ».
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