Amin Maalouf préféré à Delphine Horvilleur pour le prix Aujourd’hui
L’ouvrage "Réflexions sur la question antisémite", écrit par l’une des trois femmes rabbins en France, échoue de peu à obtenir le prix Aujourd’hui
L’Académicien français Amin Maalouf a reçu ce mercredi le prix Aujourd’hui pour son livre Le naufrage des civilisations (Grasset) – un essai à la fois lucide et pessimiste sur la crise que traversent les mondes arabe et occidental.
Amin Maalouf a été choisi au 2e tour par 6 voix contre 4 à la rabbin Delphine Horvilleur pour son livre Réflexions sur la question antisémite. Le prix de 45 000 euros – ce qui en fait l’un des prix littéraires les mieux dotés en France grâce au mécénat de François Pinault – sera officiellement décerné à l’académicien le 12 juin au cours d’une cérémonie à Paris.
« Où est passé le monde de nos rêves ? Quel est ce monde qui vient ? », se demande Amin Maalouf dans cet essai paru en mars. L’écrivain, lauréat du prix Goncourt en 1993 pour Le rocher de Tanios, se dit convaincu que nous arrivons au seuil d’un « naufrage global », qui affecte toutes les aires de civilisation.
« L’Amérique, bien qu’elle demeure l’unique superpuissance, est en train de perdre toute crédibilité morale. L’Europe, qui offrait à ses peuples comme au reste de l’humanité le projet le plus ambitieux et le plus réconfortant de notre époque, est en train de se disloquer. Le monde arabo-musulman est enfoncé dans une crise profonde qui plonge ses populations dans le désespoir et qui a des répercussions calamiteuses sur l’ensemble de la planète », soutient notamment l’écrivain d’origine libanaise dans son essai.

Dans Réflexions sur la question antisémite – clin d’œil à Réflexions sur la question juive de Jean-Paul Sartre – publié aux Editions Grasset en janvier dernier et qui échoue ainsi de peu à obtenir le prix Aujourd’hui, Delphine Horvilleur, l’une des trois femmes rabbins en France, explore quant à elle la façon avec laquelle la haine des Juifs peut être interprétée à partir des textes fondateurs et de la littérature rabbinique : « rivalité familiale », « combat de civilisation », « guerre des sexes »…
« L’antisémitisme, malheureusement est, et a toujours été, l’élément précurseur, presque le clignotant qui annonce que le système ou l’édifice tout entier est menacé ou en état d’échec ou de faillite », observe-t-elle.
Delphine Horvilleur, qui a d’abord fait des études de médecine à Jérusalem, puis de journalisme avant d’étudier le rabbinat aux Etats-Unis (ce n’est pas possible en France), « explore » ainsi également la façon dont la lecture rabbinique permet d’avertir « les nouvelles générations », pour qu’elles puissent y faire face. Les textes « nous disent : ce mal (l’antisémitisme, ndlr), va muter. N’imaginez pas que vous allez vous en débarrasser, mais soyez capable de voir dans quelles circonstances il surgit », et comment « se relever ».
Prix littéraire français créé en 1962 par d’éminents journalistes, le prix Aujourd’hui récompense chaque année un « document politique, historique, sociologique ou philosophique » portant sur la période contemporaine. L’an dernier, il avait couronné Thierry Wolton pour le troisième volet (intitulé Les complices) de sa trilogie Histoire mondiale du communisme (Grasset).