Antonio Guterres maintient l’accusation d’usage excessif de la force à Jénine
Le chef de l'ONU a rejeté la demande israélienne de rétractation de l'accusation contre l’armée, après que Gilad Erdan eut décrié la déclaration comme étant "irréelle"
Luke Tress est le vidéojournaliste et spécialiste des technologies du Times of Israël
NEW YORK – Le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, a rejeté vendredi la demande d’Israël de revenir sur son accusation selon laquelle l’armée israélienne avait « manifestement » fait un usage excessif de la force lors de l’opération anti-terroriste à Jénine.
L’allégation de Guterres lors d’un point de presse jeudi a marqué une rare condamnation directe d’Israël de la part du secrétaire général, et a déclenché un conflit ouvert entre le chef de l’ONU et l’ambassadeur d’Israël auprès de l’organisation mondiale, Gilad Erdan.
Après l’accusation de Guterres, Erdan a condamné la déclaration en la qualifiant de « honteuse », a exigé une rétractation et a demandé au secrétaire général de condamner le terrorisme palestinien.
Interrogé sur les demandes d’Erdan lors d’un point de presse vendredi, un porte-parole de Guterres a déclaré : « Je n’ai pas vraiment de réponse ».
Guterres « s’en tient à ces points de vue », a déclaré le porte-parole.
Le porte-parole a refusé d’aborder les allégations de crimes de guerre à l’encontre d’Israël, déclarant qu’il valait mieux que ces accusations soient « décidées par des organes judiciaires compétents ». Guterres a esquivé une question sur les accusations de crimes de guerre, formulées par un enquêteur de l’ONU ayant des antécédents d’antisémitisme, lors de la séance d’information de jeudi.
Vendredi, le Conseil de sécurité de l’ONU a également reçu une mise à jour sur l’opération de Jénine de la part de Lynn Hastings, coordinatrice humanitaire de l’ONU pour les Palestiniens.
Hastings a déclaré que l’opération israélienne avait causé « des dommages importants aux infrastructures » du camp de réfugiés de Jénine, une partie densément peuplée de la ville. « Certains quartiers de Jénine sont privés d’eau et d’électricité, et des travailleurs humanitaires sont sur le terrain pour apporter leur soutien », a indiqué Hastings, qui a exhorté les États membres de l’ONU à apporter une contribution financière.
Une partie des dégâts subis par les infrastructures de Jénine a été causée par les bulldozers de l’armée qui ont détruit plusieurs routes dans le camp pour exposer des zones où leurs renseignements indiquaient d’éventuels engins explosifs improvisés, comme leçon tirée d’un énorme engin piégé qui avait explosé il y a quelques semaines près de la ville au passage d’un véhicule de Tsahal, blessant huit soldats.
Avant la réunion, Erdan a envoyé une lettre au Conseil de sécurité et à Guterres, soulignant les attaques terroristes palestiniennes contre Israël, et insistant sur le fait que les groupes terroristes à Jénine utilisent des infrastructures civiles pour mener leurs opérations.
Erdan a déclaré que les troupes avaient découvert un tunnel de 300 mètres de long utilisé pour stocker des armes sous une mosquée à Jénine.
« La communauté internationale et le Conseil de sécurité doivent condamner sans réserve les dernières attaques terroristes palestiniennes et demander des comptes aux dirigeants palestiniens », indique la lettre. « Israël ne restera pas inactif alors que les terroristes continuent de s’en prendre aux civils en utilisant le camp de Jénine comme cachette. »
L’opération israélienne de deux jours à Jénine a été lancée en réponse à une série d’attaques terroristes meurtrières, dont beaucoup émanaient de Jénine, connue pour être un bastion du terrorisme palestinien en Cisjordanie. Douze Palestiniens armés et le sergent David Yehuda Yitzhak de l’unité commando d’élite Egoz ont été tués dans les combats. Israël affirme que tous ceux qui ont été tués étaient des combattants armés, mais qu’il y avait des non-combattants parmi les blessés.
Guterres a déclaré jeudi qu’il avait été « profondément troublé » par la nouvelle de l’opération de Jénine et qu’il « condamnait fermement tous les actes de violence contre les civils ».
« Elle s’applique à tout usage excessif de la force et, dans cette situation, les forces israéliennes ont manifestement fait un usage excessif de la force », a déclaré Guterres interrogé sur le fait de savoir si sa condamnation s’appliquait aux deux parties du conflit.
« Les frappes aériennes et les opérations terrestres israéliennes dans un camp de réfugiés surpeuplé ont été les plus violentes en Cisjordanie depuis de nombreuses années, avec un impact significatif sur les civils », a déclaré Guterres, accusant Israël d’avoir perturbé les services d’eau et d’électricité, et d’avoir empêché les gens d’accéder aux soins médicaux, une accusation qu’Israël dément.
« Je comprends les préoccupations légitimes d’Israël concernant sa sécurité, mais l’escalade n’est pas la solution », a-t-il ajouté. « Elle ne fait que renforcer la radicalisation et conduit à un cycle de violence et d’effusion de sang de plus en plus profond. »
Erdan a qualifié les déclarations de Guterres de « honteuses, farfelues et complètement hors de toute réalité ».
« Une nouvelle fois, le secrétaire général de l’ONU ne tient pas compte du brutal terrorisme palestinien et néglige de condamner le meurtre de sang-froid de civils innocents », a déclaré Erdan au Times of Israel. « Pourtant, lorsqu’il discute des actions défensives de Tsahal visant uniquement à démanteler l’infrastructure terroriste, le secrétaire général s’empresse de longuement condamner Israël. C’est totalement infondé. »
Erdan a demandé à Guterres de revenir sur ses propos et de « condamner le terrorisme et l’incitation palestiniens ».
Mercredi, la rapporteuse spéciale des Nations unies pour les Palestiniens, Francesca Albanese, a accusé Israël d’avoir commis des crimes de guerre à Jénine. Albanese a des antécédents d’antisémitisme et de rhétorique incendiaire à l’encontre de l’État juif, et rejette l’entière responsabilité du conflit sur Israël.
Dans sa déclaration de jeudi, publiée conjointement avec deux autres rapporteurs de l’ONU, Albanese affirme que l’opération de Jénine « n’a aucune justification légale ». La déclaration ne mentionne ni le terrorisme palestinien, ni les groupes terroristes de Jénine, ni le fait que les victimes étaient des combattants ni même que l’armée israélienne a récupéré de grandes quantités d’armes dans des bâtiments civils à Jénine.
Israël se plaint depuis longtemps que l’Assemblée générale des Nations unies et le Conseil des droits de l’Homme accordent une considération démesurée à Israël, l’État juif et les États-Unis accusant les organes mondiaux de partialité et, dans certains cas, d’antisémitisme.
Les hauts responsables des droits de l’Homme de l’ONU impliqués dans le conflit israélo-palestinien ont fait un certain nombre de déclarations antisémites, et l’Assemblée générale a condamné Israël plus que tous les autres pays réunis l’année dernière.
Une conférence de l’ONU destinée à lutter contre l’antisémitisme devait se tenir le mois dernier, mais elle a été reportée à septembre peu avant la date initialement prévue.