Israël en guerre - Jour 432

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AP : Les banques serviront les familles de prisonniers malgré la menace d’Israël

Le Premier ministre Shtayyeh a déclaré que les banques acceptaient de geler les actions contre les comptes, et a promis de les "protéger de l'oppression"

Des Palestiniens passant devant un distributeur de billets de la Banque de Palestine, à Gaza City, le 4 décembre 2008. (Crédit : Hatem Moussa/AP)
Des Palestiniens passant devant un distributeur de billets de la Banque de Palestine, à Gaza City, le 4 décembre 2008. (Crédit : Hatem Moussa/AP)

Le Premier ministre de l’Autorité palestinienne, Mohammad Shtayyeh, a déclaré vendredi que l’autorité avait convenu avec les banques palestiniennes de Cisjordanie qu’en dépit des menaces israéliennes d’imposer des sanctions aux institutions servant les personnes accusées de terrorisme, les comptes des terroristes tués et des Palestiniens détenus dans les prisons israéliennes seront débloqués en début de semaine prochaine.

« Il y aura une position unifiée de toutes les parties concernant la menace israélienne contre les banques qui fournissent leurs services aux familles des prisonniers et des martyrs », a déclaré M. Shtayyeh.

Les Palestiniens décrivent tous ceux qui ont été tués dans le conflit israélo-palestinien comme des « martyrs », y compris les terroristes tués lors d’attaques contre des civils ou des forces militaires.

M. Shtayyeh a indiqué que les familles des prisonniers pourraient réactiver leurs comptes à partir de dimanche, après avoir été bloquées par les banques concernées il y a plusieurs jours.

Il a rejeté « les menaces israéliennes sur les banques concernant les indemnités pour les prisonniers et les martyrs. Nous ne nous y soumettrons pas, et nous trouverons des solutions qui préserveront leurs droits et protégeront les banques de l’oppression de l’occupation, et de toute procédure légale ».

Shtayyeh a formé un comité pour « étudier les menaces israéliennes contre les banques qui fournissent des services aux familles des prisonniers et des martyrs ».

Le groupe terroriste du Hamas a quant à lui condamné le consentement des banques face aux menaces israéliennes, qu’il considère comme « une réponse claire aux diktats de l’occupation israélienne, et une déviation grave des valeurs et de la voie morale ».

Il a déclaré que les prisonniers étaient « les symboles du peuple palestinien, qui a passé ses années à défendre la liberté, la dignité et les droits volés ».

Des responsables palestiniens ont déclaré vendredi qu’Israël obligeait les institutions financières de Cisjordanie à fermer les comptes détenus par les familles des prisonniers dans les prisons israéliennes afin d’empêcher l’Autorité palestinienne de leur verser des allocations.

Israël tente depuis longtemps de mettre un frein aux centaines de millions de dollars d’allocations versées aux Palestiniens condamnés pour des infractions à la sécurité – ou à leurs proches. Cette politique encourage le terrorisme, selon Jérusalem. Ramallah s’est engagé à poursuivre ces paiements, les décrivant comme une forme de protection sociale et de compensation face à ce qu’il prétend être un système de justice militaire injuste.

Le Premier ministre de l’Autorité palestinienne, Mohammad Shtayyeh, s’adresse aux journalistes lors d’une conférence de presse, le 13 avril 2020. (Wafa)

Des manifestants ont brisé les vitres de plusieurs agences bancaires et ont mis le feu à l’extérieur de certaines d’entre elles tard jeudi et tôt vendredi, alors que la nouvelle réglementation commençait à être connue publiquement.

Qadura Fares, qui dirige le Club des prisonniers palestiniens de l’Organisation de libération de la Palestine, a déclaré que les parents des prisonniers actuels et anciens lui avaient dit qu’ils étaient obligés de fermer leurs comptes à cause d’un nouveau décret militaire israélien pénalisant les banques pour avoir facilité les paiements.

Le père d’un prisonnier a déclaré qu’il avait essayé d’utiliser un distributeur automatique jeudi, mais que l’opération avait été refusée. Il a déclaré que la banque lui avait dit de retirer ses fonds et de fermer le compte en raison de la nouvelle réglementation israélienne.

Un directeur de banque a déclaré que le Coordinateur des activités gouvernementales dans les territoires (COGAT), l’organe militaire israélien qui supervise les affaires civiles dans les Territoires palestiniens, avait averti les banques de cette décision il y a plusieurs mois, en précisant qu’elle entrerait en vigueur le 3 mai. Il a déclaré que les banques s’y conformaient parce qu’elles craignaient des poursuites judiciaires ou des interventions israéliennes. Il s’est exprimé sous le couvert de l’anonymat, craignant des représailles de la part de clients en colère. D’autres directeurs de banque ont refusé de commenter, invoquant des préoccupations similaires.

Le ministère de la Défense israélien et le COGAT n’ont pas répondu immédiatement aux demandes de commentaires.

Fares a déclaré que les familles d’environ 12 000 prisonniers actuels et anciens reçoivent des allocations mensuelles de l’AP. Les prisonniers qui ont purgé plus de cinq ans de prison reçoivent environ 700 dollars par mois jusqu’à ce qu’ils trouvent un emploi, et les familles reçoivent une aide en fonction du nombre d’enfants qu’elles ont, a-t-il dit.

Il a déclaré que la nouvelle réglementation était une « violation flagrante » de la souveraineté palestinienne, puisque les banques sont situées dans des zones régies par l’AP. L’armée israélienne effectue régulièrement des raids d’arrestation et d’autres opérations dans ces zones.

La prison militaire d’Ofer dans la ville de Betunia, en Cisjordanie, le 1er mai 2015. (Crédit : Miriam Alster/ Flash90)

Qadura Fares a fait valoir jeudi à Haaretz que la fermeture des comptes bancaires était une mesure extrême qui porterait préjudice à quelque 11 000 familles recevant les allocations.

« Une telle mesure draconienne signifie une condamnation à mort pour de nombreuses familles, pour lesquelles cette allocation est le seul tube respiratoire financier », a-t-il dénoncé.

Hussein al-Sheikh, un assistant du président de l’AP Mahmoud Abbas, a rejeté la clôture des comptes, la qualifiant d’affront à la « dignité de chaque Palestinien » et de « soumission à la volonté de l’occupation ».

« Nous espérons créer un consensus national palestinien pour protéger nos familles et leurs droits et préserver leur dignité », a-t-il tweeté.

Les paiements sont effectués par le Fonds des martyrs, qui apporte également une aide aux familles des kamikazes et autres terroristes. Abbas a toujours rejeté la violence, se disant en faveur de pourparlers de paix avec Israël, mais les négociations ont été bloquées il y a plus de dix ans. Il s’est engagé à plusieurs reprises à poursuivre les versements malgré la pression israélienne.

Qadura Fares, un représentant du Fatah. (Flash90)

Au cours des deux dernières années, Israël a déduit le montant des paiements des recettes fiscales qu’il perçoit au nom de l’AP de la somme qu’il lui reverse. L’année dernière, l’AP a rejeté tous les transferts fiscaux en signe de protestation, mais a cédé quelques mois plus tard.

L’AP a imposé de lourdes restrictions liées au coronavirus à la mi-mars, en fermant les entreprises non essentielles dans les zones de Cisjordanie où elle jouit d’une autonomie limitée et en interdisant la plupart des déplacements entre les villes et les villages. Ces mesures semblent avoir réussi à contenir l’épidémie, les autorités ayant signalé environ 540 cas et seulement deux décès. Mais le blocage devrait provoquer de lourds coûts économiques au territoire et à l’Autorité palestinienne, à court d’argent.

Le nouvel ordre militaire, signé en février, applique des parties substantielles de la loi anti-terroriste israélienne à la Cisjordanie. La loi stipule que toute personne ou organisme qui apporte une aide financière à quiconque, dans le but de faciliter, de faire avancer, de financer ou de récompenser des infractions liées au terrorisme, commet un crime passible d’une peine pouvant aller jusqu’à dix ans de prison et d’une amende.

Treize banques opèrent dans les zones de Cisjordanie régies par l’Autorité palestinienne. Sept d’entre elles appartiennent à des Palestiniens, cinq sont jordaniennes et une est égyptienne.

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