Au Koweït, les jeunes en quête de renouveau politique
Riche et conservateur, le pays est néanmoins, dans le Golfe, le seul doté d'une vie politique dynamique, même si les pouvoirs régaliens restent aux mains de la famille régnante
Dans son bureau à l’Assemblée nationale du Koweït, Dawood Marafie, l’air toujours décontracté, discute avec ses assistants des dossiers en cours. Récemment élu, ce député de 41 ans se dit déterminé à répondre à « l’espoir » d’une génération éreintée par une profonde crise politique.
Comme lui, une dizaine de jeunes réformateurs sont sortis vainqueurs aux législatives de juin, les septièmes en une décennie dans cet État pétrolier.
Riche et conservateur, le pays est néanmoins, dans le Golfe, le seul doté d’une vie politique dynamique, même si les pouvoirs régaliens restent aux mains de la famille régnante des Al-Sabah.
Issu du monde de l’entreprise, connu pour son éloquence et son aisance médiatique, Dawood Marafie est longtemps resté « sans tendance politique » particulière, dit-il, toujours entouré de ses jeunes attachés parlementaires portant comme lui robes et keffieh blancs.
Soucieux de son image, le jeune député s’est « lancé dans l’arène politique », excédé par le bras de fer permanent entre l’exécutif et le Parlement qui paralyse le pays.
Si la scène politique reste dominée par la vieille garde, « le regard (sur les jeunes) a changé », estime Dawood Marafie. « Ce qui compte désormais, c’est la compétence. Il n’est plus nécessaire d’être politicien ou avocat pour occuper tel ou tel poste. La diversité, c’est ce qui fait la beauté de la démocratie », se réjouit-il.
Doté des réserves en pétrole parmi les plus importantes au monde, le Koweït est un État extrêmement riche où l’instabilité a ralenti les réformes et le développement des infrastructures, comme celles à l’œuvre chez ses voisins, bien plus verrouillés politiquement, Qatar, Arabie saoudite et Émirats arabes unis en tête.
« Réviser le système »
Dans une infernale valse des gouvernements démissionnaires et des parlements dissous, sur fond d’accusations de corruption contre des ministres, le Koweït en est à son huitième cabinet en trois ans. Le dernier en date, formé mi-juin, a promis une « coopération positive » avec l’Assemblée.
Environnement, logement, soutien aux petites et moyennes entreprises, Dawood Marafie espère « des avancées pour les jeunes », à commencer par une formation plus tournée vers le développement technologique pour répondre aux « emplois d’avenir », dans un pays où la moitié des quelque quatre millions d’habitants a moins de 35 ans.
Dawood Marafie se dit « confiant » mais ces réformes nécessitent un « consensus parlementaire », dans une Assemblée qui compte un quart d’islamistes et une seule femme sur 50 sièges.
Pour Shaikha Albahaweed, une journaliste indépendante, le Koweït doit avant tout « réviser son système politique et démocratique » afin d’aboutir à une « meilleure représentation des femmes mais aussi des diverses catégories sociales ».
Arborant le mot « féministe » en pendentif, cette intellectuelle engagée de 34 ans estime que l’absence de partis politiques officiellement autorisés, la corruption des élites, le caractère non démocratique du gouvernement nommé par le pouvoir, les campagnes législatives coûteuses, favorisent les puissantes familles au détriment des autres candidats.
« Ne pas reculer »
« Le problème, c’est que nous tournons en rond : pour que le système change, il faut qu’il y ait des députés plus représentatifs qui soient en mesure de le faire mais aussi un gouvernement qui ait cette volonté là », déplore Shaikha Albahaweed, en marge d’un colloque sur les femmes.
Selon elle, les inégalités matérielles mais aussi le conservatisme qui les éloigne de l’espace public, privent les femmes des hautes fonctions politiques, alors qu’elles sont de plus en plus présentes dans le monde associatif, étudiant ou du travail.
Membre de l’association qui organise ce colloque, Haifa Almousa dénonce une « société patriarcale » et des « courants fanatiques » qui mènent une « guerre contre les femmes », empêchant l’élection de plus de députées qui pourraient mieux lutter contre les inégalités et les violences sexistes.
« Il n’y a eu que 15 candidates aux dernières législatives. Les femmes sont réticentes à se présenter à cause d’un environnement qui ne leur est évidemment pas favorable », fustige Haifa Almousa.
Mais cette cadre du secteur de la construction reste déterminée à défendre le droit des jeunes et des femmes à s’exprimer.
« On doit continuer à se battre et à ne pas reculer face aux pressions qui s’exercent sur les femmes », dit-elle. « On doit avoir confiance en nous-mêmes et se dire qu’à la fin, le droit l’emportera. »