Ben Gvir veut nommer un chef de la lutte contre le crime dans la communauté arabe
Les partis appellent le Premier ministre à s'attaquer au nombre croissant de meurtres dans la communauté arabe - qui pleure déjà, cette année, sa 90e victime
Jeremy Sharon est le correspondant du Times of Israel chargé des affaires juridiques et des implantations.

Le ministre de la Sécurité nationale Itamar Ben Gvir a annoncé, lundi, son intention de nommer un coordinateur qui sera chargé de s’attaquer au crime endémique dans la communauté arabe, quelques heures après que cette épidémie de violences a fait sa 90e victime.
Le ministre d’extrême-droite a fait cette annonce après avoir procédé à une évaluation de la situation sur le terrain avec les responsables de la police, suite aux deux dernières fusillades meurtrières qui avaient eu lieu dans la nuit de dimanche à lundi.
Au même moment, les députés des partis politiques arabes devaient rencontrer, dans la journée, le Premier ministre Benjamin Netanyahu pour débattre du problème, réclamant une action urgente pour lutter contre la vague criminelle.
Selon le groupe Abraham Initiatives, qui traque les violences au sein de la communauté, 90 Arabes ont été tués dans des violences en 2023. Ce chiffre est presque le triple du nombre qui avait été enregistré l’année dernière à la même période, où les meurtres avaient ôté la vie à 34 personnes.
Ben Gvir a indiqué avoir pris la décision de désigner un responsable politique qui se consacrera uniquement à cette question après des rencontres avec le commissaire de la police israélienne, Kobi Shabtai, et avec des commandants de district, des réunions qui ont eu lieu au cours des derniers jours.
Un candidat sera nommé à ce poste dans les quinze prochains jours, a ajouté le ministre, qui a précisé que le processus de sélection n’avait pas encore commencé.
« J’ai l’intention de placer la lutte contre les crimes et contre les meurtres dans la société arabe à la tête des priorités du ministère de la Sécurité nationale », a dit Ben Gvir dans une déclaration à la presse.
« De plus, j’ai l’intention d’allouer des ressources énormes à cette fin en déployant des agents de police dans les secteurs concernés, en élevant les salaires des policiers et en établissant la Garde nationale », a-t-il poursuivi.
Le ministre a fait avancer un plan très controversé concernant la création d’une force civile bénévole qui pourrait intervenir lors des émeutes susceptibles de survenir dans les périodes de tensions accrues entre Juifs et Arabes – les critiques l’ont accusé de chercher à créer une milice privée.

Un grand nombre de membres de la communauté arabe et au-delà affichent leur scepticisme face au projet d’établissement d’une Garde nationale et face aussi à la réelle détermination du leader ultra-nationaliste à combattre les violences qui touchent les Arabes israéliens.
Il avait appelé, dans le passé, à expulser les Arabes « déloyaux » à l’égard d’Israël et il a été condamné pour incitation au racisme et pour soutien apporté à un groupe terroriste juif.
Shabtai, lui aussi, suscite la méfiance après avoir été récemment enregistré en train de dire que les Arabes étaient « par nature » des meurtriers.
« Monsieur le ministre, il n’y a rien à faire », avait-il déclaré lors d’une conversation avec Ben Gvir qui portait sur le nombre élevé d’homicides au sein de la communauté, un enregistrement qui avait fuité auprès de la Douzième chaîne au mois d’avril.
« Ils s’entretuent. C’est leur nature. C’est la mentalité arabe », avait-il ajouté.

La rencontre qui est prévue avec Netanyahu a souligné encore le malaise des leaders arabes face à une éventuelle coopération avec Ben Gvir, alors même qu’ils restent déterminés à mettre un terme aux effusions de sang qui endeuillent leur communauté.
Lors d’une conférence de presse qui a eu lieu lundi à la Knesset, le député Ahmad Tibi de Hadash-Taal a indiqué que ce serait Netanyahu qui devrait être chargé de nommer un responsable et mettre en place une commission ministérielle dans la lutte contre le crime au sein de la communauté, afin de combattre le problème de manière efficace et d’assurer la coordination avec les autres branches du gouvernement.
Tibi n’a pas dit explicitement s’il rejetterait le candidat qui serait proposé par Ben Gvir et un porte-parole du député arabe n’avait pas répondu à une demande de réaction au moment de la publication de cet article.
Hadash-Taal devait présenter une proposition politique en douze points à Netanyahu lors de cette réunion de lundi.
Prenant la parole lors de la même conférence de presse, Ayman Odeh, le chef du parti, a semblé attribuer la responsabilité de la situation difficile à Netanyahu, qui fait l’objet d’une forte méfiance au sein de la communauté. Selon Odeh, un plus grand nombre d’Arabes ont perdu la vie depuis 2009 – année où Netanyahu avait entamé son deuxième mandat de Premier ministre – que toutes les années qui s’étaient écoulées jusque-là et depuis 1948, année de la création d’Israël.
Il a toutefois reconnu que passer à l’offensive dans ce dossier devrait impliquer le Premier ministre.
« Nous avons été invités à une réunion [sur la question] qui a été organisée à notre demande et nous ne pouvons pas nous payer le luxe de ne pas rencontrer le Premier ministre sur cette affaire », a-t-il dit.
Alors que le nombre de meurtres a atteint un pic, ces dernières années, le gouvernement a promu des plans visant à prendre en charge la problématique, à la fois au sein de la communauté et en renforçant la police. Les projets qui avaient été mis en œuvre par le gouvernement précédent – qui avait le soutien du parti islamiste Raam – avaient aidé à faire baisser le nombre d’homicides dans la communauté arabe à 112 contre 126 en 2021.

Le dirigeant de Raam, Mansour Abbas, a également blâmé le Premier ministre en disant que Netanyahu « n’a pas apporté de réponse » aux demandes le sommant de s’attaquer au crime dans la communauté arabe.
« Ce qui a changé entre 2022 et 2023, c’est la composition du gouvernement, ce sont les politiques du gouvernement qui a gelé les décisions qui avaient été prises, l’année dernière, par le gouvernement précédent ; c’est le gouvernement qui a perturbé le travail de la police – avec pour résultat que nous connaissons la catastrophe actuelle dans laquelle nous perdons ceux que nous aimons » a déploré Abbas.
« Nous voulons coopérer, nous sommes prêts à toutes les coopérations si elles permettent de sauver des vies et de conserver le caractère sacré de la vie, y compris dans le secteur arabe. L’objectif est de répondre aux demandes du secteur arabe et d’adopter les politiques [du gouvernement précédent] qui ont fait leurs preuves », a ajouté Abbas.
Raam a néanmoins annoncé que la faction boycotterait la rencontre avec Netanyahu.
« Netanyahu, en tant que Premier ministre, a gelé les plans qui étaient approuvés par l’ancien gouvernement – des plans qui ont entraîné une baisse du nombre de meurtres dans la société arabe. Netanyahu est invité à faire part de la reprise immédiate des programmes qui étaient mis en œuvre », a indiqué Waleed Taha, député du parti, au Times of Israel.
Les analystes expliquent que les meurtres sont entraînés par les violences de la pègre, qui se nourrit de gangs puissants pratiquant l’extorsion, le prêt usurier, les rackets de protection et autres activités criminelles. Un grand nombre des fusillades entreraient aussi dans le cadre des guerres entre des groupes rivaux.
Le ministre du Patrimoine Amihai Eliyahu, membre de la faction d’extrême-droite Otzma Yehudit, a expliqué, pour sa part, que la communauté arabe dans son ensemble devait être tenue pour responsable du nombre élevé de meurtres.
« C’est leur système d’éducation qui est responsable [de la situation] en ne cessant de leur répéter qu’il ne faut pas écouter l’autorité », a commenté Eliyahu lors d’un entretien accordé à la chaîne de la Knesset.
« Cette société ne sait pas se gérer. Les Juifs ont été en exil pendant 2 000 ans et ils ont appris à se prendre en charge », a continué le ministre ultra-nationaliste. « La communauté arabe doit s’éduquer pour apprendre à obéir aux lois – ce qui fera baisser le nombre de meurtres, ce qui fera baisser le nombre des crimes et celui des accidents de la circulation ».