Blinken : l’Iran pourrait assembler une bombe en quelques semaines
Le secrétaire d'État américain a déclaré qu'il ne pensait pas que l'Iran soit "prêt et disposé" à se conformer à nouveau à l'accord; Grosse inquiétude du chef de l'AIEA
Le secrétaire d’État américain Antony Blinken a averti que le « délai » dont l’Iran a besoin pour assembler une bombe atomique pourrait être réduit à quelques semaines – si Téhéran continue de violer l’accord de 2015 limitant son programme nucléaire.
S’adressant à des membres du Congrès, Blinken a déclaré qu’il n’était pas certain que l’Iran soit « prêt et disposé » à se conformer à nouveau à l’accord, alors que les négociations se poursuivent pour que les États-Unis se joignent à l’accord.
« Pendant ce temps, son programme galope et progresse….. Plus cela dure, plus le délai diminue… il est maintenant réduit, selon les rapports publics, à quelques mois au mieux. Et si cela continue, ce ne sera plus qu’une question de semaines », a déclaré Blinken, cité par Reuters.
« On ne sait toujours pas si [M. Biden] et [M. Blinken] sont prêts à enterrer la politique faillie de « pression maximale de Trump […] et à cesser d’utiliser le #TerrorismeEconomique comme un outil pour prendre l’avantage dans les négociations », a réagi sur Twitter le ministre des Affaires étrangères iranien, Mohammad Javad Zarif, pour qui « il est temps de changer de cap ». L’Iran « se conforme » à l’accord nucléaire, ajoute M. Zarif, en citant l' »article 36″ de ce texte qui autorise une partie à cesser tout ou partie de ses engagements en cas de manquement d’une autre partie aux siens. L’Iran considère depuis le départ la dénonciation unilatérale du pacte par M; Trump comme une « violation » de la lettre et de l’esprit de l’accord de Vienne.
Il est « de plus en plus difficile » d’envisager une nouvelle prolongation de l’arrangement temporaire avec l’Iran sur les inspections nucléaires, a déclaré lundi à Vienne le directeur général de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA).
« Je vois cet espace se rétrécir », a regretté devant les journalistes Rafael Grossi, au premier jour de la réunion trimestrielle du Conseil des gouverneurs de cet organisme onusien.
En février, Téhéran a suspendu certaines inspections de l’AIEA, ce qui a conduit l’agence à conclure un accord temporaire lui permettant de poursuivre ses activités, même si le niveau d’accès est réduit. Fin mai, ce compromis a été prolongé jusqu’au 24 juin.
D’ici là, les grandes puissances espèrent sauver l’accord international dit JCPOA de 2015, destiné à empêcher la République islamique de se doter de la bombe atomique.
Les diplomates espèrent aboutir à un accord avant la présidentielle du 18 juin en Iran.
Les électeurs sont appelés aux urnes pour élire un successeur au président modéré Hassan Rouhani dans un climat de mécontentement général face à la grave crise économique et sociale dans le pays.
L’espoir né de la conclusion de l’accord sur le nucléaire en 2015 a vite fait place à la désillusion, surtout lorsque l’ancien président américain, Donald Trump, a dénoncé ce pacte en 2018, avant de rétablir des sanctions qui ont plongé l’Iran dans une violente récession.
« Que ce soit par le biais des négociations du JCPOA ou par d’autres moyens, nous espérons que nos activités et notre capacité d’inspection ne seront plus limitées », a ajouté Rafael Grossi.
Le chef de l’AIEA a aussi abordé la question de plusieurs sites iraniens non déclarés, qui suscitent « l’inquiétude » de l’organisme.
Des « réunions techniques » ont été initiées début avril pour « sortir de l’impasse » mais elles « n’ont pas produit les résultats escomptés », selon un rapport délivré la semaine dernière.
« Les attentes n’ont pas été satisfaites. (…) Il n’y a aucun progrès concret », a déploré M. Grossi.
Même si ce sujet est distinct des discussions en cours à Vienne, « tout est interconnecté », a-t-il martelé. « Il faut de la confiance. Le chemin de la confiance passe par l’information, la clarification, les inspections et la transparence totale ».
La situation en Iran est « grave », a estimé Rafael Grossi. « Nous avons un pays qui a un programme nucléaire très développé et ambitieux, avec des taux d’enrichissement de l’uranium extrêmement élevés (…), très proches du niveau d’armement ».
L’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) avait en effet fait part la semaine dernière de ses inquiétudes concernant la situation de plusieurs sites iraniens non déclarés.
L’AIEA avait fait par ailleurs le point sur l’uranium faiblement enrichi accumulé par l’Iran.
Sa quantité est désormais près de 16 fois supérieure à la limite autorisée par l’accord international de 2015.
Elle atteint 3 241 kilos pour un plafond fixé à 202,8 kilos (ou 300 kilos équivalent UF6), d’après une estimation, contre 2 967,8 kilos en février.
La cadence s’est toutefois ralentie par rapport aux trois mois précédents, alors que le complexe nucléaire de Natanz a été victime le 11 avril d’une explosion imputée par Téhéran à Israël.
Outre cet uranium enrichi à moins de 5 %, l’Iran a repris depuis le début de l’année l’enrichissement à 20 %, avant de franchir un cap inédit en avril en montant à 60 %, se rapprochant ainsi des 90 % nécessaires à une utilisation militaire.
Selon le rapport, le stock à 20 % s’élève à 62,8 kg et celui à 60 % à seulement 2,4 kg pour le moment.
« Un pays qui enrichit à 60 % est une chose très sérieuse, seuls les pays qui fabriquent des bombes atteignent ce niveau », avait déclaré le 26 mai le chef de l’agence internationale de l’énergie atomique, Rafael Grossi, dans une interview au Financial Times, publiée mercredi et citée par l’agence de presse Reuters.
« Soixante pour cent, c’est presque de qualité militaire, l’enrichissement commercial est de 2,3 (pour cent) », a-t-il déclaré. « C’est un degré qui nécessite un œil vigilant. »
La République islamique s’est affranchie progressivement depuis 2019 de ses obligations nucléaires, en riposte au rétablissement des sanctions américaines par Donald Trump.