Ces exercices du Hamas dans des kibboutz reconstitués qui n’ont pas été pris au sérieux
Des courriels qui ont fuité indiquent qu'une soldate des services de renseignement avait évoqué des préparations de la part des groupes terroristes en vue d'un assaut majeur - "fantaisiste", avaient estimé les officiers
De multiples informations, ces derniers jours, ont révélé qu’Israël savait que le Hamas avait reconstitué des communautés israéliennes pour s’entraîner en vue d’une attaque majeure. L’un de ces exercices grandeur nature s’était notamment terminé par ces mots : « Nous avons tué tout le monde dans le kibboutz ».
Toutefois, les avertissements retransmis par les services de renseignement avaient été largement rejetés par le sommet de la hiérarchie car jugés « fantaisistes ».
Une enquête réalisée par la BBC, qui a été diffusée mardi, a révélé que le Hamas s’entraînait pour cette attaque meurtrière depuis presque trois ans et qu’il avait même fait paraître des vidéos et des images explicites de ces exercices sur les réseaux sociaux.
Ces vidéos montrent les hommes armés du groupe terroriste évoluer dans une communauté israélienne reconstituée pour les besoins de l’entraînement, passant de pièce en pièce pour tuer les habitants, pénétrant de force à travers des portails peints en jaune – c’est la couleur des portails des kibboutzim frontaliers – et prenant des civils et des soldats en otage. L’un des sites utilisés pour ces entraînements était à moins de deux kilomètres de la frontière avec l’État juif.
L’enquête a permis de déterminer que dix groupes terroristes palestiniens différents avaient pris part à ces exercices et elle a noté que six d’entre eux avaient posté des vidéos de ces derniers sur les réseaux sociaux.
Une série de courriels qui ont fuité auprès des médias israéliens, la semaine dernière, indiquent que les soldats travaillant dans les unités de renseignement, sur le terrain, étaient parfaitement conscients de ces menaces mais que leurs mises en garde étaient restées lettre morte.
Une soldate aguerrie de l’unité prestigieuse des renseignements 8200 avait ainsi transmis des avertissements explicites à ses supérieurs avant les atrocités du 7 octobre. Elle avait signalé que le Hamas était en train de préparer une invasion massive d’Israël, à la fois très organisée et très méticuleusement préparée.
Selon « Uvda », l’émission de journalisme d’investigation de la Douzième chaîne qui a été diffusée lundi, cette soldate expérimentée et de haut-rang – qui n’a été identifiée que par la première lettre de son prénom, « Vav » – avait transmis un courriel à sa hiérarchie, le 6 juillet, intitulé : « Semer la mort dans un kibboutz à n’importe quel prix ».
Ces mises en garde étaient autant de prédictions exactes des événements qui se sont déroulés le 7 octobre. Ce jour-là, 3 000 hommes du Hamas avaient franchi la frontière à plusieurs endroits et ils avaient pris le contrôle des bases militaires et des communautés du sud d’Israël, ainsi que du site où avait lieu une rave-party. Ils avaient tué avec brutalité environ 1200 personnes, des civils en majorité, et ils avaient pris 240 personnes en otage.
Mais ces avertissements avaient été largement rejetés et ils n’étaient pas parvenus jusqu’à la tête des services des renseignements militaires. Ces révélations sont venues confirmer d’autres informations qui avaient laissé entendre que l’armée avait eu connaissance de la possibilité d’une attaque du Hamas et qu’elle n’avait pas agi en conséquence.
Dans ses courriels, « Vav » avait écrit que « à la fin du mois de mai, il y a eu un exercice insensé mené par les deux compagnies Nukhba, un exercice auquel ont assisté toute une série de leaders du Hamas », faisant référence à l’unité de commando d’élite qui avait finalement lancé l’assaut du 7 octobre.
Elle avait noté que pendant l’entraînement, qui avait duré une journée, des hommes armés, dans des jeeps et sur des deux-roues, s’étaient exercés à tirer sur des avions et sur des hélicoptères militaires israéliens.
« Vav » avait aussi décrit la manière dont un kibboutz avait été reconstitué – les terroristes étaient allés jusqu’à lui donner un nom – et la façon dont ils avaient installé leur drapeau sur la synagogue et sur le secrétariat de la communauté.
De plus, d’autres hommes armés s’étaient exercés en vue de l’attaque et de la capture d’une base d’entraînement militaire. « Ils avaient eu pour instruction de tuer toutes les équipes présentes », avait-elle écrit.
Le quotidien Haaretz a évoqué les mêmes exercices et les mêmes courriels inquiets, notant que selon les messages interceptés, le groupe terroriste avait conclu l’exercice en déclarant que « nous avons tué tout le monde, dans le kibboutz ».
Lorsque le courriel avait remonté la chaîne de commandement, plusieurs des supérieurs et des collègues de la soldate avaient salué les renseignements collectés, certains disant qu’ils c’était « de l’or en barre ».
Le 12 juillet, un officier de l’unité de renseignement avait répondu. S’il avait fait l’éloge du travail de sa subalterne, convenant de la « démence » de l’exercice, il avait finalement rejeté les mises en garde.
« Ce scénario d’exercice tel qu’il est décrit est un fantasme complet. Nous devons faire la différence entre ce que fait le Hamas par bravache et par goût du spectacle et ce qui est réel », avait-il écrit.
« Vav » avait répondu au courriel, disant qu’elle rejetait « catégoriquement la possibilité qu’il s’agisse d’un scénario fantasmagorique. Je ne peux pas concevoir qu’il s’agisse seulement d’un exercice de préparation en vue d’une situation imaginaire, avec pour seul objectif de remonter le moral des hommes. Je pense que ce scénario est très réel et en particulier parce que le Hamas a les capacités militaires nécessaires pour le réaliser. »
Elle avait ajouté que c’était « un plan d’opération sans calendrier spécifique » – ce qui revenait à dire, en d’autres mots, que « nous ne serons pas en mesure de lancer des avertissements au moment nécessaire ». Elle avait noté que, selon elle, c’était un événement stratégique « mis en place pour donner le coup d’envoi à une guerre ».
Elle avait même évoqué les ordres donnés par les leaders du Hamas à leurs hommes, leur demandant « de se préparer à tuer ces porcs de Juifs » et « de se préparer à entrer pour leur couper la tête ».
« Ils se préparent, nombreux, en vue d’un important événement. Ce n’est pas seulement une démonstration de leurs capacités ; ils préparent quelque chose de très réel », avait-elle conclu.
Selon la Douzième chaîne, malgré ces mises en garde désastreuses, les courriels n’étaient jamais arrivés au chef des Renseignements militaires, le général Aharon Haliva, qui a assuré à ses collègues qu’il ignorait totalement l’existence de cette correspondance.
Ces fuites de courriel viennent s’ajouter à toute une série d’échecs présumés des services de renseignement.
Les soldats de surveillance appartenant au Corps des renseignements de combat qui ont survécu à l’attaque, par le Hamas, de leur base militaire de Nahal Oz, avaient raconté à la chaîne Kan, au mois d’octobre, que les responsables des renseignements avaient rejeté les informations dont ils avaient fait état après avoir constaté des activités inhabituelles sur la frontière avec la bande, considérant qu’elles n’avaient pas d’importance.
Les soldats ont rappelé que pendant au moins trois mois, avant le 7 octobre, ils avaient transmis des renseignements sur des sessions d’entraînement du groupe terroriste qui avaient lieu plusieurs fois par jour, où les hommes creusaient des trous et plaçaient des explosifs le long de la frontière.
Lorsqu’ils avaient présenté ces informations à leurs supérieurs, ils avaient été ignorés et les renseignements n’avaient pas remonté la chaîne de commandement.
La semaine dernière, la chaîne publique Kan a signalé qu’avant le 7 octobre, les militaires avaient trouvé un manuel terroriste du Hamas qui décrivait la manière de conquérir la région frontalière de Gaza, dans le sud d’Israël.
La chaîne a précisé que les plans détaillés figurant dans le manuel avaient été transmis aux officiers de Tsahal qui avaient détourné le regard, estimant que le Hamas n’était pas pourvu des capacités militaires nécessaires pour réussir une telle attaque.
Répondant aux informations, l’armée a indiqué « mener des opérations et se battre actuellement contre l’organisation terroriste meurtrière du Hamas, dans la bande de Gaza. Tous les commandants et tous les soldats de Tsahal se concentrent aujourd’hui sur cette mission afin d’atteindre les objectifs de la guerre. Quand la guerre sera terminée, des investigations minutieuses et approfondies seront lancées pour établir clairement jusqu’au dernier détail ».