Comment Israël a rétabli l’approvisionnement en eau à Gaza, avec l’aide des habitants
Loin des bravades des ministres et des accusations internationales, les autorités disent que Jérusalem s'est donné beaucoup de mal pour réparer les infrastructures « endommagées » suite au 7 octobre
Dès le début de la guerre dans la bande de Gaza, en octobre dernier, la question sensible de l’approvisionnement en eau de la population palestinienne s’est imposée.
Avant le 7 octobre, déjà, le réseau d’adduction d’eau de Gaza était fragile et la population faisait face à des pénuries récurrentes d’eau potable. Avec le début des hostilités, les maigres réserves des Gazaouis risquaient de se volatiliser.
Dans le sillage de l’attaque barbare du Hamas, des ministres israéliens ont réagi en décrétant l’interruption de tout transfert de ressources israéliennes, à commencer par l’électricité, l’eau et les marchandises. Mais Israël a finalement fait marche arrière, face à la pression internationale et aux souffrances des civils de la bande de Gaza.
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On sait désormais que des contacts directs ont eu lieu et qu’une coopération entre Israéliens et Palestiniens de Gaza s’est instaurée, au début de la guerre, pour assurer l’adduction de l’enclave en eau israélienne.
Cette coopération entre professionnels israéliens et gazaouis en temps de guerre illustre le hiatus qui existe entre les provocations de certains ministres et la réalité sur le terrain.
C’est sans doute pour cette raison que les autorités israéliennes concernées par la question – à savoir le Coordinateur des activités gouvernementales dans les territoires (COGAT), l’Autorité de l’eau et Mekorot, la compagnie des eaux israélienne – préfèrent ne pas s’exprimer.
Ces dernières années, Israël a fait parvenir de l’eau dans la bande de Gaza en utilisant trois canalisations – une située au nord, près du kibboutz Nahal Oz, une au sud appelée Bani Suheila, non loin de Khan Younès et enfin une troisième, appelée bassin de Sayid, située à mi-chemin avec les deux premières -, pour un volume total de 20 millions de mètres cubes chaque année et un montant directement prélevé sur les impôts perçus par Israël pour le compte de l’Autorité palestinienne (AP).
Le reste de l’eau de Gaza dont bénéficie Gaza provient de petites installations de dessalement établies à l’intérieur de l’enclave et, plus marginalement, des puits qui, en raison de la baisse du niveau de l’eau et des entrées d’eau de mer, sont de plus en plus salés.
La canalisation du nord, située non loin de Nahal Oz, a été mise hors service lors de l’attaque du 7 octobre, lorsque des milliers de terroristes dirigés par le Hamas et aidés par des civils palestiniens ont pris d’assaut le sud d’Israël pour y tuer près de 1 200 personnes et faire 251 otages.
Les installations de dessalement de la bande de Gaza ont très rapidement cessé de fonctionner en raison d’une pénurie de diesel et d’électricité. Israël Katz, alors ministre de l’Énergie, et le ministre de la Défense Yoav Gallant, ont rapidement déclaré que c’en était fini de l’eau pour les Gazaouis.
Le 9 octobre, au troisième jour de la guerre, Gallant a publié une vidéo disant : « Dorénavant, les habitants de Gaza n’auront plus ni électricité, ni nourriture, ni eau, ni carburant. »
Le même jour, Katz avait tweeté : « J’ai ordonné l’arrêt immédiat de l’approvisionnement en eau d’Israël à Gaza. Les choses ont changé. » A l’époque, il était évident que de telles déclarations grandiloquentes seraient un jour utilisées comme preuves contre Israël à La Haye.
Si la canalisation du Nord a été effectivement fermée, il y a eu débat à propos des canalisations du Centre et du Sud du pays.
https://x.com/Majstar7/status/1711360148571140319?ref_src=twsrc%5Etfw%7Ctwcamp%5Etweetembed%7Ctwterm%5E1711360148571140319%7Ctwgr%5E9704e3cce4fd7a050df0e54536f982a2aa5bfa9b%7Ctwcon%5Es1_&ref_url=https%3A%2F%2Fwww.timesofisrael.com%2Fhow-israel-worked-to-renew-gazas-water-supply-amid-the-war-with-help-from-locals%2F
Selon certains, les canalisations ont été endommagées dans les tout premiers jours des combats, à cause de bombardements ou du passage de chars et d’autres véhicules militaires lourds.
Pour d’autres, c’est l’armée israélienne qui a interrompu l’approvisionnement en eau de Gaza sur ordre du ministre de la Défense.
« Les premiers jours, il y a eu une bataille politique et médiatique pour savoir s’il fallait ou non fermer les canalisations », confie à Zman Yisrael, site frère et en hébreu du Times of Israel, une source proche du dossier.
« Cette bataille, à grand renfort de tweets avant même que les canalisations ne soient réellement fermées, a mis des vies en danger », poursuit la source, « car ces infrastructures se trouvent au même endroit depuis 20 ans : tout le monde sait où elles sont. »
« Il a suffi de dire qu’on allait envoyer une équipe fermer ces canalisations pour que [le Hamas] le bombarde », précise cette même source. « Ces bravades n’ont fait que retarder ce qu’Israël voulait faire. Il s’est finalement avéré trop dangereux d’y envoyer des agents de Mekorot, et c’est l’armée israélienne qui l’a fait. »
Il est très vite apparu que la question de la pénurie d’eau dans la bande de Gaza allait hanter Israël et lui nuire sur la scène internationale, plus spécifiquement dans le milieu du droit.
Sans en convenir publiquement, les autorités israéliennes ont commencé à chercher le moyen de rétablir l’adduction en eau de la bande de Gaza.
Mais compte tenu du mauvais état des infrastructures, cela n’a pas été chose facile.
Côté israélien, l’intervention sur les canalisations s’est avérée plus facile : des employés de Mekorot ont été envoyés sous haute protection réparer la canalisation du secteur sud. Dans une vidéo faite par l’un de ces employés, on entend des coups de feu tirés à proximité du lieu d’intervention.
Les autorités israéliennes ont indiqué que le premier objectif de ces réparations était de permettre à l’eau de revenir dans la bande de Gaza là où se déployaient les soldats israéliens. Ces réparations ont permis de rétablir l’eau au profit des Palestiniens.
Une fois terminées les réparations, côté israélien de la barrière, il restait encore beaucoup à faire. « Si la canalisation est défectueuse de l’autre côté, l’eau coulera dans le sable », explique une source experte de ces questions d’eau. Il se trouve que, côté palestinien, la canalisation était dans un état désastreux et nécessitait une intervention pour la remettre en état.
Evidemment, les réparations n’ont pas pu être effectuées par Mekorot, qui n’opère qu’en Israël. Il a fallu trouver des Palestiniens capables de réparer les canalisations. De hauts fonctionnaires israéliens, dont certains sont à la retraite, ont été contactés pour établir les contacts et trouver des personnels qualifiés.
Quelques jours après le début de la guerre, Giora Shaham, ex-président de l’Autorité de l’eau, a été contacté par un officier supérieur réserviste du COGAT. A la tête de l’Autorité de l’eau, Shaham avait entretenu de bonnes relations avec l’Autorité palestinienne de l’eau, à Ramallah, dans le cadre du Comité conjoint de l’eau mis en place par les accords d’Oslo dans les années 1990.
« Il était évident, dans mon esprit, qu’il fallait rétablir l’eau pour donner une totale liberté d’action à l’armée israélienne, sans compter la marge de manœuvre internationale », explique Shaham. « Et il est tout bonnement impossible de laisser des millions de personnes sans eau. »
Israël « cherchait une solution pour s’occuper de la canalisation, côté palestinien, et des personnes avec lesquelles organiser » les travaux, poursuit Shaham.
Réparer et venir en aide
Le système d’approvisionnement en eau de la bande de Gaza est – comme tout le reste – soumis à un mille-feuilles d’autorités.
« Au niveau national, c’est l’Autorité de l’eau qui, depuis Ramallah, gère l’adduction en eau de la bande de Gaza et les salaires viennent de l’Autorité palestinienne », explique Shaham.
« Une fois l’eau entrée dans la bande de Gaza, elle est répartie entre les villes – Gaza, Beit Lahiya…-, sous l’autorité du Hamas. Le Hamas revend l’eau à la population à un prix exorbitant et empoche de gros bénéfices. »
Pour réparer les canalisations, il a fallu trouver des entreprises, à l’intérieur de l’enclave, capables d’envoyer des personnels.
« J’ai parlé avec un ingénieur de Jabaliya », se souvient Shaham, « un homme très gentil dont je ne citerai pas le nom. Je lui ai demandé pourquoi il n’était pas allé dans le sud du pays [comme Israël y avait invité la population civile, au début de la guerre]. Il m’a répondu qu’il n’avait aucun point de chute, là-bas, raison pour laquelle il avait préféré rester où il était. Nous nous sommes parlé à plusieurs reprises depuis le début de cette guerre. »
« Le COGAT a fait un très important travail de coordination qui a permis que des employés palestiniens interviennent sur les canalisations endommagées, près de la barrière, et les réparent sous la protection de Tsahal. »
Il précise que c’est « pour que nos forces ne leur tirent pas dessus par accident ».
« Ces Palestiniens utilisaient des machines lourdes et des outils de soudage à proximité de la barrière. Ils auraient aisément pu être pris pour des agents du Hamas. »
Les soldats de Tsahal « ont formé un cercle autour d’eux pour montrer qu’il s’agissait de partenaires, et non d’ennemis », précise Shaham.
« Loin de moi l’idée de défendre ce gouvernement ou ce qu’Israël fait à Gaza », poursuit-il, « mais après avoir entendu le procureur de La Haye parler de privation délibérée d’eau, il est important pour moi de dire que les Israéliens ont fait de gros efforts pour rétablir l’accès à l’eau de la bande de Gaza, en réparant la canalisation de notre côté et en aidant les Palestiniens à la réparer du leur. »
Finalement, la soudure a tenu
Selon une source proche du marché israélien de l’eau, la réparation des canalisations, côté palestinien, est fastidieuse et tient du mythe de Sisyphe. « Gaza possède le pire système d’adduction en eau du monde ou presque », dit-elle.
« Déjà avant la guerre, les déperditions d’eau dans le sud de la bande de Gaza atteignaient 70 % à 90 % : chaque litre d’eau envoyé là-bas finissait sous forme d’une demi-tasse à l’autre bout de la canalisation », dit-il.
« A chaque fois que l’on tentait de rétablir l’eau, côté israélien, les tuyaux de l’autre côté explosaient sous la pression. Je ne sais combien il a fallu de tentatives pour réparer, la plupart du temps, les soudures ne tenaient même pas une heure. »
« Après avoir fermé et rouvert deux cents fois ou presque, cela a fini par marcher », explique la source. « Je ne sais pas comment le miracle a eu lieu, pourquoi, cette fois, la soudure de l’autre côté a tenu. »
En dépit du rétablissement de l’eau en provenance d’Israël, la bande de Gaza continue de faire face à une grave pénurie d’eau. L’essentiel du problème se concentre dans la région de Rafah, où plus d’un million de Palestiniens déplacés ont trouvé refuge.
Les Émirats arabes unis ont fait un geste, en participant à la construction d’une petite usine de dessalement du côté égyptien de la frontière sud de Gaza, non loin de Rafah.
On ignore si cette installation fonctionne encore et fournit de l’eau depuis l’entrée de Tsahal dans Rafah, le mois dernier.
Cet article a été traduit de l’hébreu d’un article paru dans Zman Yisrael, site frère du Times of Israël.
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