Comment la communauté juive d’York s’est relevée suite au tragique pogrom de 1190
Selon l'université, il aura fallu 20 ans pour qu' « une nouvelle communauté juive prospère à nouveau », avant l'expulsion des Juifs d'Angleterre en 1290
JTA – Ce mois-ci, la petite communauté juive de la ville britannique d’York a célébré la venue d’un nouveau rabbin, une première depuis que la communauté juive de la ville a été quasi-anéantie par un pogrom en 1190.
C’est du moins ce qu’ils pensaient.
Quelques semaines après l’arrivée du nouveau rabbin, Elisheva Salamo, des chercheurs ont découvert que les Juifs d’York avaient fondé une nouvelle communauté dans les années suivant le pogrom, et ce, en dépit d’un antisémitisme omniprésent, quelques décennies avant l’expulsion des Juifs d’Angleterre, en 1290.
D’après les conclusions publiées cette semaine, les chercheurs de l’Université d’York ont retrouvé l’emplacement de la toute première synagogue de la ville et découvert comment, dans les années qui ont suivi 1190, des membres de la communauté juive se sont rapprochés du clergé local pour se porter acquéreurs d’un bâtiment en pierre devenu le Guildhall de la ville, une sorte de centre communautaire pour la population.
« La quantité d’informations découverte par cette équipe donne beaucoup d’espoir », explique Howard Duckworth, gardien de la synagogue York, par voie de communiqué. « Nous avons découvert quantité de choses totalement nouvelles à propos des Juifs d’York, dont l’histoire a longtemps été éclipsée par le massacre de la tour Clifford. Cette étude donne en outre les clefs d’une histoire à hauteur d’homme à laquelle tout le monde peut s’identifier. Désormais, on ne voit plus York de la même manière. »
Ces chercheurs ont travaillé dans le cadre d’un projet baptisé StreetLife York, qui a vocation à « revitaliser et diversifier » la principale rue de la ville – Coney Street -, notamment en étudiant son histoire plus que millénaire. Les chercheurs ont surtout travaillé sur l’histoire des Juifs qui vivaient sur Coney Street dans les années 1200.
« Le massacre des Juifs d’York en 1190 a éclipsé le fait que dès 1210, une communauté juive florissante était revenue, qui vivait et travaillait dans la ville en entretenant des relations généralement harmonieuses avec leurs voisins chrétiens », lit-on dans une publication de l’université qui précise ensuite « Les Juifs les plus éminents de la ville faisaient partie des personnages les plus importants d’Angleterre ».
Le jour du massacre de 1190, qui a eu lieu le jour de Shabbat précédant Pessah, les Juifs d’York se sont réfugiés dans une tour du château du roi, poursuivis par des villageois antisémites bien déterminés à les convertir de force au christianisme ou à les tuer. Les Juifs d’York ont préféré se donner la mort plutôt que de se convertir, et on estime à 150 le nombre des personnes mortes dans ce pogrom.
En travaillant sur les édifices médiévaux encore visibles à York, les chercheurs ont reconstruit numériquement les demeures d’éminents dirigeants juifs suite au massacre – y compris celle d’un oncle et de son neveu, Leo Episcopus et Aaron d’York, l’épouse d’Aaron, Henna, et son neveu Josce le Jovene. Les chercheurs ont également retrouvé l’emplacement de la maison des deux principaux membres de la communauté juive d’avant le pogrom de 1190.
Ils ont également découvert que la première synagogue de la communauté était située à l’arrière de la maison d’Aaron d’York. Léo et Aaron étaient les représentants de la communauté juive d’Angleterre et Aaron a, un temps, été considéré comme l’homme le plus riche du pays.
La reconstruction numérique a révélé que la proximité de la synagogue avec une église plaidait en faveur d’une absence de conflit direct entre les deux communautés religieuses, ce qui n’a pas empêché la synagogue, et d’autres dans le reste du pays, d’être victime de discrimination de la part du roi. Un statut royal de 1253 proclamait ainsi : « A l’intérieur des synagogues, les Juifs doivent maîtriser leur voix lors des offices rituels, afin que les Chrétiens ne les entendent pas. »
Les Juifs ont été persécutés de bien d’autres manières. En 1279, Josce le Jovene, qui était usurier, a été « pendu pour crime » en même temps que son fils Aaron, sans que la nature dudit crime n’ait jamais été spécifiée, précisent les chercheurs.
« A cette époque, on a réuni et emprisonné à la Tour de Londres des centaines de Juifs accusés d’avoir « coupé des pièces de monnaie », pratique consistant à couper des morceaux de pièces en argent pour en faire d’autres pièces de monnaie », indique le projet de recherche. « Certains Juifs sont parvenus à s’en tirer en payant de lourdes amendes ou en se convertissant au christianisme, mais nombre d’entre eux ont été condamnés à de lourdes peines, dont la peine de mort. »
En 1290, les Juifs ont été expulsés d’Angleterre, autorisés à y revenir à partie de 1656.