Comment les nouvelles mesures impactent les restaurants de Tel Aviv
Les propriétaires divergent sur les mesures du gouvernement interdisant aux gens de fréquenter leurs commerces ; malgré les restrictions, les gens sortent et circulent dans la rue
Pendant l’heure du déjeuner, dans un restaurant indien du centre de Tel Aviv, les tables étaient dressées avec soin, mais il n’y avait pas de clients en vue.
À défaut de servir en salle, les serveurs du Tandoori s’occupaient de gérer les commandes de plats à emporter et à livrer, tandis que les chefs les préparaient en cuisine.
Le personnel du restaurant fait partie des nombreux Israéliens qui ont dû s’adapter à une nouvelle réalité dimanche, après l’annonce par les autorités d’une série de mesures radicales, dont l’interdiction de manger dans leur établissement, pour lutter contre la propagation du nouveau coronavirus.
Les autorités ont également ordonné la fermeture de toutes les écoles et universités, des bars, des cafés, des salles de manifestations, des cinémas, des parcs de loisirs, des gymnases couverts, de la plupart des espaces dans les centres commerciaux et d’autres lieux ; elles ont déclaré que les lieux de travail dont la fermeture n’était pas spécifiée comme nécessaire pouvaient continuer à fonctionner tant que leurs employés gardaient une distance de deux mètres entre eux.
« Nous avons traversé des Intifadas et des guerres », commente le copropriétaire de Tandoori, qui a demandé à rester anonyme. « Nous savons qu’il y aura toujours une fin à ces choses. Ce qui est effrayant avec ce virus, c’est que nous ne savons pas quand cela finira ».
Deux cent cinquante-cinq Israéliens ont été contaminés par le coronavirus et plus de 38 500 étaient en quarantaine dimanche, selon le ministère de la Santé.
Depuis l’apparition du virus en Chine fin 2019, plus de 167 000 cas de contamination ont été signalés. Le virus a tué plus de 6 400 personnes, la plupart en Chine, mais des cas ont été enregistrés dans 135 pays et territoires.
Le propriétaire du restaurant a qualifié les restrictions de « raisonnables » et « nécessaires », mais a souligné qu’il espère que le gouvernement apportera un soulagement économique aux petites entreprises.
« Il peut au moins prévoir des exonérations fiscales pour les petites entreprises pendant cette période », appelle-t-il de ses vœux.
En bas de la rue chez Fabrizio, un restaurant de pâtes express, les tables et les chaises étaient empilées et poussées sur le côté.
Le propriétaire Ofir Manshari, 39 ans, a déclaré qu’il craignait que son entreprise ne fasse faillite.
« Si cette situation perdure pendant plusieurs semaines, je ne sais pas si le restaurant survivra », redoute-t-il, tout en faisant sauter des champignons. « Comment vais-je payer mes employés, le loyer et les autres factures ? ».
Contrairement au propriétaire du Tandoori, Ofir Manshari estime que les restrictions vont au-delà du nécessaire.
« Elles sont trop extrêmes », déclare-t-il. « Ils auraient pu dire que tout le monde doit garder une distance de deux mètres les uns des autres dans les restaurants, et cela aurait été suffisant ».
Un grand nombre de personnes se promenaient dans les rues de Tel Aviv ce dimanche, tandis que d’autres faisaient la queue dans de nombreuses banques et supermarchés. L’emblématique marché du Carmel était ouvert, avec la plupart des vendeurs en activité, mais plusieurs magasins à proximité étaient fermés.
Certaines personnes étaient également présentes dans des espaces de sport en plein air pour faire de l’exercice, se prélassaient sur la plage en maillot de bain et étaient assises sur des bancs pour lire des livres.
Noam Sabak, 25 ans, confie que les décisions du gouvernement ont considérablement bouleversé son quotidien.
« Je travaille et j’étudie, mais maintenant je ne fais plus ni l’un ni l’autre », déclare-t-il, tout en faisant de la musculation dans un site en plein air.
Il donne des cours particuliers aux jeunes qui se préparent aux examens d’entrée à l’université et étudie la psychologie à l’Université hébraïque de Jérusalem.
Lorsqu’on lui a demandé s’il était préoccupé par l’utilisation des appareils d’entraînement, il a répondu qu’il n’était pas « ravi » de les toucher, mais qu’il « avait besoin de continuer à vivre ».
« Je pense que c’est un risque raisonnable à prendre », estime-t-il.
Assis près du sable, Meir Wigoder, 64 ans, considère qu’Israël était dans une situation similaire à celle de la guerre du Golfe de 1991.
« Il y a un parallèle très fort », commente ce professeur au collège Sapir dans le désert du Néguev. « Les gens avaient peur de sortir et se promenaient avec des masques à gaz ».
Pendant la guerre du Golfe, l’Irak a tiré 39 missiles Scud à tête conventionnelle sur Israël, tuant un Israélien, en blessant plusieurs autres et causant d’importants dégâts matériels. La crainte à l’époque que ce pays ne tire des missiles à ogive chimique sur l’État juif avait conduit les autorités israéliennes à distribuer des masques à gaz à ses citoyens.
M. Wigoder, qui a déclaré qu’il donnait désormais des cours par vidéoconférence, a ajouté qu’il pensait que les mesures du gouvernement étaient acceptables, mais il a contesté la déclaration du Premier ministre Benjamin Netanyahu selon laquelle Israël allait commencer à utiliser des outils de surveillance numérique avancés pour suivre les personnes contaminées par le virus.
« Je ne pense pas qu’ils doivent traquer quelqu’un sans sa permission », réagit-il, en précisant qu’il pensait que la plupart des gens consentiraient à une telle mesure. « S’ils commencent à le faire sans autorisation, un dangereux précédent aura été créé ».
L’agence de sécurité intérieure du Shin Bet a démenti les rumeurs selon lesquelles le suivi serait utilisé pour appliquer les quarantaines, affirmant qu’il ne serait utilisé que pour aider les autorités à suivre les itinéraires empruntés par les porteurs confirmés du virus afin de trouver les personnes qu’ils pourraient avoir infectées.
Ori Mizrahi, 17 ans, était assis seul sur un banc près de la plage, en train d’écouter de la musique.
Il s’est dit soulagé de ne pas avoir à assister aux cours de son lycée.
« J’y étais la semaine dernière avec des centaines de personnes, et c’était gênant », rapporte-t-il . « On ne sait pas qui a été où et qui pourrait être malade. Espérons qu’avec le temps, les choses reviendront à la normale ».