Israël en guerre - Jour 341

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Comment se porteront les startups en 2024, après les mobilisations de masse ?

L'ancien responsable de la politique d'innovation exhorte le gouvernement à soutenir le secteur tech et à rétablir la confiance des investisseurs pour qu'Israël reste un acteur majeur

Sharon Wrobel est journaliste spécialisée dans les technologies pour le Times of Israel.

Une équipe de bénévoles de la startup israélienne Lasso Security coordonne les achats et les livraisons d’équipements de protection aux soldats israéliens, en octobre 2023. (Autorisation)
Une équipe de bénévoles de la startup israélienne Lasso Security coordonne les achats et les livraisons d’équipements de protection aux soldats israéliens, en octobre 2023. (Autorisation)

Depuis les atrocités du 7 octobre, le sentiment général au sein de la population israélienne est que plus rien ne sera jamais comme avant. Ce même sentiment est devenu un appel à l’action pour que l’écosystème technologique, moteur de l’économie du pays, relève le défi, alors même que près de 30 % de son personnel a été mobilisé comme réserviste dans la guerre en cours contre le groupe terroriste du Hamas.

Aujourd’hui, trois mois après le début des hostilités, des fondateurs de start-up, des entrepreneurs et des investisseurs ont expliqué au Times of Israel comment ils se sont transformés et adaptés, et comment ils continuaient à résister pendant cette période difficile, afin de garantir la pérennité de la réputation d’Israël comme une puissance high-tech.

La situation des start-ups et des entreprises du secteur technologique israélien s’était déjà détériorée dans les mois qui ont précédé le déclenchement de la guerre. Le projet de refonte du système judiciaire proposé par le gouvernement avait engendré une incertitude politique accrue et des craintes que les changements prévus dans le système judiciaire ne compromettent la prédictibilité des affaires et des investissements dans le pays, dissuadant ainsi les investisseurs étrangers.

Puis la guerre a éclaté le 7 octobre quand 3 000 terroristes du Hamas ont déferlé sur Israël depuis la bande de Gaza, lançant un assaut meurtrier au cours duquel ils ont tué plus de 1 200 personnes, pour la plupart des civils. À la suite de cet assaut, plus de 350 000 réservistes ont été rappelés. La mobilisation par l’armée a affecté les entreprises de tout le pays, et n’a pas épargné les entreprises du secteur technologique, tant les petites entreprises en phase de démarrage que celles bien établies.

« D’un jour a l’autre, les start-ups et les entreprises technologiques ont dû respecter tous leurs engagements commerciaux avec une main-d’œuvre réduite », a expliqué Noa Asher, directrice générale du laboratoire d’innovation de NTT Israël, au Times of Israel. « Cette année nous a rappelé l’importance de l’unité et le pouvoir de la solidarité et de l’ingéniosité civile. »

« Nous avons vu l’ensemble de l’écosystème se rallier pour soutenir l’idée que la technologie israélienne était capable de rester performante, quoi qu’il arrive », a indiqué Noa Asher, qui dirige les activités du géant japonais des télécommunications en Israël depuis la création de son laboratoire d’innovation en 2021.

Noa Asher, PDG du laboratoire d’innovation de NTT Israël. (Crédit : Michal Levy)

Faisant le point trois mois après le début de la guerre, d’autres fondateurs et investisseurs israéliens du secteur technologique ont reconnu que si 2023 avait été une année très difficile pour un secteur local frappé par deux crises, l’industrie avait fait preuve d’une formidable résilience en s’adaptant à la nouvelle réalité d’une situation de guerre.

Cette force a été récemment saluée par Pat Gelsinger, PDG d’Intel, le plus grand employeur et exportateur privé d’Israël, qui a déclaré que le peuple israélien était « le plus résistant de la planète », ajoutant qu’en dépit de la guerre, le géant américain des semi-conducteurs n’avait pas manqué à ses engagements de fournir des puces ou de développer des produits dans le pays.

Pour Elad Schulman, entrepreneur en série, la résilience observée pendant la période de guerre en cours est une attitude qui continuera à guider l’industrie technologique locale jusqu’en 2024.

« Nous sommes résistants et nous serons vainqueurs, tant dans cette guerre que dans les affaires », a affirmé Schulman. « Les entrepreneurs israéliens ont un autre facteur X, qui est la communauté : tous les acteurs de l’industrie locale sont toujours prêts à aider les autres. »

Schulman a cofondé la start-up de cyber-espace Lasso Security, basée à Tel Aviv, qui est sortie du secret pendant la guerre en novembre, forte d’un financement de démarrage de 6 millions de dollars, alors même qu’un autre de ses fondateurs, Ophir Dror, avait été rappelé en service de réserve.

Constatant que Dror et d’autres soldats manquaient d’équipements de protection, la jeune entreprise créée il y a trois mois a lancé, avec son équipe de 10 employés, une campagne de collecte de fonds et a recueilli plus de 1,5 million de dollars. L’effort a permis de fournir plus de 800 paquets d’équipement, y compris des trousses de premiers secours, des médicaments de terrain et d’autres fournitures nécessaires à de nombreuses unités de l’armée israélienne afin d’aider à assurer la sécurité des soldats sur le terrain.

Des équipements de protection offerts par la startup israélienne Lasso Security livrés à une unité de combat de Tsahal opérant à Gaza. (Autorisation)

Deux boulots

Lee Moser, fondatrice d’AnD Ventures, une société israélienne de capital-risque qui investit dans des entreprises en phase de démarrage, a indiqué qu’en temps de guerre, ceux qui n’ont pas été appelés au service de réserve exerçaient deux emplois.

« Nous avons notre travail, et puis nous faisons du bénévolat », a expliqué Moser. « Il est important pour nous de poursuivre nos activités quotidiennes du mieux que nous pouvons, car nous devons veiller à ce que nos soldats retrouvent des emplois à leur retour, mais cela ne change rien à l’importance de trouver des moyens de se porter volontaire et d’aider Israël en cette période de crise. »

Moser est mariée à Eyal Naveh, un vétéran de la plus prestigieuse unité des forces spéciales israéliennes, Sayeret Matkal, et l’un des fondateurs de Frères et Sœurs pour Israël, une organisation civile d’aide qui compte plus de 15 000 bénévoles, dont de nombreux membres du secteur technologique, qui utilisent leur savoir-faire et leurs compétences entrepreneuriales pour organiser et gérer des dons afin de fournir des équipements et tout ce dont l’armée israélienne et les victimes du 7 octobre ont besoin.

« La résilience et la créativité des entreprises israéliennes, associées à leur capacité à créer des solutions influentes et révolutionnaires, en font un investissement convaincant », a souligné Moser.

Dans le même ordre d’idées, Moran Chamsi, partenaire de la société Amplefields Investments, basée à Herzliya, a déclaré que « l’empressement des entreprises à déployer leurs infrastructures et leurs équipes pour soutenir le front civil, et l’empressement des individus à assumer la charge de travail de leurs collègues parce qu’ils ont été appelés en service, témoignent de la mentalité israélienne qui consiste à ‘mordre sur sa chique’ ».

« La majorité des sociétés high-tech israéliennes ont réussi à mettre en place un ‘plan B’ à long terme, qui prend en compte le fait que les réservistes pourraient être absents des bureaux pendant plus de trois ou quatre mois », a indiqué Chamsi.

Moran Chamsi, associé gérant d’Amplefields Investments. (Crédit : Merav Ben Loulou)

En hausse…

Schulman, de Lasso, est convaincu que, tant que la guerre fera rage en 2024, le secteur tech israélien continuera à « être à l’avant-garde et à produire des résultats même dans les moments difficiles », raison pour laquelle il se concentre sur le développement des activités de la start-up.

« Nous entamons l’année 2024 avec un important recrutement de nouveaux employés et de solides plans de R&D et de marketing pour fournir une technologie de pointe à nos clients », a déclaré Schulman, co-fondateur et PDG de Lasso.

Yoav Zurel, cofondateur de Pontera, une startup fintech fondée par des Israéliens qui a développé une plateforme logicielle conçue pour aider les conseillers financiers à mieux gérer les comptes de retraite, s’est fait l’écho de plans d’expansion similaires.

« Nous sommes extrêmement optimistes en ce qui concerne les talents en Israël et nous envisageons d’embaucher au moins 50 personnes dans les domaines de l’ingénierie et des nouveaux produits », a affirmé Zurel. « Nous sommes optimistes et pensons que nous gagnerons cette guerre et que les gens reprendront leur quotidien. »

« Même si la guerre se prolonge, cela ne changera rien à notre plan d’embauche », a-t-il ajouté.

Comme beaucoup de startups locales, environ 20 % des effectifs de Pontera en Israël ont été rappelés sous les drapeaux, et 10 % d’entre eux ont vu leur emploi du temps bouleversé par l’appel de leur partenaire, a expliqué Zurel. La société compte 140 employés en Israël sur un total de 220 personnes basées dans ses bureaux de Herzliya et de New York. Afin de soutenir ses employés pendant la guerre, Pontera a lancé des programmes d’aide aux employés, offrant des services d’assistance aux familles, des services de garde d’enfants et la possibilité de travailler à domicile avec un déjeuner payé.

Yoav Zurel, cofondateur et PDG de la start-up fintech israélienne Pontera. (Crédit : Maya Rado)

« Même si près de 30 % de notre équipe est touchée en Israël, nos clients n’ont subi aucune perturbation, absolument aucune », a déclaré Zurel. « Tout le monde fait face à la situation et travaille très dur, de manière extrêmement ciblée, et je pense que c’est ce qui est important pour les investisseurs – ils savent que nous allons continuer à faire fonctionner notre entreprise sans heurts. »

…Les risques pour les entreprises dont la marge de manœuvre financière est faible

Zurel a néanmoins reconnu que certaines entreprises, en particulier les plus petites et les start-ups en phase de démarrage qui ont du mal à fonctionner ou qui n’ont pas assez de réserves financières pour survivre pendant la période de guerre, échoueront.

« Mais, dans l’ensemble, je pense que nous assistons à une nette amélioration de la gestion des entreprises dans l’écosystème », a souligné Zurel. « C’est efficace, c’est ciblé, c’est centré sur le client, car ils n’ont pas le choix. »

S’adressant au Times of Israel, Avi Hasson, PDG de Start-Up Nation Central, a noté que l’une des raisons pour lesquelles la technologie israélienne avait été relativement résistante dans la livraison de ses produits est qu’elle est presque entièrement basée sur des logiciels utilisant le cloud et qu’elle n’est pas affectée par les défis de la logistique ou de la chaîne d’approvisionnement. En outre, la plupart des entreprises de haute technologie ont également des activités mondiales, qui peuvent être poursuivies pendant que la guerre fait rage.

La collecte de fonds restera toutefois un « problème majeur », en particulier pour les startups en phase de démarrage qui ont une marge de manœuvre relativement courte allant de trois à six mois, a averti Hasson.

Au cours des trois mois qui ont suivi le déclenchement de la guerre, les startups technologiques israéliennes ont levé moins de fonds qu’au cours de n’importe quel trimestre depuis 2017, selon le dernier rapport de Start-Up Nation Policy Institute (SNPI). Le ralentissement des investissements a été plus marqué que la tendance observée en Europe et aux États-Unis. Le SNPI est une branche de Start-Up Nation Central, qui suit l’industrie technologique et la met en relation avec des entreprises internationales et des dirigeants gouvernementaux.

Avi Hasson, PDG de Start-Up Nation Central. (Crédit : Miri Davidovitz)

« Nous constatons également la présence d’investisseurs qui ont l’intention de doubler leur mise en Israël, car, du fait de la guerre, une vague d’innovation est en marche dans le pays, notamment dans les domaines de la technologie de défense, de la rééducation, de la santé mentale, de l’intelligence artificielle (IA) et des technologies des drones, lesquelles sont testées au combat ou dans la société civile », a déclaré Hasson.

« De nombreux défis auxquels Israël est confronté ne sont pas propres à Israël ; bien sûr, les autres pays ne sont pas confrontés au Hamas, mais ils ont des défis similaires qui nécessitent des solutions. »

« Le sentiment des investisseurs étrangers à l’égard d’Israël est en fait plus optimiste que nous ne le pensions », a fait remarquer Hasson.

Il estime par ailleurs que les investisseurs, qui s’étaient abstenus de financer les entreprises technologiques israéliennes en 2023 en raison de l’incertitude politique et des valorisations élevées des entreprises, seront sans doute plus attirés par les startups locales cette année.

« Nous devons nous assurer que le secteur technologique israélien ne soit pas à la traîne au moment où l’industrie technologique mondiale se redresse », a indiqué l’ancien responsable de la politique d’innovation, exhortant le gouvernement israélien à jouer un rôle plus actif dans le soutien à la technologie et à l’innovation.

« Le gouvernement doit se concentrer sur la construction d’infrastructures, telles que le capital humain, l’infrastructure de R&D et le programme national d’IA, qui a été conçu mais n’a jamais été mis en œuvre », a déclaré Hasson. « Il doit également signaler très clairement à la communauté internationale des investisseurs et aux multinationales que son soutien à la haute technologie est établi de longue date », a-t-il ajouté.

« Ce soutien s’est fissuré en 2023, principalement autour de la refonte du système judiciaire, et il est très important de le rétablir en 2024 », a-t-il insisté.

Le secteur technologique israélien représente environ 18 % du PIB, contre moins de 10 % aux États-Unis et environ 6 % dans l’UE. Quelque 14 % de l’ensemble des salariés travaillent dans le secteur technologique et dans des emplois technologiques dans d’autres secteurs. L’économie repose sur les exportations technologiques, qui représentent environ 50 % du total des exportations, ainsi que sur les impôts prélevés par le secteur.

« Après cette année (2023), il est clair que notre titre de nation high-tech n’est pas garanti ; c’est un statut que nous devons nous efforcer de conserver », a déclaré Chamsi, d’Amplefields. « Le moment crucial de l’année à venir sera la fin des principaux conflits militaires et, dès que nous aurons rétabli un environnement de sécurité stable, le secteur reprendra sa progression à plein régime. »

Amplefields, qui investit dans des entreprises israéliennes high-tech en phase finale de développement, voit des opportunités d’investissement dans les domaines de la technologie du climat et de la technologie alimentaire, de la cyber technologie, de la technologie publicitaire, de la technologie des ressources humaines et de la technologie de l’assurance.

« Les investisseurs les plus expérimentés savent que toute crise est une opportunité, mais en Israël, c’est encore plus vrai – ces périodes d’incertitude ont entraîné une mobilisation massive des meilleurs cerveaux pour trouver des solutions qui constitueront les technologies de la prochaine génération pour le reste du monde », a ajouté Chamsi.

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