Coronavirus : blâmant Trump, une membre juive du Congrès veut sauver la Floride
Via Zoom, depuis son appartement de West Palm Beach, Lois Frankel veut que son État dispose de davantage d'équipements et d'une réforme du chômage en pleine épidémie de Covid-19

WASHINGTON — Depuis l’apparition du coronavirus, Lois Frankel passe toutes ses journées dans son appartement de West Palm Beach – même si elle n’a jamais été, par ailleurs, aussi occupée qu’actuellement.
Cette femme de 71 ans, membre du Congrès américain représentant la Floride, alterne vidéoconférences sur Zoom et discussions au téléphone sans discontinuer.
« Ça a été intense », confie-t-elle au Times of Israël. « Vous savez, on se dit qu’on va travailler depuis chez soi et que peut-être, on pourra ralentir un peu et prendre une pause. »
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Cela ne s’est pas passé exactement comme ça.
Il y a toujours de nouvelles urgences à gérer, de nouveaux problèmes à prendre en charge. Et chaque jour, clame-t-elle, elle entend de nouveaux récits médicaux horribles à lui être racontés par ses administrés.
Par exemple, le 14 avril, elle a reçu un courriel d’une femme vivant dans son district de Floride du sud, qui comprend Boca Raton et Fort Lauderdale, qui lui a écrit qu’elle avait amené récemment à l’hôpital sa mère de 93 ans, malade et présentant des symptômes du Covid-19.
Il a fallu neuf jours pour obtenir les résultats du test de dépistage. Dans l’intervalle, la nonagénaire a développé une pneumonie, son corps s’est affaibli. Elle a fini par succomber.
Le test de dépistage au Covid-19 était – étonnamment – revenu négatif, mais seulement une demi-heure après avoir reçu ce résultat encourageant, la nonagénaire décédait des suites d’une hémorragie interne. Selon sa fille, les médecins lui avaient dit qu’ils s’étaient trouvés dans l’incapacité de diagnostiquer la vraie pathologie de manière suffisamment anticipée parce que les dépistages pour les autres maladies étaient reportés – à un moment où le système de soins s’efforce de traiter le nombre croissant de tests du coronavirus.

Pire encore : en raison de la crainte que sa mère ne soit atteinte du Covid-19, elle a été placée à l’isolement, et sa fille n’a pas pu la voir.
« Je n’ai eu aucun moyen de la soutenir », a-t-elle écrit à Lois Frankel. « En neuf jours, seul un docteur m’a téléphoné. Maman est morte seule. »
Les courriels comme celui-ci sont devenus la norme pour l’élue de Floride, dont la mère de 94 ans a été placée à l’isolement.
Dans un moment de crise où personne n’est épargné, cette membre du Congrès passe son temps à tenter de faire en sorte que les hôpitaux et les services de soins de sa circonscription disposeront d’un nombre suffisant de tests de dépistage, de respirateurs et d’équipements de protection personnelle pour pouvoir affronter la recrudescence du nombre de patients qui luttent contre le nouveau coronavirus.
Jeudi matin, elle a participé à une vidéoconférence entre les membres de la délégation de Floride au Congrès et ceux de l’Association des hôpitaux et des soins infirmiers qui a visé à évaluer les besoins du système médical dans l’État. Comme une grande majorité d’États du pays, dit-elle, la Floride manque de fournitures essentielles.
« On a des remontées des gens sur le terrain, des infirmiers et des médecins, qui nous disent qu’ils n’ont pas d’équipements de protection », déplore Lois Frankel, dont la circonscription compte une importante population juive. « Ils n’ont pas les masques et les blouses nécessaires. »
Un grand nombre d’États américains sont dorénavant en concurrence les uns avec les autres pour obtenir ce type d’équipements auprès des fabricants, dans ce qui est devenu une guerre des enchères qui a fait flamber les prix de ces biens essentiels.
« On lutte ici, au niveau local, contre chaque comté, contre chaque État », regrette-t-elle. « C’est du chacun pour soi, en quelque sorte. »

Et la situation n’aurait pas été si dramatique, souligne-t-elle, si le président américain Donald Trump avait pris le virus au sérieux lorsqu’il a été mis en garde contre ce risque, au mois de janvier, par la CIA (le domaine Mar-a-Lago, propriété de Trump, se situe dans la circonscription de Lois Frankel).
« Nous aurions eu besoin que le président se charge d’ordonner la production de toutes ces fournitures pour s’assurer qu’elles soient réparties de manière appropriée », dit-elle. « Les autorités fédérales ont échoué, tout simplement. Et les États se retrouvent donc dans l’urgence. »
Aider les nouveaux chômeurs
La pandémie de coronavirus est plus qu’une crise de santé publique : elle est devenue une urgence sociale. Plus de 16 millions d’Américains se sont inscrits au chômage depuis la mi-mars, lorsque les États ont commencé à émettre des ordres de confinement – poussant la plupart des entreprises à stopper leurs activités à la hâte.
Et la Floride n’est pas épargnée, avec plus de 472 000 nouveaux chômeurs au cours des dernières semaines. L’économie y repose en grande partie sur les revenus issus des voyages et du tourisme. C’est l’une des raisons pour lesquelles Lois Frankel prône un changement du système des allocations chômage dans l’État.
Elle a écrit quatre lettres au gouverneur de Floride, Ron DeSantis, lui demandant d’utiliser ses pouvoirs d’urgence pour mettre en œuvre de larges réformes : faciliter le processus d’inscription aux allocations chômage, permettre aux résidents de bénéficier d’une période d’éligibilité plus longue (la Floride est l’un des sept États n’octroyant pas à ses habitants 26 semaines de chômage, mais seulement douze) et augmenter les aides hebdomadaires distribuées par le programme – et dont le montant est plafonné depuis des décennies à 275 dollars (254 euros).
À cause de l’avarice de la Floride, la majorité des gens ne pourront pas payer la totalité de leurs factures
« Les indemnités versées en Floride sont parmi les plus mauvaises du pays », regrette Lois Frankel. « À cause de l’avarice de la Floride, la majorité des gens ne pourront pas payer la totalité de leurs factures. »
Elle n’hésite pas à critiquer Ron DeSantis, à qui il a fallu des semaines pour ordonner le confinement dans l’État. Il a également refusé de fermer les plages lorsque des milliers de vacanciers ont pris d’assaut la côte, au mois de mars, lors du spring break.

« Je me suis montrée critique parce qu’il a reporté, dans les faits, l’ordre de confinement », explique-t-elle. « Il aurait pu le faire plus tôt. Si vous regardez les foules qui se sont réunies sur les plages de Floride – nous avons probablement exporté le virus dans un grand nombre d’autres États. Le gouverneur se plaint de New York, de la Louisiane et du New Jersey. Les gens pourraient se plaindre de la Floride. On a bien vu ce qu’il se passait sur ces plages », accuse-t-elle.
Lois Frankel souligne que l’administration, à Tallahassee, ne peut attendre aucune aide extérieure pour sauver la Floride de la catastrophe économique entraînée par le virus.
« Ce n’est pas comme pour un ouragan », indique-t-elle. « Si un ouragan touche la Floride, on va avoir de l’aide de la part de la Géorgie. Quand l’ouragan frappe le comté de Miami-Dade, on va avoir un soutien du comté de Palm Beach. Là, tout le monde est frappé de la même manière. »
Une nouvelle normalité
Si elle a salué l’enveloppe d’aide d’urgence d’un montant de 2,2 trilliards de dollars adoptée par le Congrès pour aider l’économie à renaître de ses cendres, elle explique que la Floride – et tous les autres États – ne peuvent pas compter sur la Maison Blanche pour obtenir des équipements nécessaires dans la lutte contre l’épidémie, voire une assistance financière.
« Trump sait qu’on est tellement à la traîne pour disposer de ce dont nous avons besoin qu’il ne veut pas qu’on lui en attribue la responsabilité », dit-elle. « Alors il pense que pour ne pas être critiqué, il lui suffit de dire que cela ne découle pas de sa responsabilité, mais de celle des États. C’est une approche totalement idiote », dénonce-t-elle.
Ceci dit, les membres du Congrès tentent actuellement de trouver un accord sur une deuxième enveloppe de soutien dans ce contexte de crise. Lois Frankel souligne la nécessité de renforcer les capacités de dépistage pour permettre à certains secteurs de l’économie de rouvrir jusqu’au développement d’un vaccin (l’épidémiologiste en chef du pays, Anthony Fauci, a indiqué qu’un vaccin pourrait arriver dans 12 à 18 mois).

« Ce dont nous avons drastiquement besoin, c’est d’une capacité à dépister et à surveiller », estime Lois Frankel. « Pour le moment, nous ne dépistons qu’un pour cent de la population. Il faut que nous trouvions un moyen de revenir au travail en toute sécurité une fois que nous aurons atteint notre pic. »
« Gardez à l’esprit », ajoute-t-elle, « que les seules raisons pour lesquelles le nombre de cas diminue, à certains endroits, c’est parce que les gens respectent la distanciation sociale. Mais s’ils retrouvent leurs anciennes habitudes alors la crise empirera ».
Pour sa part, Lois Frankel s’acclimate à son nouveau quotidien de confinement. « Je porte un masque dans mon immeuble quand je prends l’ascenseur », décrit-elle, « mais je m’oblige vraiment à rester chez moi ».
Elle dit aller faire une courte promenade, une fois par jour. Non sans mélancolie, elle reconnaît que les choses vont rester ainsi pendant un moment.
« Nous n’allons pas revenir rapidement à la normale, pas avant la découverte d’un vaccin et de thérapies de soin », avertit l’élue. « À moins d’un miracle. »
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