D-Day : En Normandie, des férus de reconstitution historique venus du monde entier
"Le voyage était très fatigant mais c'était inimaginable de ne pas être là pour le 80e anniversaire" du Débarquement, dit l'un des visiteurs venu endosser l'uniforme des héros du 6 juin 1944
Sur Omaha Beach, l’une des plus célèbres plages du Débarquement, une vieille Mercedes 170V, recouverte de symboles de la résistance française, diffuse du Edith Piaf. À l’intérieur, surprise : ce sont des Allemands férus de reconstitution historique.
Comme eux, de nombreuses personnes sont venues, parfois en famille, endosser l’uniforme militaire de soldats ayant débarqué en Normandie le 6 juin 1944 ou ayant participé aux meurtriers combats de l’opération Overlord.
« Cette voiture, je la mets toujours aux couleurs des F.F.I », les Forces Françaises de l’Intérieur, un des principaux mouvements de résistance française pendant la Seconde Guerre mondiale, raconte Siegfried Oberst, venu de Bochum, à plus de 750 km d’Omaha Beach.
Passionné de reconstitution historique, le sexagénaire a trouvé le véhicule dans une grange et s’est attelé à la remettre en état.
« Je ne porterai jamais un uniforme nazi […] je veux rappeler qu’il y avait la résistance française et des Allemands résistants », martèle-t-il à l’AFP.
Utilisée par la Wehrmacht, la vieille Mercedes roule depuis au moins 1945 et est enregistrée comme « véhicule historique ». Sur son toit, Siegfried a installé, pêle-mêle, un gramophone, un portrait de Jésus, des valises d’époque.
« Le voyage a duré plus d’une journée », raconte un de ses amis sur la banquette arrière. « C’était très fatigant mais c’était inimaginable de ne pas être là pour le 80e anniversaire » du Débarquement.
Passion, temps, argent
Pour Nicolas Astruc, venu en famille avec ses parents et ses frères, « impossible » également de ne pas célébrer cette date.
Au volant d’un Dodge, une Jeep de l’armée américaine qui servait à transporter les hauts gradés et à effectuer des missions de reconnaissance, le jeune Français de 33 ans, habillé en tenue militaire de G.I., balaie du regard la baie de Seine.
Les soldats américains morts le 6 juin 1944 « n’avaient même pas mon âge, ils ont laissé leur vie sur ce sable, à quelques pas de là où je suis », dit celui qui est « dans la vraie vie » pompier à l’aéroport parisien d’Orly.
Ses parents lui ont transmis le « virus » de la reconstitution historique dès son plus jeune âge : à trois ans, il parcourait déjà cette même plage dans un véhicule d’époque à l’occasion du 50e anniversaire du Débarquement.
« Acheter mon Dodge personnel […] c’est beaucoup d’argent et de passion, du temps aussi », confie-t-il, tout en actionnant la sirène du véhicule.
Mais ce n’est pas un jeu. « Je me renseigne beaucoup en amont », souligne-t-il. « On essaie vraiment de commémorer ce qu’ils [les soldats, NDLR] ont fait pour nous. »
« Ressentir l’Histoire »
Pour Santos Morondo aussi, la reconstitution historique est « une affaire sérieuse » qui sert le devoir de mémoire.
« La vérité, c’est que quand vous faites ça, vous entrez dans un rôle et vous voyez les lieux, l’histoire, non pas du côté spectateur, en dehors de tout, mais comme si vous faisiez partie de ce moment d’histoire que vous essayez de reconstruire », raconte l’Espagnol de 49 ans, venu de Bilbao.
Grâce à des magasins spécialisés, Santos est parvenu à reconstituer tout l’attirail d’un G.I. américain s’apprêtant à débarquer sur les plages de Normandie.
Mais la préparation ne s’arrête pas là.
« Il faut lire sur cette époque, sur le lieu, sur le nombre de morts, et lire la correspondance des soldats la veille du D-Day, leur peur », explique-t-il.
« Bien sûr, tu ne pourras jamais ressentir ce qu’ils ont ressenti mais tu réussiras à comprendre l’Histoire. »
Le développeur informatique aime aussi participer à des reconstitutions historiques d’autres époques.
Et c’est parfois plus facile que d’endosser l’uniforme des G.I., remarque-t-il.
« Pour les plus anciennes reconstitutions, comme l’époque romaine, on se base sur des mosaïques, des peintures, des sculptures. Mais souvent les couleurs sont perdues et donc on a plus de liberté pour inventer. »
« Pour la Seconde Guerre mondiale, tout est décrit minutieusement, il y a même des photos » donc pas le droit à « l’erreur », dit-il avec un sourire.
« Mais chaque période a sa grâce. »