De minuscules poids attestent de la présence chrétienne pré-musulmane sur le mont du Temple – archéologues
Ces pièces de monnaie de l'époque byzantine, découvertes il y a peu dans des débris issus du sanctuaire de Jérusalem, étaient utilisées dans les églises du VIe siècle
Deux poids qui servaient de pièces de monnaie à l’époque byzantine viennent d’être découverts et témoignent de la présence chrétienne sur le mont du Temple avant la conquête musulmane de Jérusalem, et pourraient même être le signe de la présence d’une église primitive, ont expliqué des archéologues dans un récent article.
Ces poids ont été découverts dans le cadre d’un projet de tamisage du mont du Temple, qui a permis depuis 2004 de découvrir de nombreux artefacts par un tamisage méthodique des tonnes de terre et de débris extraits du mont et jetés hors les murs de la Vieille Ville par l’autorité musulmane du Waqf lors d’un projet de construction en 1999.
Ces petits artefacts, l’un en verre et l’autre en laiton, ne pèsent que 0,6 gramme. L’analyse indique qu’il s’agit probablement de poids impériaux officiels du type requis par la loi byzantine du VIe siècle dans les grandes églises.
Ce projet archéologique a déjà permis de découvrir « de nombreux artefacts relevant vraisemblablement de l’époque byzantine », notamment des objets liés au culte, ce qui, « avec ces poids récemment découverts, suggère la présence d’une église byzantine sur le mont du Temple », indique le journal.
L’article, intitulé « Deux poids byzantins remarquables du mont du Temple de Jérusalem », a été publié dans la revue Israel Numismatic Research et rédigé par Haim Shaham, Zachi Devira et Gabriel Barkay, ces deux derniers étant par ailleurs à la tête du projet de tamisage du mont du Temple.
Le mont du Temple, site le plus sacré entre tous du judaïsme, fut l’emplacement des premier et deuxième temples bibliques. Ce haut lieu de tensions de la Vieille Ville de Jérusalem, qui est également présenté comme le troisième sanctuaire de l’islam, après La Mecque et Médine, abrite le Dôme du Rocher et la mosquée Al-Aqsa.
La présence chrétienne sur le mont du Temple n’a jamais été un important objet de recherche pour les historiens et a souvent été minimisée par les autorités.
Mais au fil du temps, ces travaux de tamisage ont permis de « trouver un grand nombre de carreaux de sol ornés de la période byzantine, évocateurs d’édifices monumentaux. Nous avons également retrouvé des morceaux de jubés [NDLT : Tribune transversale élevée entre la nef et le chœur, dans certaines églises], éléments architecturaux des toute premières églises, ainsi que bon nombre de mosaïques de l’époque byzantine, signe d’un soin particulier pour le revêtement de sol », explique le co-auteur Shaham, expert en pièces de monnaie anciennes et doctorant en archéologie à l’Université Bar-Ilan.
Les poids nouvellement découverts seraient associés à une église, précise-t-il. « Tout ce matériel byzantin nous montre qu’il s’est passé quelque chose, mais jusqu’à il y a dix ans, régnait un consensus selon lequel, durant la période byzantine, le mont du Temple était abandonné. Mais en réalité, il s’est passé beaucoup de choses à l’époque byzantine, et d’après ce que nous avons trouvé, il a pu y avoir une église. »
Shaham admet que la présence d’une église pré-musulmane n’est pas avérée, mais que « nous devons évaluer la probabilité de ce qui est l’explication la plus simple de la présence de ces poids. Et ce qui est le plus simple est souvent la meilleure explication ». Des poids similaires ont été trouvés dans une autre église byzantine, à Sussita, sur le plateau du Golan, de sorte que « l’idée de poids officiels à l’intérieur d’une église byzantine a déjà été établie au Levant », ajoute-t-il.
Le poids de verre est orné d’ « un buste impérial auréolé, qui surplombe un monogramme en forme de croix flanqué de deux plus petits bustes », et mesure environ 17 millimètres de diamètre pour 2 millimètres d’épaisseur, notent les auteurs. L’artefact porte un monogramme indiquant « Euthalios », de toute évidence « un haut fonctionnaire byzantin sous l’autorité duquel les poids ont été fabriqués. Ces poids ont probablement été produits par un atelier officiel central à Constantinople, entre 550 et 650 de notre ère. »
Le deuxième poids, en alliage de laiton, est de forme carrée, et mesure 13 millimètres de côté pour 1,6 millimètre d’épaisseur. Il est revêtu d’une délicate incrustation d’argent avec les lettres grecques kappa et delta, que les archéologues interprètent comme indiquant le poids, 4 keratin ou carats. Ce type de poids carrés est typique des 5e et 6e siècles de notre ère.
La petite taille et le poids exact des deux artefacts en font des découvertes extrêmement rares, estiment les auteurs.
C’est en 638 de notre ère que l’empire islamique nouvellement créé a pris Jérusalem aux Byzantins chrétiens, également connus sous le nom d’Empire romain d’Orient. Les archives musulmanes de l’époque soulignent que le mont du Temple servait alors de dépôt d’ordures avant qu’ils n’entreprennent d’y ériger le Dôme du Rocher.
« C’est sur cette base que les historiens ont supposé que le mont du Temple était un dépotoir », mais il pourrait s’agir d’un cas où l’histoire a été réécrite par les vainqueurs, explique Shaham. Une autre explication de la présence de ces artefacts byzantins, dit-il, est l’existence d’un bâtiment byzantin sur le mont du Temple, détruit par l’Empire perse sassanide, dont le bref contrôle sur Jérusalem, entre 614 et 630 de notre ère, a semé le chaos dans la ville.