De rares villageois palestiniens retournent dans leur hameau, fui suite aux violences
Selon le chef de Khirbet Zanuta, Faez Tel, les autres auraient peur de revenir en raison des habitants des implantations qui "prennent des terres et provoquent des troubles"
Jeremy Sharon est le correspondant du Times of Israel chargé des affaires juridiques et des implantations.

KHIRBET ZANUTA, Cisjordanie – Une poignée d’anciens habitants d’un village palestinien abandonné sont revenus mardi pour entamer sa réhabilitation, après qu’une décision de la Haute Cour, rendue le mois dernier, a ordonné à l’armée et à la police de leur en permettre la réinstallation.
Selon Faez Tel, chef de Khirbet Zanuta, cinq résidents se sont rendus au hameau mardi, escortés par les services de sécurité, mais ils n’ont pu y passer la nuit, faute de structures habitables.
D’après Tel, une fois que certains bâtiments auront été réparés et des tentes installées dans ce hameau des collines du sud d’Hébron, en Cisjordanie, d’autres habitants reviendront.
Le retour des habitants était initialement prévu pour lundi, après avoir coordonné leur réinstallation avec Tsahal et la police, conformément à la décision de la Haute Cour de justice rendue en février.
Mais seuls Tel et un autre habitant étaient présents ce jour-là. Selon lui, les autres résidents ont été dissuadés par la peur d’une recrudescence de violences de la part des habitants des implantations, principale raison pour laquelle ils avaient fui Khirbet Zanuta à deux reprises au cours des 16 derniers mois.
Environ 36 familles vivaient autrefois à Zanuta, avant de fuir fin octobre 2023 en raison d’une forte augmentation des violences et du harcèlement de la part de résidents d’implantations, survenus après le pogrom perpétré par le groupe terroriste palestinien du Hamas dans le sud d’Israël le 7 octobre, qui a déclenché la guerre en cours à Gaza.

En l’absence des habitants, de nombreuses maisons en pierre de Khirbet Zanuta ont été détruites ou endommagées, apparemment par des résidents d’implantations locales extrémistes. Les forces de l’ordre n’ont pas réussi à identifier les auteurs de ces actes. Une école construite par l’Union européenne (EU) dans le hameau a également été démolie.
En juillet dernier, la Haute Cour avait déjà ordonné à Tsahal et à la police de permettre aux habitants de regagner leur hameau. Certains étaient revenus en août, mais avaient de nouveau fui à la mi-septembre, confrontés à une recrudescence des attaques d’habitants des implantations.
Face à l’inaction des forces de sécurité malgré la décision judiciaire, les villageois ont intenté une action pour outrage au tribunal contre Tsahal et la police. Cette situation a suscité de vives critiques de la part du président de la Cour suprême, Isaac Amit, qui présidait l’affaire.
En février, la Cour a réitéré son injonction aux autorités sécuritaires, leur ordonnant non seulement de permettre aux villageois de retourner à Khirbet Zanuta, mais aussi d’autoriser la réparation des dégâts causés en leur absence.
« Nous sommes nés ici. Toute notre vie est ici, comme celle de mon père et de mon grand-père. C’est le cas de tout le monde ici. Mais il n’y a pas de sécurité », a confié Faez Tel au Times of Israel, lundi, au milieu des ruines de Khirbet Zanuta.
Il a décrit les habitants des implantations extrémistes qui menacent les habitants du hameau comme un problème aussi bien pour les Palestiniens que pour les Israéliens, ajoutant qu’ils continuaient à s’approprier toujours plus de terres dans la région.

Tel a désigné une colline située juste en face de Khirbet Zanuta, où des bulldozers et d’autres engins étaient en action. Un mobile home et une structure temporaire avaient déjà été installés.
Les travaux de construction semblent marquer le début d’une nouvelle implantation illégale. Tsahal n’a pas répondu aux demandes de commentaire sur la nature du chantier.
Selon Tel, cet avant-poste a été établi il y a seulement trois semaines.
« Ils prennent toutes les terres. Il n’y a plus un seul endroit où ils ne s’installent pas, où ils ne créent pas de problèmes, où ils ne provoquent pas de violence », a-t-il dénoncé, ajoutant que l’avant-poste entravait désormais l’accès à Khirbet Zanuta et aux autres villages alentour pour les habitants de la ville palestinienne voisine de Dahariya.
Depuis longtemps, Khirbet Zanuta est menacé de démantèlement par les autorités israéliennes, en raison de l’absence de plan de zonage officiel pour le hameau. Les structures en pierre construites par ses habitants depuis les années 1980 sont considérées comme illégales. Dans la zone C de la Cisjordanie, où se situe le hameau, il est pratiquement impossible pour les Palestiniens d’obtenir des permis de construction ou un plan de zonage approuvé.
Des ordres de démolition avaient été émis contre les bâtiments en 2007. Mais après des années de batailles judiciaires devant la Haute Cour, l’État a accepté en 2017 de ne pas les appliquer tant que de nouveaux critères de planification ne seraient pas établis.

Après avoir fui Khirbet Zanuta en octobre 2023, puis de nouveau en septembre 2024, de nombreux habitants se sont installés à Dahariya, où ils ont trouvé refuge dans les maisons de leurs familles élargies, explique Tel.
Mardi, les premiers habitants revenus sur place ont commencé à déblayer les décombres et les débris qui jonchaient le site, préparant ainsi la rénovation des bâtiments en pierre du hameau.
Lundi matin, Tel s’est rendu à Khirbet Zanuta en compagnie d’un autre habitant, son oncle Mustafa al-Tel, tandis que plusieurs journalistes et activistes palestiniens étaient également présents. Un groupe de militants israéliens des droits civiques s’était rassemblé au pied de la colline surplombant le hameau.
Trois soldats réservistes de Tsahal, accompagnés de plusieurs policiers, sont arrivés sur place pour superviser le retour des habitants. Mais après environ deux heures, constatant que personne ne s’installait ce jour-là, ils sont repartis.
« Je ne sais pas ce qui va se passer ici. La situation n’est pas bonne », a dit Mustafa al-Tel, en montrant du doigt une parcelle de terre où ses oliviers, autrefois bien enracinés, gisaient brisés et déracinés. Il a accusé les habitants des implantations d’avoir détruit ses arbres en septembre dernier, après la seconde évacuation forcée des habitants du hameau.
« Ils [les habitants des implantations] disent que cet endroit leur appartient, que deux [peuples] ne peuvent pas vivre ici. Ce paysage de désolation en est la prevue », a-t-il déclaré en montrant son oliveraie en ruine.

« Ces oliviers – qui dérangeaient-ils ? Cela me brise le cœur. »
Bien que le village ait été officiellement déclaré zone militaire fermée, interdisant l’entrée aux citoyens israéliens, plusieurs voitures occupées par des civils israéliens ont été aperçues circulant dans le hameau sans être inquiétées par les forces de sécurité.
Des activistes palestiniens ont identifié certains des occupants des véhicules comme étant des membres du Conseil régional du mont Hébron.
Puis, un véhicule tout-terrain conduit par deux jeunes femmes affirmant venir des implantations voisines parvient dans la zone du village, peu avant l’arrivée d’un jeune homme, lui aussi originaire d’une implantation proche. Il s’approche des habitations à cheval, en dépit de la présence de policiers et de soldats de Tsahal sur les lieux.
Lorsqu’il a été interpellé en chemin par des militants israéliens postés en contrebas du hameau, qui lui ont rappelé que la zone était officiellement déclarée militaire fermée, le cavalier a répliqué en criant qu’il était « le chef » et qu’il avait le droit d’aller « où il voulait ».

Tsahal a ensuite exigé que les journalistes et même les activistes palestiniens ne résidant pas à Khirbet Zanuta quittent les lieux.
Malgré ces obstacles, Faez Tel a affirmé qu’il continuerait à se battre pour assurer un retour en toute sécurité des habitants du hameau. Il s’est dit convaincu que le système judiciaire israélien, et en particulier la Haute Cour, ferait respecter leurs droits.
« Je ne désespère pas. Je suis les voies légales. En ce moment, il y a la guerre, la situation est difficile. Mais les décisions de justice rendues aujourd’hui en faveur de Zanuta nous aideront à l’avenir », a-t-il déclaré.