Déclaration de Ronen Bar : la balle est maintenant dans le camp de la procureure-générale
Gali Baharav-Miara devra déterminer si les accusations du chef du Shin Bet sur la conduite de Netanyahu, qui ont eu l'effet d'une bombe, nécessitent une nouvelle enquête pénale sur le Premier ministre

Les anciens procureurs généraux qui se sont réunis, lundi dans la soirée, à l’occasion d’une conférence programmée à l’université Reichman avaient prévu de discuter de l’initiative prise par le gouvernement de tenter d’évincer de son poste la procureure-générale Gali Baharav-Miara. Toutefois, il a été difficile pour eux d’ignorer le contenu choquant de la déclaration écrite sous serment faite par le chef du Shin Bet, Ronen Bar, qui a été soumise à la Haute Cour de justice dans la même journée.
« Si ce que dit le chef du Shin Bet est vrai », a dit Menachem (Meni) Mazuz, ancien procureur-général et juge à la Cour suprême à la retraite, « et nous n’avons aucune raison d’en douter, il s’agit de demandes, de la part du Premier ministre, qui portent sur des agissements qui sont manifestement illégaux et c’est le franchissement d’une ligne rouge claire. Les mouvements de protestation civils ne sont pas de la subversion ; c’est un droit démocratique fondamental. Il est interdit d’exiger que le Shin Bet les prenne en charge. »
Avichai Mandelblit, le prédécesseur immédiat de Baharav-Miara, a ajouté : « Les jeux sont faits dès le moment où il est demandé au Shin Bet d’obéir au Premier ministre plutôt qu’à la Haute Cour. Une fois que cette ligne de défense est brisée, il n’y a plus de démocratie ».
La déclaration sous serment qui a été faite par Bar a été soumise dans le cadre de la procédure judiciaire relative aux huit recours déposés devant les juges qui remettent en cause la décision prise par le gouvernement de démettre de ses fonctions le chef du Shin Bet. Les magistrats doivent déterminer si ce limogeage est légalement valide, s’il a été motivé par des considérations étrangères à l’intérêt du pays ou s’il est entaché d’un conflit d’intérêts de la part du Premier ministre – auquel cas il serait annulé.
Mais au-delà de la légalité de ce licenciement, il y a une autre question qui se pose : Les actions de Netanyahu, telles qu’elles ont été présentées dans la déclaration sous serment de Bar, sont-elles elles-mêmes légales ?
Dans les heures qui ont suivi la soumission et la diffusion du document, des demandes ont atterri sur le bureau de Baharav-Miara, réclamant l’ouverture d’une nouvelle enquête criminelle contre le Premier ministre, dénonçant ses tentatives présumées d’exploiter le pouvoir du Shin Bet à son profit personnel et politique.

Les requêtes répétées de Netanyahu en direction de Bar, sommant ce dernier d’émettre un avis sécuritaire qui aurait permis au Premier ministre d’échapper à son passage à la barre en tant qu’accusé dans son procès pénal – ou simplement de reporter ce témoignage – sont constitutives d’un délit d’obstruction à la justice, mais aussi de fraude et d’abus de confiance.
L’une des demandes adressées à la procureure-générale stipulait que « un accusé qui exerce des pressions extrêmes et insistantes sur un haut responsable tel que le chef du Shin Bet – avec pour objectif d’obtenir un ordre ou un avis ostensiblement professionnel qui l’aurait empêché de témoigner à la date fixée par le tribunal – est une obstruction à la justice au sens de la loi ».
Le rejet par Bar de ces pressions n’a pas annulé l’infraction. Cette dernière a été commise par l’acte même d’avoir soumis ces demandes de façon répétée.
La fraude et l’abus de confiance sont des délits de premier plan dans le domaine de la corruption, dans le secteur public. Ils concernent les fonctionnaires – y-compris les élus – qui s’écartent de leur devoir de loyauté absolue à l’égard de l’État, et qui cessent d’utiliser leur autorité au service de l’intérêt public uniquement.

Selon les nombreux appels qui ont été lancés à la procureure-générale, l’infraction pénale, dans le cas de Netanyahu, découle d’un grave conflit d’intérêts : d’un côté, il supervise le Shin Bet ; de l’autre, il aurait cherché à exploiter le service de sécurité à son profit et ce, en tant qu’accusé criminel.
Et ce ne sont pas seulement les efforts livrés par Netanyahu, dans son désir d’éviter de témoigner, qui pourraient s’apparenter à une fraude et à un abus de confiance. Les demandes qu’il aurait formulées pour que le Shin Bet utilise ses capacités contre les organisateurs des manifestations qui s’opposaient au plan de refonte radicale du système de la justice israélien qui était avancé par le gouvernement, pour que l’agence place sous surveillance « les bailleurs de fonds des manifestations » – et surtout pour que Bar s’engage à se soumettre au Premier ministre plutôt qu’au tribunal en cas de crise constitutionnelle : tous ces éléments peuvent constituer des délits distincts de fraude et d’abus de confiance.
Un angle juridique différent
Naama Lazimi, une députée élue sous l’étiquette d’Avoda, s’est appuyée sur une approche juridique différente en centrant son appel lancé à Baharav-Miara sur la Loi du Shin Bet elle-même. L’article 4(c) de la législation précise que « le service doit agir en bon père de famille » et que « aucune mission ne doit être imposée au service concernant la promotion d’intérêts politiques partisans ».
Si cette section n’est pas pénale par nature, Lazimi soutient que ses violations répétées de la part du chef de gouvernement constituent bien un délit de fraude et d’abus de confiance.

L’institut Zulat a écrit à la procureure-générale qu’en plus d’obstruction à la justice et d’abus de confiance, Netanyahu était également soupçonné d’abus de pouvoir.
« Ce n’est pas approprié d’appréhender la déclaration sous serment soumise par Bar seulement dans le contexte des procédures de la Haute Cour consacrées à la légalité de son licenciement », a écrit l’institut, « tout en ignorant les graves implications criminelles qu’elle soulève. Une telle méconnaissance pourrait porter atteinte à la démocratie israélienne et à l’État de droit, tout autant que les actions qui ont été attribuées au Premier ministre lui-même ».
Baharav-Miara devra maintenant examiner si les détails qui ont été révélés dans la déclaration sous serment peuvent donner lieu à un soupçon raisonnable de conduite criminelle de la part du Premier ministre, ce qui justifierait l’ouverture d’une enquête. Au-delà de la question de la preuve, la procureure-générale devra également évaluer l’intérêt que présente pour le public la poursuite de telles investigations.
La Cour suprême a statué que de manière générale, enquêter sur les responsables et les poursuivre en justice allait dans le sens de l’intérêt général. La seule question pertinente est celle de la preuve. Mais en réalité, il existe de nombreuses exceptions à cette règle.

Une autre question doit être abordée – publiquement ou à huis clos : celle de savoir si les affirmations qui ont été faites par Ronen Bar dans la déclaration sous serment étaient inconnues de la procureur-générale. Il est possible de supposer, de façon générale, que Baharav-Miara était au courant d’au moins une partie de la conduite de Netanyahu, telle qu’elle est décrite dans la déclaration sous serment.
Mais si tel est le cas, pourquoi n’a-t-elle pas envisagé d’ouvrir une enquête criminelle en temps réel, au lieu d’attendre que ces accusations soient ouvertement présentées dans une déclaration sous serment soumise à la Haute Cour ?
Les avocats de la défense de Netanyahu pourraient affirmer que si, lors de l’examen initial, la procureure-générale n’avait pas trouvé de motifs suffisants pour ouvrir une enquête, il n’y a aucune raison que les choses changent simplement parce que Bar a choisi de révéler ces accusations dans le cadre d’une déclaration sous serment.
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