Des anciens de Tsahal visitent des campus US dans un climat propice à l’anti-sionisme
D'anciens soldats blessés durant leur service décrivent leur expérience de guerre à des étudiants juifs confrontés de plus en plus confrontés à l'antisémitisme
NEW YORK – Par une sombre nuit de juillet 2014, Ohad Roisblatt menait ses troupes vers une cible du Hamas alors que Tsahal entrait dans la bande de Gaza pendant l’opération Bordure protectrice.
Roisblatt, un commandant de peloton de la brigade d’infanterie Golani, dirigeait le véhicule blindé de transport de troupes de son équipe vers Shejaiya, un bastion du groupe terroriste, lorsque le véhicule a calé sur une route entre un immeuble de deux étages et une citronneraie.
Il est descendu de son véhicule, a inspecté la zone en utilisant ses lunettes de vision nocturne et a ordonné à ses troupes de sortir du véhicule. C’est alors qu’une grenade propulsée par fusée a jailli de l’obscurité et a frappé le véhicule.
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Roisblatt a volé. Trois balles se sont logées dans ses jambes, des éclats d’obus ont pénétré dans sa main et son dos, et une autre énorme explosion a secoué le véhicule lorsque les explosifs des troupes qui se trouvaient à l’intérieur ont sauté à leur tour. Roisblatt est resté étalé sur le dos, craignant d’être enlevé par des terroristes. Son fusil avait disparu dans l’explosion, et il serrait contre sa poitrine la seule arme qui lui restait, une grenade.
« Je criais et criais et personne ne me répondait », a raconté Roisblatt à un groupe d’étudiants de l’université de New York à la fin du mois dernier. « Tout ce que je savais, c’est que j’étais tout seul. »
Sept de ses soldats ont été tués, notamment l’Américain Max Steinberg, et Oron Shaul, dont la dépouille est toujours détenue par le groupe terroriste du Hamas.
Roisblatt a raconté son histoire aux étudiants juifs alors que les actes antisémites se multiplient sur les campus américains et que les sondages révèlent une atmosphère de plus en plus hostile à l’égard des étudiants sionistes. Au cours de cette tournée d’une semaine, il aura visité sept universités américaines, en compagnie de Dana Ofir, qui a été gravement blessée pendant son service lors d’une attaque terroriste retentissante à Jérusalem.
Ces rencontres ont apporté un certain appui aux étudiants juifs, et ont aidé les soldats blessés à se remettre d’un traumatisme latent et créé des liens entre les deux groupes.
La visite faisait partie d’un programme de l’organisation à but non lucratif Belev Echad, basé à New York, qui fournit services et soutien aux vétérans blessés de Tsahal.
Les deux jeunes gens ont décrit leurs expériences aux étudiants au cours de rencontres informelles. À l’université de New York, ils ont parlé à une douzaine d’étudiants attentifs de premier cycle pendant environ une heure au centre Habad du campus. Les universités de New York sont un champ de bataille où se côtoient antisémitisme et activités pro-palestiniennes, tandis que dans les rues, des jeunes manifestent régulièrement pour appeler à la destruction d’Israël, et que la population juive de la ville a fait état d’un harcèlement quasi quotidien dans les cinq zones de la ville cette année.
« Les étudiants ont besoin de voir et d’avoir des réponses aux affirmations les concernant, de savoir ce que font les soldats israéliens et ce qui se passe en Israël », a déclaré le rabbin Yisroel Kievman du centre Habad de l’université de New York.
« Nous voyons tellement de choses aux informations et les gens viennent les voir sur le campus [à propos] de ce qui se passe du côté palestinien, et cela leur donne des informations qu’ils peuvent utiliser lors d’une discussion et comprendre ce dont ils parlent », a déclaré Kievman. « Je reçois tout le temps des étudiants qui me disent ‘Je veux dialoguer avec ces gens mais je n’ai pas toujours toutes les informations nécessaires’. »
Dana Ofir était instructrice de fitness dans l’armée, confie-t-elle aux étudiants. « Chaque jour, je me réveillais et ma vie avait un sens ».
En 2017, alors qu’elle suivait le cours de formation des officiers, elle s’est retrouvée avec ses camarades sur la promenade pittoresque d’Armon Hanatziv à Jérusalem lors d’une visite de la capitale. Un terroriste au volant d’un camion a foncé sur le groupe, tuant quatre de ses amis proches et la blessant gravement.
Elle a montré aux étudiants une vidéo de l’attaque, les radiographies de ses blessures et des photos d’elle à l’hôpital et en rééducation. L’attaque avait fracturé les os de son bassin, ses vertèbres, son tibia et son nez, déchiré son foie et provoqué une forte hémorragie interne. Pendant son séjour aux soins intensifs, elle ne pouvait consommer que des glaçons, tant son état était instable, dit-elle.
Après l’attaque de Gaza, Roisblatt s’est traîné jusqu’à la citronneraie où il a retrouvé le seul de ses soldats encore en vie. Apercevant un groupe qui s’approchait d’eux, il a éteint sa radio et a ordonné à son soldat de ne pas tirer pour ne pas dévoiler leur position. C’est alors qu’il a remarqué que le chef du groupe boitait, et a réalisé qu’il s’agissait de son commandant, qui s’était blessé à la jambe quelques jours auparavant.
Il a été évacué vers un hôpital et a passé un an en convalescence. Ofir a reçu son brevet d’officier alors qu’elle était en chaise roulante.
Mais ils devaient encore surmonter leur traumatisme.
« C’est comme un monstre sur votre épaule », dit Ofir à propos de son TSPT (trouble de stress post-traumatique), qui, selon elle, peut être déclenché par le bruit de camions, des nouvelles parlant d’attaques terroristes ou d’autres éléments déclencheurs.
« Je suis rentrée à la maison et mes soldats ne sont pas rentrés. Je ne savais pas comment gérer ça », a expliqué Roisblatt. « J’étais un enfant, j’avais 22 ans, et soudain je me suis retrouvé face à sept mères, sept pères ».
« Personne ne m’a appris comment aller voir une mère qui a perdu ce qu’elle avait de plus cher au monde et lui dire que c’est de ma faute ? Je ne savais pas comment faire face à cela », a-t-il déclaré. « Le TSPT est arrivé, la culpabilité, la rééducation physique, toutes ces choses ensemble. J’étais dans un très mauvais moment de ma vie et je ne savais pas comment m’en sortir. »
Une fois guéri physiquement, les deux jeunes gens ont repris le service militaire afin de se donner une structure et un but, et affirment que le fait de parler de leurs expériences à différents groupes les aide à faire face aux effets persistants de la violence.
Après leur témoignage, les étudiants ont bombardé Roisblatt et Ofir de questions sur leur histoire, leur service militaire et leur vie en Israël.
Les étudiants, dont la plupart étaient religieux, ont également partagé leurs expériences en matière d’antisémitisme, aidant ainsi les deux parties à se connecter autour des difficultés auxquelles elles sont confrontées à cause du conflit. Plusieurs des étudiants ont discuté avec les soldats dans un hébreu hésitant après l’événement, disant qu’ils apprenaient la langue dans le cadre de leurs études.
Un étudiant a déclaré avoir été harcelé pendant la fête de Simchat Torah près du campus.
« Nous dansions des hakafot autour du bloc et des gens sont sortis d’un restaurant au coin de la rue et ont commencé à nous crier dessus », a-t-il dit.
« Quand de mauvaises choses arrivent en Israël, c’est vous qui essuyez toutes les réactions négatives et c’est vous qui subissez toute la haine », a déclaré Ofir. » Cela ne concerne pas seulement Israël, cela ne concerne pas seulement Gaza, cela ne concerne pas seulement les soldats de combat sur les lignes de front « .
« Faire ce que vous faites, vous dresser contre ce genre de choses, c’est pour nous une source d’inspiration », a déclaré Roisblatt.
Roisblatt a mentionné que lors d’une précédente tournée des campus dans le Kentucky, son discours avait été interrompu par des manifestants.
« J’ai commencé à parler, et quatre ou cinq étudiants pro-palestiniens se sont levés avec des drapeaux palestiniens en criant ‘assassins' », a-t-il dit.
« J’ai été sous le choc pendant des jours après cela, car nous ne connaissons pas ça, nous en entendons juste parler », a-t-il ajouté. « L’antisémitisme, c’est toujours lié, mais quand on vit en Israël, on ne le ressent pas parce que nous sommes la majorité ».
« L’antisémitisme, c’est toujours lié, mais quand on vit en Israël, on ne le ressent pas parce que nous sommes la majorité ».
« Dès que je me suis rendu compte de la situation, j’ai immédiatement pensé : ‘Je veux le refaire, je dois le refaire parce que je veux rencontrer des gens comme vous qui y sont confrontés’ », a-t-il ajouté.
La tournée discrète qui a eu lieu en octobre dernier n’a pas attiré de manifestants.
Aujourd’hui, Roisblatt termine ses études de droit et Ofir travaille comme professeur de fitness. Elle a écrit un livre sur son expérience intitulé « 28 secondes« , soit la durée de l’attaque terroriste d’Armon Hanatziv.
Les campus américains ont été le théâtre de nombreuses manifestations anti-israéliennes ces dernières années, les étudiants juifs affirmant que ces incidents virent souvent à l’antisémitisme. Des Juifs ont été exclus de groupes de soutien aux victimes d’agressions sexuelles, des voyous ont dessiné des croix gammées dans plusieurs campus, des groupes d’étudiants ont interdit les sionistes et des bâtiments juifs ont été la cible d’œufs, de tracts antisémites et d’actes de vandalisme, entre autres incidents.
Selon un rapport publié mercredi par l’Initiative AMCHA, une organisation pro-israélienne, des menaces contre l’identité juive sur les campus se sont produites sur 60 % des campus américains les plus fréquentés par les étudiants juifs l’année dernière. Ces menaces comprenaient des brimades et des intimidations, la diffamation d’associations pro-israéliennes et de Juifs, des boycotts et des efforts pour ostraciser les étudiants et les groupes sionistes.
L’enquête a enregistré 254 incidents qu’elle a définis comme des attaques contre l’identité juive. Les menaces ont doublé après la guerre de l’année dernière entre Israël et le Hamas, le rôle des facultés et des groupes juifs antisionistes d’extrême gauche ont été déterminants, selon le rapport.
Le rapport a enquêté sur les 109 campus les plus populaires auprès des étudiants juifs en rassemblant des données provenant de rapports d’incidents, de reportages dans les médias, sur les réseaux sociaux ou autres publications en ligne.
Le mois dernier, l’Anti-Defamation League (ADL) a déclaré avoir recensé plus de 350 incidents anti-israéliens sur les campus américains au cours de la dernière année scolaire, affirmant que ces activités avaient eu un impact négatif sur les étudiants juifs et faisaient partie d’une tendance croissante à isoler les sionistes.
Les incidents vont de la critique sévère de l’État juif au harcèlement et à l’exclusion d’étudiants juifs en raison de leurs positions supposées sur Israël.
Le rapport souligne ce qu’il considère comme étant une tendance à la hausse qui consiste à faire de l’opposition à Israël et au sionisme « des éléments essentiels de la vie sur le campus ou une condition préalable à la pleine acceptation au sein de la communauté estudiantine ». La plupart des juifs américains pensent que prendre position pour Israël est important ou essentiel pour être juif, même si une enquête Pew de 2020 a révélé que les jeunes de 18 à 29 ans étaient légèrement moins susceptibles de partager ce sentiment.
Une enquête menée par Hillel et l’ADL l’année dernière a révélé qu’un tiers des étudiants juifs ont été victimes d’antisémitisme sur le campus, principalement sous forme de harcèlement verbal en personne et en ligne, ainsi que de dommages matériels.
Des enquêtes fédérales ont été ouvertes pour examiner des affaires d’antisémitisme à l’université du Vermont, à l’université d’État de New York à New Paltz, à l’université de Californie du Sud et au Brooklyn College.
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