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Des chiens pour dépister un cancer ? Pas si vite, mettent en garde les experts

La start-up israélienne Prognose 220 Mil, fondée et gérée par un ancien dresseur de chiens, affirme utiliser les capacités olfactives des canidés pour dépister des cancers

Illustration de la truffe d'un chien. (Keyshort; iStock by Getty Images)
Illustration de la truffe d'un chien. (Keyshort; iStock by Getty Images)

Des spécialistes du cancer affirment que même si des chiens ont montré une capacité à détecter un cancer en flairant l’odeur distincte que les cellules émettent, et qu’ils les utilisent pour examiner des patients, cela reste une méthode qui est loin d’être fiable et elle ne peut pas se substituer aux examens classiques.

Ces experts ont parlé au Times of Israël après que la start-up israélienne Prognose 220 Mil, fondée et gérée par l’ancien dresseur de chien Uri Bakeman, a affirmé  qu’elle avait recours aux capacités olfactives uniques des canins pour dépister un cancer.

La société a appelé le public à envoyer des échantillons de salive au laboratoire, situé dans le Neguev, pour se faire tester, pour 400 shekels.

Dans une interview téléphonique, Uri Bakeman a déclaré qu’il avait entraîné ses chiens grâce à des techniques similaires à celles qu’il avait étudiées pour devenir dresseur de chiens aux Etats-Unis, après son service militaire au sein de Tsahal.

« C’est comme dresser un chien. Vous lui enseignez les objectifs et l’encouragez lorsqu’il agit en adéquation », a-t-il dit. « C’est comme entraîner un chien à détecter des drogues, ou des bombes. »

Le dresseur de chien Uri Bakeman, fondateur de l’entreprise Prognose 220 Mil, qui affirme être capable d’utiliser les chiens pour détecter les cancers (Crédit : capture écran/YouTube)

Ce n’est pas la première fois que le meilleur ami de l’homme est utilisé pour participer au diagnostic du cancer. En 1989, la revue médicale The Lancet a publié une étude dédiée aux résultats obtenus suite au reniflage persistant d’un chien sur un grain de beauté situé sur la cuisse de son propriétaire, où une tumeur maligne a ensuite été trouvée. Une étude de 2006 menée en double aveugle (ni les chiens ni les porteurs ne savaient quels échantillons étaient cancéreux), ont obtenu des résultats plus impérieux permettant d’affirmer que les chiens étaient capables de détecter un cancer, mais n’estimait pas nécessaire le recours aux chiens pour diagnostiquer un cancer.

Dr. Gad Rennert, président du département de médecine communautaire et d’épidémiologie au centre médical Carmel et à la faculté de médecine du Technion, et directeur du CHS Centre national israélien de contrôle du Cancer, s’est dit d’accord avec l’idée que la détection du cancer par le biais de composés organiques volatiles (COV), les molécules qui donnent cette odeur distincte aux cellules cancéreuses, n’est pas nouvelle, ni l’idée que les chiens soient capables de détecter avec précision ces micro-particules.

Il a déclaré dans une courte interview par courriel que l’usage commercial des chiens dans le dépistage des cancers n’avait jamais pris, parce que, comme expliqué dans un article paru en 2017 dans la revue spécialisée Scientific American, cela pourrait conduire aux mêmes difficultés que rencontrent les scientifiques face à un chien.

Dans cet article, Dr. Klaus Hackner, le premier scientifique à avoir publié une étude en double aveugle sur le reniflage de cancers par des chiens, a expliqué que ces conditions ne correspondent pas à la réalité du dépistage de masse dans le monde réel. Par exemple, dans la plupart des études menées, les chiens reçoivent plusieurs échantillons, dont un spécimen cancéreux. Dans le monde réel, le chien aurait probablement des milliers d’échantillons à renifler et seulement quelques échantillons cancéreux.

Et, comme l’a souligné le Dr. Hackner dans l’article, si ni le chien ni le porteur n’ont connaissance des échantillons cancéreux, il ne pourra y avoir aucun renforcement positif pour le chien qui a pourtant identifié avec justesse un échantillon cancéreux.

« Nous ne sommes pas en mesure d’apporter un retour positif parce que personne n’a su si dans cette examen si le chien a eu raison ou non. C’était stressant pour les chiens et les porteurs », a déclaré l’expert à Scientific American. Ses récents travaux ont été publiés dans le Journal of Breath Research en 2016, et il a admis que s’il avait été le premier à simuler ces conditions de dépistage de cancer par des chiens, c’est le manque de renforcement positif qui a conduit à « l’échec » de l’étude.

« Je suis très sceptique quant à cette nouvelle start-up, particulièrement parce qu’il n’y a pas de procédure standardisée validée pour le dépistage du cancer par un chien. Ils font payer les gens, ce qui me rend encore plus suspicieux », a souligné Dr. Hackner dans un courriel au The Times of Israel.

Le dresseur de chiens a déclaré qu’il avait décidé de lancer sa société de dépistage de cancer par les chiens après avoir appris que le NHS, le service de santé national britannique s’était associé avec Medical Detection Dogs (MDD), une firme britannique qui entraîne des chiens depuis 15 ans à détecter l’odeur des maladies, pour mener deux essais cliniques approuvés avec deux hôpitaux différents dans le pays.

« Je me suis dit, Uri, si tu ne crées pas maintenant une société qui permettra à tout le monde de le faire sans problème, tu ne seras jamais capable de le faire parce que [ça va se répandre] dans le monde », a-t-il dit, ajoutant que peu après avoir entendu parler des essais de MMD, il a commencé une formation de six mois pour que son propre chien soit prêt à dépister des cancers. Il y a deux mois, sa compagnie florissante demandait des échantillons par le biais de sa page Facebook, il dit en recevoir une vingtaine par jour.

« Nous avons une précision de 95 % », a-t-il dit, mais celle-ci porte sur un échantillon assez petit, « une dizaine ». Il a ajouté que l’échantillon sera bien plus conséquent d’ici la fin de l’année, parce qu’il dit être en négociations « avec l’un des plus grands hôpitaux d’Israël », mais a refusé de le nommer. Il a également dit négocier avec quelques investisseurs, « prêts à investir » dans cette entreprise, mais a également refusé de décliner leur identité. Le financement initial de cette entreprise provient pour l’instant de ses fonds propres.

Les chiens aussi ont leurs mauvais jours

Le docteur Uri Yoel, spécialiste en médecine interne et enseignant à la faculté de Sciences humaines à l’université de Ben Gurion, qui a mené des recherches sur la capacité des chiens à flairer un cancer, a déclaré que le dépistage en conditions réelles n’a pas été testé avec assez de minutie pour affirmer qu’il peut se substituer aux programmes de dépistages actuellement préconisés par les professionnels de santé.

« Parce que la prévalence du cancer dans la population saine reste faible, il faudrait un échantillon de 1 000 personnes saines », a déclaré Yoel dans une interview téléphonique. « Personne n’a fait d’étude sur un tel volume avec des chiens, parce que ce serait très compliqué et très coûteux. »

La recherche d’Uri Yoel, publiée en 2013, a déterminé que les chiens n’étaient pas seulement capables de détecter certaines formes de cancer, mais qu’il y avait également une odeur commune qu’ils flairaient.

« Nous avons conclu que des chiens pouvaient sentir des molécules émanant des cellules cancéreuses, et dans un deuxième temps, qu’il y a un modèle de cellules cancéreuses communes à plusieurs formes de cancer », a-t-il dit. Mais même lui, qui dit ne pas connaître les travaux de Bakeman et souligné qu’il ne faisait que spéculer, a déclaré qu’il ne préconisait pas de substituer les chiens aux méthodes traditionnelles de dépistage.

« Je ne suis pas convaincu par l’idée d’une utilisation commerciale des chiens pour dépister le cancer », a-t-il déclaré.

Image d’un patient atteint de cancer et sa perfusion goutte à goutte. (CIPhotos, iStock par Getty Images)

Un autre problème potentiel à l’idée de compter sur les chiens pour dépister le cancer se situe autour de la question des cas faussement positifs et négatifs. Ce sujet a aussi été soulevé par le même article de Scientific American par le Dr. Hilary Brodie, professeur au département d’Otorhinolaryngologie à l’université de Californie, Davis.

Le Dr. Brodie a expliqué que si les tests actuellement disponibles peuvent produire des faux cas positifs et négatifs, les médecins savent au moins à quels taux statistiques ils surviennent. En revanche, pour les chiens, le taux de faux cas positifs ou négatifs pourraient varier pour chaque animal, a-t-elle dit. Un chien pourrait bien être plus précis qu’un autre, et même la propre précision d’un animal pourrait varier dans la journée en fonction de facteurs comme la santé, l’humeur ou le niveau d’énergie.

« Les chiens peuvent avoir des mauvais jours, tout comme vous et moi, » a déclaré Brodie dans la revue Scientific American. « Les chiens peuvent faire beaucoup de choses, mais je ne pense pas que nous nous dirigions vers un dépistage global de la population avec des animaux ».

« Je pense que c’est fascinant, » a déclaré le professeur Hezi Bernholz, co-inventeur du médicament contre le cancer Doxi, au sujet du concept derrière Prognose 220 Mil, affirmant que s’il n’y avait pas d’autres options, il serait rassurant de savoir que les chiens sont capables de sentir les différences entre une personne malade et une personne saine. « Mais je pense que vous savez que c’est très, très incertain, je ne les verrais jamais obtenir l’approbation de l’administration américaine des denrées alimentaires et des médicaments (FDA) ».

Le professeur Bernholz pense que si on demandait à 10 médecins s’ils recommanderaient plutôt un chien par rapport à des méthodes de dépistage plus traditionnelles, neuf d’entre eux diraient non. Il a pourtant ajouté qu’avec plus de recherche et des avancées technologiques, nous pourrions finir par voir nos amis les chiens comme un complément aux méthodes de dépistage plus standard. « Peut-être que l’un de ces docteurs dirait oui à un chien. Peut-être. S’il aime vraiment bien les chiens ».

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