Des ONG demandent à Netanyahu de renoncer à la clause dite « dérogatoire »
La future coalition prévoit d'adopter une clause qui permettrait aux législateurs de rétablir une législation annulée par la Haute Cour
Une coalition de 16 organisations de défense des droits civiques a envoyé lundi une lettre au Premier ministre désigné, Benjamin Netanyahu, lui demandant de ne pas permettre l’adoption de la clause dite « dérogatoire » au sein du prochain gouvernement.
La coalition entrante prévoit d’adopter une clause qui permettrait aux législateurs de rétablir une législation annulée par la Haute Cour.
Les équipes de négociation des partis de la coalition (droite, religieux et extrême-droite) débattent actuellement du nombre de députés de la Knesset qui seraient nécessaires pour ce faire, mais la clause elle-même est une priorité législative partagée par tous les partis.
La pétition avertit Netanyahu que l’adoption d’une telle loi entraînerait de graves violations des droits de l’Homme.
« L’adoption de la clause dite ‘dérogatoire’ peut conduire à une situation où la coalition, qui est, à l’heure actuelle, majoritaire, se verra accorder un contrôle absolu et arbitraire et un pouvoir illimité », indique la pétition.
« Dans les faits, la majorité politique actuelle en Israël se donnera le pouvoir de promulguer toute loi qu’elle souhaite, même si la législation est une violation substantielle des droits fondamentaux et une violation de la robustesse et de l’indépendance du pouvoir judiciaire. »
Dimanche, le parti Yesh Atid du Premier ministre sortant Yair Lapid a dit se préparer à une lutte acharnée contre le prochain gouvernement au sujet de ce projet de loi permettant aux députés d’annuler les arrêts de la Cour suprême invalidant des lois inconstitutionnelles.
Les membres de Yesh Atid se sont entretenus, dimanche matin, avec la professeure Suzie Navot, experte de l’Institut israélien de la démocratie, et d’autres personnalités de la société civile à propos de la clause dite « dérogatoire », qui « cause un préjudice critique aux citoyens israéliens, à leur vie quotidienne et à leurs droits fondamentaux », a indiqué un communiqué de Yesh Atid.
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Tout avait commencé quand, dans un jugement historique rendu en 1995, la Haute-cour avait affirmé que la Loi fondamentale : Dignité et liberté humaines, qui avait été approuvée en 1992 par une majorité simple, avait un statut quasi-constitutionnel et qu’en conséquence la Cour avait le droit d’annuler des législations adoptées par la Knesset si ces dernières venaient contrevenir à cette Loi fondamentale.
Depuis, les magistrats ont rejeté 22 législations ou clauses figurant dans des textes de loi sur cette base, annulant également de nombreuses résolutions gouvernementales ou avis juridiques qui, selon eux, contrevenaient aussi aux principes des Lois fondamentales.
Ces jugements ont porté sur certaines des problématiques les plus essentielles en matière de droits de l’Homme et d’état de droit au sein de l’État juif : conduite démocratique de la Knesset, liberté de rassemblement et liberté de manifestation, mise en détention pour une période indéterminée des demandeurs d’asile et des migrants, droit à la propriété foncière – notamment en ce qui concerne les Palestiniens de Cisjordanie – questions liées à la relation entre la religion et l’État, etc…
La Cour a rejeté des politiques déterminantes décidées en particulier par les gouvernements de Benjamin Netanyahu, de 2009 à 2021 – ce qui a entraîné des appels stridents, parmi ses alliés, à freiner ce qu’ils appellent « l’activisme » de la Cour, qui défie la volonté des élus et qui défie ainsi, a fortiori, la majorité du peuple qui les a élus.
Bien qu’elle ne soit pas nouvelle, cette proposition marquerait un changement radical d’une règle en vigueur depuis plus de cinq décennies, réduisant considérablement l’immigration en Israël et risquant de déclencher une lutte acharnée avec les principaux groupes juifs internationaux, comme l’Agence juive, qui soutiennent la Loi du retour dans sa version actuelle.