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Exposition

Des photos de survivants de la Shoah exposées à l’ambassade d’Allemagne en Israël

Inaugurée mercredi, la nouvelle exposition "Humans of the Holocaust" présente au public des images saisissantes et parfois fantaisistes de 25 personnes qui ont triomphé des nazis

  • Dugo Leitner, un survivant d'Auschwitz-Birkenau, tenant un ballon en forme d'étoile juive que les nazis obligeaient les Juifs à porter. (Crédit : Erez Kaganovitz via JTA)
    Dugo Leitner, un survivant d'Auschwitz-Birkenau, tenant un ballon en forme d'étoile juive que les nazis obligeaient les Juifs à porter. (Crédit : Erez Kaganovitz via JTA)
  • L'exposition "Humans of the Holocaust" à l'ambassade d'Allemagne, à Tel Aviv. (Crédit : Erez Kaganovitz via JTA)
    L'exposition "Humans of the Holocaust" à l'ambassade d'Allemagne, à Tel Aviv. (Crédit : Erez Kaganovitz via JTA)
  • À gauche, le photographe Erez Kaganovitz travaillant sur son projet "Humans of the Holocaust" ; à droite : le portrait de Michael Sidko, le dernier survivant du massacre de Babi Yar, entouré de balles. (Crédit : Erez Kaganovitz via JTA)
    À gauche, le photographe Erez Kaganovitz travaillant sur son projet "Humans of the Holocaust" ; à droite : le portrait de Michael Sidko, le dernier survivant du massacre de Babi Yar, entouré de balles. (Crédit : Erez Kaganovitz via JTA)

JTA – La première fois que Gidon Lev a été confronté au déni de la Shoah, c’était après être devenu une star involontaire de TikTok à l’âge de 86 ans.

« J’ai été totalement choqué. Comment était-ce possible ? », a-t-il déclaré à la Jewish Telegraphic Agency, après avoir reçu des dizaines de commentaires l’accusant d’avoir menti au sujet des années passées dans un camp de concentration nazi lorsqu’il était enfant.

« Si seulement j’étais un menteur », a-t-il déclaré. « J’aurais alors un père, des grands-parents, des cousins, des tantes et des oncles. J’aurais eu une enfance. »

Avec un demi-million d’abonnés sur la populaire plate-forme de réseaux sociaux et 8,3 millions de « likes », Gidon Lev affirme que son message, qui consiste à lutter contre la haine et à défendre les opprimés, est universel. « La Shoah montre à quel point la haine peut être cruelle et horrible si on la laisse faire », a-t-il déclaré.

Aujourd’hui, son histoire fait l’objet d’une nouvelle exposition, sur les murs de l’ambassade d’Allemagne à Tel Aviv. Lev est l’un des 25 survivants de la Shoah présentés dans une nouvelle exposition intitulée « Humans of the Holocaust » (Les humains de la Shoah), qui a été inaugurée mercredi, à l’occasion de Yom HaShoah.

« L’importance de cette exposition à l’occasion de Yom HaShoah en Israël, à l’ambassade d’Allemagne en Israël, ne m’a pas échappé », a déclaré Erez Kaganovitz, le photographe à l’origine du projet « Humans of the Holocaust ».

Kaganovitz, qui est basé à Tel Aviv, a déclaré qu’il avait lancé « Humans of the Holocaust » en tant qu’émanation de son projet photographique « Humans of Tel Aviv » il y a plusieurs années, après qu’une photo de la série soit devenue virale. (« Humans of Tel Aviv » est lui-même inspiré du projet emblématique « Humans of New York »). La photo représente quatre avant-bras – ceux de Yosef Diament, survivant de la Shoah, de sa fille et de ses petits-enfants – tous tatoués du même numéro. Les membres de la famille de Diament ont tatoué son numéro de détenu à Auschwitz pour lui rendre hommage. Kaganovitz a été choqué lorsque des commentateurs ont demandé pourquoi quelqu’un se tatouait un code-barres sur le bras.

Gidon Lev, survivant de la Shoah et influenceur sur TikTok, à Prague, en janvier 2023. (Autorisation)

À la même époque, Kaganovitz, petit-fils de survivants qui a travaillé comme journaliste et au gouvernement avant de se tourner vers la photographie, est tombé sur une enquête mettant en évidence l’ignorance des jeunes au sujet de la Shoah. L’enquête, commandée par la Claims Conference, a révélé que 66 % des Américains de la génération Z ne savaient pas qu’Auschwitz était un camp de la mort nazi.

Dans un premier temps, il a déclaré que l’enquête l’avait mis en colère. Mais il s’est ensuite souvenu qu’à la fin de son adolescence, et après avoir été sensibilisé à la Shoah dès son plus jeune âge, lui non plus n’avait plus voulu avoir de lien avec la Shoah.

« Je me suis dit que si je n’avais aucun lien avec la Shoah, pourquoi quelqu’un de Lexington, dans le Kentucky, voudrait-il s’y intéresser ? »

Kaganovitz a rejoint un nombre croissant de photographes qui cherchent à changer le paradigme du matériel « sombre et lugubre » lié à la Shoah, des photos en noir et blanc, du désespoir insondable, des chiffres trop grands pour être compris.

« Je voulais raconter des histoires humaines avec un message global, avec de l’optimisme. Quelque chose que les gens puissent comprendre », a-t-il déclaré, tout en soulignant qu’il n’essayait pas de blanchir ou de minimiser les atrocités de la Shoah.

Cette mission a trouvé un écho auprès de l’ambassade d’Allemagne. « Nous devons trouver de nouveaux moyens d’impliquer le public et en particulier la jeune génération », a déclaré l’ambassadeur d’Allemagne en Israël, Steffen Seibert, dans un communiqué sur l’exposition, qui est présentée comme une narration numérique à l’ère du digital.

À gauche, le photographe Erez Kaganovitz travaillant sur son projet « Humans of the Holocaust » ; à droite : le portrait de Michael Sidko, le dernier survivant du massacre de Babi Yar, entouré de balles. (Crédit : Erez Kaganovitz via JTA)

Les photos sont délibérément choquantes et visent à piquer la curiosité des internautes au point de les empêcher de faire défiler leur fil d’actualité. Un exemple est le portrait de Michael Sidko, le dernier survivant du massacre de Babi Yar, dont la tête, qui semble démembrée, est incrustée au milieu de milliers de douilles.

L’image, dont la réalisation a pris six mois en raison de sa complexité, vise à sensibiliser le public aux deux millions de personnes exterminées en Union soviétique et en Ukraine, ce que l’on appelle « la Shoah par balles« . Dans le texte qui l’accompagne, on peut lire une citation de Sidko : « Les images, les sons et l’odeur de la poudre à canon me hantent encore aujourd’hui ».

Une autre photographie montre Dugo Leitner, un survivant d’Auschwitz-Birkenau, tenant un ballon à l’hélium, couleur jaune-or en forme d’étoile juive sur lequel est inscrit le mot « Jude »[Juif en allemand]. L’expression de Leitner, comme le reste de la photo, est un mélange troublant de fantaisie et d’inquiétude.

La pose représente l’une des tentatives de Leitner pour se réapproprier son histoire, ainsi que son mouvement croissant visant à faire de la consommation de falafel un acte de survie. « Je m’approprie le symbole qui a fait de moi un sous-homme et j’en fais une création optimiste et souriante », a-t-il déclaré.

Parmi les images de survivants âgés, dont certains portent une kippa et d’autres non, figure le portrait d’une femme portant un hijab noir avec des versets coraniques derrière elle. Leila Jabarin est née Helene Berschatzki dans un camp de concentration en Hongrie. À 15 ans, après avoir fui avec sa famille en Israël, elle est tombée amoureuse d’un Arabe musulman, qu’elle a fini par épouser. Jabarin, qui n’a partagé son identité avec ses enfants qu’à l’âge adulte, rejette tout particularisme dans son message au monde. « La haine ne connaît pas de frontières. Jadis, j’ai été persécutée parce que j’étais juive ; aujourd’hui, on me poursuit parce que je suis musulmane », a-t-elle déclaré à Kaganovitz.

L’exposition « Humans of the Holocaust » à l’ambassade d’Allemagne, à Tel Aviv. (Crédit : Erez Kaganovitz via JTA)

Le portrait de Lev représente la star de TikTok devant un mur sur lequel sont tagués les mots « nous avons tous été des réfugiés », vestige d’un conflit qui fait rage autour des migrants africains en Israël. Lev est devenu un réfugié à l’âge de trois ans lorsque Hitler a occupé les Sudètes. Il se souvient du moment où il a été contraint d’abandonner son nouveau tricycle rouge comme marquant sa transformation en « humain apatride ». Après sa libération du camp de concentration de Theresienstadt à l’âge de 10 ans, Lev devient réfugié à New York, puis à Toronto, au Canada. En 1959, il émigre en Israël, « le seul pays qui veuille bien de moi, non pas en tant que réfugié, mais en tant que citoyen à part entière ».

Selon des données publiées cette semaine, environ 147 000 survivants de la Shoah vivent actuellement en Israël. Leur moyenne d’âge est de 85 ans, et environ 15 000 survivants sont décédés au cours de l’année écoulée – un rythme qui incite à innover dans le monde entier sur la façon dont la Shoah est commémorée et enseignée.

Kaganovitz veille à ne pas « imposer » ses propres connaissances sur la Shoah à ses spectateurs. Que ce soit en ligne ou lors de l’exposition, les photographies sont accompagnées d’un court texte de mise en contexte et de liens permettant d’approfondir la lecture.

« Je veux simplement les mettre à disposition. Lorsque vous vous battez pour attirer l’attention aux côtés de toutes ces célébrités qui obtiennent des millions de vues, vous devez rendre votre contenu suffisamment intéressant », a-t-il déclaré. « Sinon, ce ne sera qu’une question de temps avant que 90 % des jeunes n’aient jamais entendu parler d’Auschwitz. »

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